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Avec RetroNews, le site de presse de la BNF, retour sur les Jeux de Paris 1924 tels que la presse de l’époque les a racontés.
Les historiens sont d’accord, Pierre de Coubertin n’a jamais prononcé la célébrissime formule «l’important n’est pas de gagner mais de participer» (1). L’histoire lui est attribuée, ne mégotons pas. Il fut pourtant une épreuve où la France refusa même de participer en se retirant de la course à l’organisation des Jeux de 1920. «La France, candidate aux Jeux de 1920, s’était, il y a deux ans, chevaleresquement effacée devant sa sœur de misère, la Belgique», rappelle le Gaulois, le 19 mai 1921, alors que le Comité international olympique s’apprête à attribuer les Jeux de 1924. Pour le journal, pas question de laisser passer le train une deuxième fois. «Pour 1924, la candidature de Paris reste au premier plan. M. de Coubertin, rénovateur des Jeux et président du Comité international olympique, a déclaré, en annonçant sa décision d’abandonner la présidence du CIO, qu’il demanderait instamment à ses collègues de désigner Paris pour 1924.»
Pour le Gaulois, organiser les Jeux, ce serait tout bénef. Bon pour le business, bon pour le sport. «Le gouvernement, le conseil municipal [de Paris] sont très favorables à notre candidature ; ils savent que les Jeux provoquent un grand mouvement de commerce ; ils savent que si les Jeux avaient lieu chez nous ce serait un nouvel appui donné à la cause sportive ; ils sont prêts l’un et l’autre à participer aux frais que nécessite l’organisation des Jeux, avance le journal. Nous devons donc avoir bon espoir de voir la candidature française approuvée, et c’est présentement notre vœu le plus cher.» Et le quotidien de rappeler avec condescendance : «La Hollande ne semble pas avoir donné des preuves suffisantes de développement sportif pour recueillir les suffrages des congressistes. On pourrait, jusqu’à un certain point, en dire autant de l’Italie, dont la participation à Anvers a été, en athlétisme, peu brillante et qui d’ailleurs semble mal outillée pour organiser une manifestation sportive mondiale comme les Jeux olympiques.» Quant à l’Amérique, même pas en rêve, car «cette nation a eu les Jeux en 1904». Mais alors, quid de la France qui les a accueillis en 1900 ? «Des Jeux officieux», évacue le Gaulois.
Voilà la question qui agite la presse à la veille du vote du comité international olympique. Ces Jeux de 1900 accueillis par Paris, étaient-ils de vrais Jeux ? Si oui, la candidature de la capitale pourrait s’en trouver plombée. L’Intransigeant du 26 mai 1921 s’en inquiète : «Un courant semble se dessiner parmi les délégués étrangers contre l’organisation des Jeux olympiques ayant déjà été confiée à la France en 1900.»
Quoi ? Paris aurait organisé les Jeux et on n’en saurait rien ? Pour le Matin du 28 mai 1921, pas de doute, Paris sera le centre du monde olympique en 1924. En matière de lobbying, le Qatar et son Mondial 2018 n’auraient rien inventé. Près d’un siècle plus tôt, le baron aurait excellé en la matière raconte l’Intran : «Le président du Comité international olympique s’est assuré l’appui de différentes et importantes nations de telle sorte que les Jeux seront attribués à la France pour 1924. […] Le vote au Congrès de Lausanne ne fera que ratifier un fait acquis. D’ailleurs, le délégué des Etats-Unis a déclaré qu’il apportait sa voix en faveur de la France.»
Libélympique épisode 1
Des Jeux joués d’avance ? L’Italie rouscaille comme le raconte le Matin du 28 mai 1921, qui affirme dans ses colonnes que la France ne les a jamais reçus. Le comité olympique italien «déclare inopportunes les récentes démarches du baron de Coubertin et il a donné mandat à ses délégués et de réclamer les Jeux pour les pays où ils ne furent jamais organisés (l’Italie et la France sont dans ce cas)» Objection, conteste la France du 4 juin : «Les Jeux olympiques ont déjà eu Paris pour théâtre. Ce fut en 1900 que la France réunit tous les athlètes du monde sans y remporter d’ailleurs de grands succès personnels.» L’Intransigeant envisage l’échec de Paris, dont il ne ferait pas un drame : «S’il se produit, nous aurons une consolation : celle de voir sans doute cet honneur échoir à notre grande sœur latine l’Italie, dont l’activité sportive est remarquable.»
Alors, ce jamboree organisé à Paris en 1900, de simples jeux de patronage ? Des vrais-faux ou faux-vrais Jeux olympiques ? Un objet sportif non identifié ? Un peu de tout ça. Même s’ils ont été officiellement attribués à la France par le CIO, ils sont dès le départ un peu bâtards. Objets d’une guéguerre entre Coubertin et Alfred Picard, qui veut les amalgamer à l’Exposition universelle, dont il est le commissaire. Au grand dam du baron, l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques soutient Picard. A l’arrivée un compromis : «Les concours de l’Exposition tiennent lieu de Jeux olympiques pour 1900 et comptent comme équivalent de la deuxième olympiade.» Mais point de mention «Jeux olympiques» dans les documents officiels ou sur les affiches. Aujourd’hui encore le CIO a le séant entre deux podiums concernant cette manifestation et écrit sur son site : «Les Jeux de 1900 se sont déroulés à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle. Les organisateurs ont étalé les compétitions sur près de cinq mois tout en minimisant le statut olympique des compétitions, à tel point que de nombreux athlètes n’ont jamais vraiment su qu’ils avaient réellement participé aux Jeux olympiques.» L’expo universelle phagocyte des jeux surdimensionnés dans le temps et l’espace et Coubertin totalement placardisé. Il en garde un tel sentiment d’humiliation qu’il ne veut plus entendre parler de Jeux dans l’Hexagone. D’abord rétif à la candidature pour 1924, il se laisse convaincre par les politiques au nom de la grandeur de la France et de sa place sur l’échiquier international. Aujourd’hui, on parlerait de soft power par le sport.
Le 3 juin 1921, le CIO attribue officiellement les Jeux de 1924 à Paris. Il a voulu «donner à la France un témoignage d’estime pour les progrès réalisés dans toutes les manifestations du sport par les athlètes français. Il a voulu enfin reconnaître le rôle que désormais jouent, dans l’organisation, la réglementation, la direction du sport international, les représentants du sport français, écrit le Gaulois du 4 juin. Nous aurons donc, en 1924, à Paris, cette magnifique solennité où chaque fois tous les peuples du monde, dans des rencontres courtoises, viennent montrer les progrès qu’ils ont réalisés dans l’œuvre de régénération physique universelle qui marque notre époque.»
En revanche, c’est un échec sur toute la ligne pour l’Italie qui n’organisera ni ceux de 1924 ni les suivants. Lors de ce même congrès, les Jeux de 1928 sont attribués à Amsterdam. «Cette dernière décision a provoqué la démission des représentants de l’Italie au Comité international olympique», raconte le Gaulois. Eh bien amis transalpins, l’important n’était-il pas de participer…