Du match, je n’ai rien vu, ou presque. J’étais trop loin de l’écran. Il fallait laisser voguer son imagination pour apercevoir des petits bonshommes bleus difficilement identifiables, virevoltant comme s’ils répétaient le Lac des cygnes, dansant autour de plots jaunes immobiles et dépassés. Le ballon blanc n’était qu’une suggestion fugace, filant sur l’herbe verte et disparaissant avec plaisir dans les airs. Les buts n’étaient pas une réalité, mais un bruit, celui d’une foule hurlante, levant les bras, lançant ses verres pleins, s’embrassant.
Alors, les talonnades de Doué et de Dembélé, les percées d’Hakimi, les sprints de Kvaratskhelia, je ne les ai pas compris en direct. Ça n’a pas d’importance. Il se passait quelque chose de plus fort, partout dans la ville : une pulsion de vie, un art de la joie. Précisément au Carillon (Xe), l’un des bars meurtris de 2015.
Il était évident que ce ne serait pas une journée comme les autres. Paris avait chaud : de l’attente fébrile de la finale depuis trois semaines, de la pluie du matin, du soleil de l’après-midi, de l’alcool qui coule à flots trop