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Libération
Paris 2024

A J-30 des JO, le bazar des QR code «Pass Jeux» pour circuler dans la capitale

Zones grises, rouges, bleues… A moins d’un mois de la cérémonie d’ouverture, les règles d’accès aux périmètres de Paris situés autour des lieux de compétitions olympiques restent floues pour une bonne partie des Franciliens. On fait le point.
La zone rouge, qui ne restreint la circulation que des véhicules motorisés – piétons et vélos passeront librement – fluctuera significativement en fonction des dates. (Nguyen Van Hai-Barbier Jean Pierre/ABACA/ABACA)
publié le 29 juin 2024 à 10h21

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Le QR code fait son grand retour pour circuler dans certains endroits de la capitale dès le 18 juillet. Promis juré, assure le préfet de police Laurent Nunez, rien à voir avec le QR code Covid qui avait fleuri au pire moment de l’épidémie pour filtrer les entrées des lieux publics. Il s’agit cette fois d’un «Pass Jeux», à demander en ligne pour pouvoir accéder aux zones situées autour des lieux de compétitions olympiques, ainsi qu’aux quais de Seine pour regarder la cérémonie d’ouverture le 26. Mais dont la délivrance n’est pas automatique, loin de là.

Zones grises, rouges, bleues… En théorie, le principe est simple : plus on se rapproche d’un lieu dédié aux JO, plus l’accès est restrictif. Seulement, le périmètre précis de chaque zone évolue en fonction du jour et même de l’heure des épreuves. «Les périmètres rouges (interdiction de la circulation motorisée) et bleus (circulation motorisée réglementée) seront mis en place 2 h 30 avant la première épreuve de la journée et jusqu’à une heure après la dernière. En dehors des périodes d’épreuves, tous les déplacements seront autorisés», peut-on ainsi lire sur le site officiel Anticipez les Jeux.

La liste des rues concernées n’est pas directement indiquée, mais il suffit d’entrer une adresse pour connaître les conditions d’accès. Premier dispositif, le périmètre gris ou Silt (Sécurité insécurité et lutte contre le terrorisme), le plus restrictif, s’étendra autour de la Seine pour la cérémonie d’ouverture. Seuls pourront passer les professionnels, résidents ou spectateurs munis de billets, et à condition de détenir le fameux QR code. Ce périmètre sera partiellement mis en place dès le 18 juillet et s’élargira jusqu’au 26 juillet. Pascal Mousset, président du Groupement des hôteliers et restaurateurs d’Ile-de-France, estime que le jour de l’ouverture, 10 à 15 % de Paris intramuros sera en zone grise. Avant cette date, les visiteurs seront autorisés mais seulement s’ils présentent, en plus du Pass Jeux, une justification de réservation d’un restaurant ou d’un musée, par exemple.

«Les commerces situés en zone grise vont énormément souffrir»

«On va vers une grande inconnue concernant la semaine précédant l’ouverture. Un client ne va pas réserver dans une brasserie ou sur un lieu de passage», observe David Zedouna, représentant de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) pour Paris et l’Ile-de-France. «Le problème ce sera pour la consommation spontanée. On veut aller boire une bière sur les quais et on n’a pas de QR code», abonde Pascal Mousset.

Les bars et restaurants situés sur des péniches ou sur les quais, dont la majorité du chiffre d’affaires est réalisée durant l’été, risquent de perdre nombre de clients cette semaine-là. «Je pense que les commerces situés en zone grise vont énormément souffrir. Ils ne savent pas comment le client va pouvoir accéder à leur lieu. Ils ne savent pas si les salariés vont pouvoir venir travailler. Et ils ont peur d’avoir des retombées commerciales négatives», s’inquiète Pascal Mousset. Pour l’heure, aucune mesure d’indemnisation n’a été prévue, d’après lui.

Ensuite, la zone rouge, qui ne restreint la circulation que des véhicules motorisés – piétons et vélos passeront librement – fluctuera significativement en fonction des dates. Elle s’étendra sur une large partie de Paris les jours des courses cyclistes par exemple, début août. Enfin, l’accès zone bleue devrait être moins contraignant. Mais sur ce point, les informations publiques fournies par la préfecture sont encore vagues. Le périmètre bleu «vise à réduire les flux de passage de véhicules motorisés aux abords du périmètre rouge» et «une déviation des véhicules non autorisés à la zone sera mise en place en amont de la zone bleue», indique-t-elle sans plus de précision. Ailleurs, sur une autre page officielle, on apprend que le justificatif à fournir sera «libre». Des modalités floues dont on peine à imaginer l’application. Contactée, la préfecture n’a pas encore répondu.

Côté mairie de Paris, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour accompagner «les publics éloignés du numérique». Par ailleurs, l’effectif du centre d’appels de la ville, le 3975, est renforcé entre juin et septembre pour aiguiller le touriste ou le Parisien perdu entre les différents périmètres. Aussi, 38 réunions publiques de consultation et d’informations ont été organisées rassemblant 8 000 personnes, en plus de rencontres avec les commerçants, restaurateurs et autres acteurs économiques. Ces derniers peuvent aussi se référer aux applications du service «Joptimiz» afin d’organiser, par exemple, les livraisons (en général la nuit) dans les zones de circulation restreintes.

«Faut être ingénieur logisticien pour comprendre»

Encore faut-il obtenir le précieux sésame. De nombreuses demandes sont encore en attente quand elles n’essuient pas un refus. Comme pour Adrien, stagiaire en pharmacie vivant dans une zone à circulation restreinte, qui s’est vu refuser l’attribution d’un QR code et qui craint ne pas pouvoir entrer ni sortir de ladite zone librement. D’après Pascal Mousset, c’est aussi le cas de plusieurs salariés travaillant dans les établissements en zone grise. Soit parce que la préfecture a estimé qu’ils n’en avaient pas besoin, soit en leur refusant purement et simplement un pass. «Un établissement proche du pont des Invalides a reçu sept refus» pour ses employés, rapporte le président du GHR sans trop comprendre. Le 26 juin, l’organisation a publié un communiqué pour dénoncer ces «graves dysfonctionnements relatifs à l’obtention des pass d’accès pour les Jeux olympiques 2024». Et espère toujours un geste de la part des autorités.

A un mois du coup d’envoi, une bonne partie des Franciliens ne parviennent pas, justement, à anticiper. Malgré les efforts de communication des autorités, près de six Franciliens sur dix «ne sont pas au clair quant aux zones de tensions concernées et au processus d’obtention du QR code», d’après une étude Yougov du 19 juin.

C’est le cas des membres d’un cabinet d’avocat situé au cœur des festivités, sur la place du Trocadéro. «Pourtant on est des experts en droit», ironise notre interlocuteur. Par «manque de visibilité», les collaborateurs comptent se mettre totalement en télétravail pendant la période. «Faut être ingénieur logisticien pour comprendre», confirme, avec un sourire un peu amer, Pascal Mousset. Même s’il estime que la carte interactive disponible sur le site officiel informe clairement les particuliers et les touristes.