Menu
Libération
1924-2024, les JO à Paris

Au bal olympique de 1924, «même le caleçon de bain est autorisé»

JO Paris 2024dossier
En 1924, Paris accueillait déjà les Jeux olympiques. Qu’en disait la presse de l’époque ? Elle appréciait l’initiative de l’Union des artistes russes à Paris d’organiser une fête mémorable, que le musée d’Orsay a décidé de reproduire le 22 juin.
Marie Vassilieff au Bal Olympique, 1924 Archives Claude Bernès. (Archives /Claude Bernès)
publié le 28 mai 2024 à 12h47

Inscrivez-vous ici pour recevoir gratuitement tous les vendredis notre newsletter Libélympique.

Avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur les Jeux de Paris 1924 tels que la presse de l’époque les a racontés.

Y eut-il, ce 12 juillet 1924, des survivants du bal olympique de la veille suffisamment vaillants pour braver la canicule et s’en aller au stade olympique de Colombes voir l’Australien Nick Winter battre le record du monde du triple saut (15,525 m), applaudir l’Américain Harold Osborn qui s’imposa dans le décathlon et s’ébaubir devant les «Finlandais volants» s’affranchissant comme qui rigole de la chaleur pour dominer les épreuves de cross des JO de Paris ? Si c’est le cas, bravo à eux, car on dansa jusqu’à l’aube à l’occasion de cette fiesta organisée à la Taverne de l’Olympia (where else ?) par l’Union des artistes russes à Paris, parmi lesquels les peintres Marie Vassilieff, David Widhopff, Serge Fotinsky… Le tout décliné sur un programme illustré, entre autres, par Picasso. C’est avec une reproduction de cette fête mémorable que le musée d’Orsay a décidé de clore l’Olympiade culturelle 2024 dans ses murs, le 22 juin, en invitant l’Umlaut Big Band, un orchestre de 14 musiciens spécialistes du jazz des années folles.

«Une fête aussi élégante que pittoresque»

Dans son édition du 11 juillet 1924, le quotidien Comœdia dévoile le programme du premier bal olympique de l’histoire des Jeux : «La fête ne commencera pas avant minuit, mais semble devoir se prolonger fort avant dans la nuit, car le programme est aussi copieux que varié. Des danses inédites seront exécutées par MM. Jean Börlin, Ingel Friis, Erib Viber et Miles Tharnave Svirskaya, Lizica Codréano ; Koklova. Le peintre Foujita présentera un numéro de sports japonais et Mme Sasonoff Slúnimsky un théâtre de marionnettes de Petrograd [actuel Saint-Pétersbourg, ndlr]. Larionov a imaginé un système de projections fantastiques. Gontcharova a dessiné des costumes. La plupart des peintres les plus modernes ont prêté leur concours à cette fête dont le succès est à peu près certain.» Le dress code ? Olympique bien sûr. «Il est recommandé de venir en tenue de sport, prévient le journal. On n’aura d’ailleurs que l’embarras du choix puisque même le caleçon de bain est autorisé.»

Prouesse technique soulignée par l’Intransigeant du 10 juillet, l’Olympia sera «décoré en une heure par 50 artistes parmi lesquels Marie Vassilieff, Barthe, Larionov, Granovski, Berline». Deux jours plus tôt, l’Evénement informait même que «le public [était] invité à apporter des éléments de décor. Voilà au moins une idée originale». Réussite assurée prédit le quotidien : «Nul doute que cette manifestation d’art ultramoderne n’obtienne le même succès que le bal Banal [déjà organisé par l’Union des artistes russes], dont le souvenir reste vivace dans l’esprit de ceux qui eurent la bonne fortune d’y assister.»

C’est la danse du homard

Assurément, on s’éclata ce soir-là à l’Olympia et jusqu’à tôt le lendemain matin comme le raconte, amusé, Comœdia dans son édition du 13 juillet : «Tous les assistants pouvaient s’imaginer être des dieux ou pour le moins des demi-dieux. Beaucoup avaient d’ailleurs revêtu (c’est plutôt dévêtu qu’il faudrait dire) des costumes qui devaient leur donner l’allure de ces personnages allégoriques si utiles à la décoration des timbres-poste, médailles, billets de banque, diplômes et autres œuvres d’art officielles et gouvernementales. Seulement, comme c’étaient les habitants du mont Parnasse qui s’étaient ainsi travestis, il y avait beaucoup plus de fantaisie, d’originalité, d’imprévu qu’on n’est accoutumé d’en trouver chez les doctes pontifes du mont Olympe.»

Le journal poursuit son récit en vantant «les muses, bacchantes et autres féminines beautés» venues «assez peu habillées» elles aussi. Et puis, «vers 2 heures du matin, Neptune était très copieusement représenté ; il y avait presque autant de personnages en caleçon de bain que dimanche dernier à Deauville. C’est évidemment la tenue qui convenait le mieux à la température», note le canard, avant de raconter «les attractions dont le clou consistait en une danse du homard avec M. Jean Börlin» et de constater qu’il «faisait grand jour lorsque les derniers adeptes de Terpsichore [la muse de la danse, ndlr] hélèrent les premiers taxis». A cette heure matutinale, les Finlandais volants s’arrachaient des bras de Morphée en espérant se jeter dans ceux de Niké.

Bal olympique 1924-2024, avec Umlaut Big Band. Le 22 juin à 19 heures au musée d’Orsay (Paris 75007).