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Libération
Récit

Aux Jeux paralympiques 2024, Zakia Khudadadi, première médaillée des réfugiés : «C’est pour toutes les femmes en Afghanistan»

La para-taekwondoïste de 25 ans a décroché ce jeudi 29 août une médaille de bronze, trois ans après son départ de Kaboul pour fuir les talibans. Une première pour la jeune délégation paralympique des réfugiés.
La para-taekwondoïste Zakia Khudadadi, au Grand Palais, à Paris, le 29 août 2024. (Maja Smiejkowska/REUTERS)
publié le 29 août 2024 à 21h59

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Drôle de manière d’écrire l’histoire. Ce jeudi 29 août, Zakia Khudadadi est devenue la première représentante de la jeune délégation paralympique des réfugiés à décrocher une médaille aux Jeux… sans rien faire. Enfin si : un peu après 20 heures, l’Afghane de 25 ans a descendu les magnifiques marches du Grand Palais. Ensuite, elle est montée sur le tapis et elle a salué le public. Puis elle est redescendue, et c’était fini : la médaille de bronze lui était assurée. Son adversaire marocaine, évacuée sur civière plus tôt dans la journée après un coup de pied reçu en pleine tête, n’était pas en mesure de prendre part à cette petite finale des moins de 47 kg de para-taekwondo.

Réduire la médaille de Zakia Khudadadi à un combat gagné par forfait serait injuste. Qu’on le dise clairement : l’athlète de 25 ans a largement mérité sa place sur le podium. En se qualifiant pour les Jeux, d’abord (elle est championne d’Europe en titre, tout de même). Puis en gagnant ce jeudi deux de ses trois combats pour arriver en petite finale, simplement battue en quarts d’un petit point (4-3) par l’Ouzbèque Ziyodakhon Isakova, numéro 2 mondiale et future finaliste du tournoi.

«Pour les femmes afghanes»

Voir la jeune Afghane acclamée comme une Française sur la boîte à Paris a pourtant tout du miracle. Il y a trois ans, presque jour pour jour, elle se préparait à Kaboul pour les Jeux de Tokyo quand les talibans ont pris de force la capitale afghane. Après plusieurs jours à vivre cachée, Zakia Khudadadi avait fui son pays natal, évacuée par les autorités françaises, pour vivre son rêve paralympique. Depuis une compétition ratée au Japon – difficile de faire autrement avec une telle préparation –, la taekwondoïste a trouvé refuge à Paris, s’entraîne à Paris avec l’équipe de France, à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) et rêve d’être naturalisée. Comme s’il fallait encore prouver son attachement, la combattante, accompagnée de sa coach, a brandi après sa petite finale le drapeau de la délégation des réfugiés. Et derrière suivait un autre membre du staff, avec le drapeau bleu-blanc-rouge, le tout sous les vivats d’un public français qui l’acclamait comme l’une des siennes.

Quand on l’avait rencontrée mi-août dans ce temple du sport de l’est parisien, la vingtenaire avait déjà tout d’une Française : elle maîtrisait à la perfection la langue et nous parlait de la géographie parisienne comme si elle l’avait toujours connue. Mais lorsqu’on lui demandait à qui elle penserait au moment où on lui passerait la médaille autour du cou, son regard se tournait sans aucune hésitation vers les femmes toujours oppressées dans son pays d’origine.

Sans surprise, après sa petite finale ce jeudi soir, toutes ses déclarations leur étaient dédiées. «C’est une médaille pour toutes les filles et les femmes en Afghanistan, et pour toutes les filles réfugiées à Paris et dans le monde, a-t-elle déclaré face aux journalistes. Aujourd’hui dans mon pays il n’y a aucune possibilité pour les femmes de faire du sport, d’aller à l’école. Mais je sais que beaucoup de femmes et de filles ont pu me voir à la télévision aujourd’hui. Je pense que cette médaille nous donne de la force pour combattre les talibans, les politiques, pour faire face à toutes ces choses qu’ils nous interdisent. Ensemble, on ne lâchera pas, jusqu’à la paix et la liberté.»