Courir 200 marathons partout dans le monde entre 2022 et 2023 pour attirer l’attention et défendre les écosystèmes aquatiques ne lui aura donc pas suffi. La marathonienne australienne écolo Mina Guli s’est lancé un nouveau défi : parcourir vingt fleuves sur sept continents, pour les besoins de sa campagne «World River Run». Le but est toujours le même : sensibiliser le public à la protection de l’eau, en collaboration avec l’ONG Thirst Foundation. Un nouveau projet fou, commencé en France début juin, sur le plateau de Langres, en Côte-d’Or, là où la Seine prend sa source.
A cinq semaines des JO, Paris se trouvait forcément sur le trajet de cette femme d’affaires et avocate de 53 ans. Jeudi 20 juin, juste avant que de très mauvaises nouvelles s’accumulent pour les épreuves olympiques dans la Seine (triathlon et nage libre), Mina Guli a partagé sa course pendant trois kilomètres avec Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris chargé des Sports, des JO et… de la Seine. Une opération de com aux petits oignons, qui a permis aux coéquipiers du jour de multiplier les photos sur le pont des Arts en plein cœur de la capitale.
Cygneaux et exemple mondial
Au cours de son périple mondial, elle raconte avoir vu «des rivières si sèches que j’étais capable de marcher sous les ponts, si pollués que les rives étaient des piles de textiles et de plastiques». Une fois arrivée sous les colonnes de l’Institut de France, à peine essoufflée, la marathonienne s’est réjouie de l’état actuel de la Seine, quitte à surpositiver. «L’objectif de cette course est de célébrer la restauration de cet incroyable écosystème fluvial, mais aussi de le montrer au monde, afin d’inspirer d’autres villes à réaliser des projets similaires», a-t-elle affirmé. Casquette blanche visée et pas trop épuisé non plus, Pierre Rabadan n’en dit pas moins : avoir nettoyé la Seine, «c’est quelque chose de majeur pour le futur de nos enfants et même pour nos vieux jours à nous».
Mina Guli, dont les projets de sensibilisation sont en partie financés par les Nations unies, s’est émerveillée de la faute aquatique du fleuve : «Vous savez, il y a encore quelques décennies, ce fleuve a été déclaré fonctionnellement mort. Hier, alors que je courais, j’ai vu un poisson de la longueur de mon bras. J’ai vu des cygnes et des canards nichés sur les berges. L’un des cygnes était si mignon, il avait des petits canetons sur le dos.» Ou plus probablement des bébés cygnes.
«Ce n’est pas de la com, c’est de la science»
Mais Mina Guli conserve tout de même quelques réserves polies : «Il ne s’agit pas juste d’une histoire de baignade dans la rivière. C’est une histoire de réhabilitation et de restauration entière de l’écosystème. Nous ne pouvons pas juger de la qualité du fleuve juste en fonction de notre capacité à y nager ou non, de nombreux autres aspects entrent en jeu.» Avant d’ajouter : «J’ai déjà nagé dans ce fleuve, et je vous assure qu’une bonne partie de sa santé ne peut pas se résumer à savoir s’il est baignable ou non.» Comprendre, les efforts faits sont encourageants, mais il faut encore du travail pour réhabiliter entièrement la Seine.
Un discours pragmatique repris par Pierre Rabadan : «La baignade dans la Seine, ce n’est pas juste une question de communication positive. Il y a un processus scientifique, une réglementation européenne qu’on applique, des tests qui sont faits chaque jour.» Et, en ce qui concerne les JO qui s’ouvrent le 26 juillet, ces tests ne sont pas encore passés au vert. Vendredi, la préfecture d’Ile-de-France a communiqué sur le niveau encore trop pollué du fleuve pour y envisager des épreuves olympiques. Et dans la soirée, Paris 2024 a annulé la répétition générale de la cérémonie d’ouverture sur la Seine en raison d’un débit trop fort, à cause des pluies diluviennes de ces derniers jours. Pour voir plus loin que l’obstacle olympique de cet été, Guli et Rabadan se sont donné rendez-vous après les JO, pour visiter une exposition sur la Seine. Au sens littéral, puisqu’elle se tiendra au centre d’art flottant du Quai de la photo.