Peu importait son résultat ce lundi, Laurel Hubbard était assurée d’entrer dans l’histoire. D’abord parce que du haut de ses 43 ans, elle est l’haltérophile la plus âgée à participer aux JO 2021. Mais surtout parce qu’à son entrée dans le Forum international de Tokyo, la Néo-Zélandaise est devenue la première femme transgenre à concourir aux Jeux olympiques.
Symbole de l’énorme attention que son entrée en compétition suscite, de nombreux journalistes s’étaient accrédités pour assister à son passage, alors que l’épreuve n’attire en général pas les foules.
Assignée homme à la naissance, Laurel Hubbard a pris part à des compétitions masculines avant d’entamer un processus de transition vers ses 30 ans. Elle est par la suite devenue sélectionnable chez les femmes après avoir satisfait aux critères du Comité international olympique (CIO) concernant les sportifs transgenres, à savoir présenter des niveaux de testostérone inférieurs à 10 nano moles par litre de sang. «Laurel Hubbard est une femme et concourt selon les règles de sa fédération. Nous devons rendre hommage à son courage et à sa ténacité», a déclaré à la presse à Tokyo le directeur médical du CIO, Richard Budgett.
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Victoire pour l’inclusivité ou avantage inéquitable ?
Pour autant, sa participation dans la catégorie des femmes des plus des 87 kg n’est pas vue par tous d’un très bon œil. Sa présence à Tokyo a provoqué un débat complexe sur des questions de bioéthique, de droits humains, de science, d’équité et d’identité dans le sport.
Les supporteurs de Hubbard estiment que sa qualification pour les JO représente une victoire pour l’inclusivité et les droits des personnes transgenres. Mais d’autres jugent qu’elle bénéficie d’un avantage inéquitable sur ses rivales féminines en raison de capacités physiques héritées de décennies en tant qu’homme.
Certains défenseurs du sport féminin, dont l’ancienne championne de tennis Martina Navrátilová, ont exprimé leurs réserves, car ils estiment que l’inclusion de sportives transgenres risque de remettre en cause les victoires obtenues de haute lutte pour améliorer le statut du sport féminin. «Je suis heureuse de m’adresser à une personne transgenre de la manière qu’elle le souhaite, mais je n’aimerais pas avoir à concourir contre elle. Ce ne serait pas juste», a déclaré la Tchèque, pourtant militante de la première heure des droits des homosexuels.
Les opposants craignent également que la participation de femmes transgenres mette en péril la sécurité des autres concurrentes dans les sports de contacts, ce qui a incité la fédération internationale de rugby à les exclure de toutes compétitions l’an dernier. Pour justifier sa décision, World Rugby a cité des études scientifiques démontrant que les hommes avaient 30% de force physique de plus par rapport aux femmes.
Pétition pour interdire sa participation
Parmi d’autres avantages, Alison Heather, physiologiste à l’université d’Otago interrogée par l’AFP, cite des membres plus longs pour les hommes, une masse musculaire plus importante, un cœur plus large et une capacité pulmonaire plus grande, qui permet une meilleure circulation de l’oxygène et une plus grande endurance. Mais pour Richard Budgett, le directeur médical du CIO, il n’est pas si simple de comparer les hommes et les femmes, et les femmes transgenres peuvent avoir une baisse de performance lorsqu’elles passent par un processus de transition. Il ajoute que des recherches supplémentaires sont nécessaires, même si «le risque pour le sport féminin a probablement été surestimé».
Sur les réseaux sociaux aussi la participation de Laurel Hubbard fait beaucoup parler. Certains prennent sa défense quand d’autres moquent ou insultent en toute impunité l’athlète qui n’a, elle, rien demandé. Une pétition avait même été créée récemment sur change.org, demandant au CIO d’interdire aux athlètes transgenres de participer aux épreuves féminines, avant d’être retirée pour «discours de haine».
A Tokyo, la Néo-Zélandaise a terminé à la dernière place dans la catégorie des plus de 87 kg après avoir échoué à soulever 125 kg. Mais cette journée restera malgré tout pour elle une victoire.
Mise à jour : à 15 h 30 après l’épreuve sportive.
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