L’Amérique peut respirer. Après une entrée en matière aux allures de mauvais film (pas une seule médaille d’or après cinq jours de compétition), les Jeux de Pékin se remettent en bon ordre pour la Team USA. Les trains arrivent enfin à l’heure.
Jeudi, Chloe Kim a raflé le titre olympique de half-pipe, son deuxième consécutif. Bingo. Moins de trois heures plus tard, Nathan Chen a respecté son rang de favori en s’offrant la médaille d’or du patinage artistique. En prime time dans les deux cas. Secouée par un début de Jeux désastreux (seulement 16 millions de téléspectateurs américains pour la cérémonie d’ouverture), la chaîne NBC retrouve des couleurs.
Nathan Chen, donc. Un talent saisissant. Une trajectoire assez riche pour étouffer l’ennui. Une tête bien faite. Sur les patins, son bagage technique et son sens artistique mettent tous les experts d’accord. En dehors, son histoire personnelle semble écrite de la main d’un auteur à succès. Avant les Jeux de Pékin, la presse américaine l’avait épinglé en tête des stars à suivre pas à pas, au même titre que la skieuse Mikaela Shiffrin ou les surfeurs Chloe Kim et Shaun White. Avec son titre olympique, les annonceurs lui promettent un avenir doré sur tranche.
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Son nom le laisse deviner : Nathan Chen est né aux Etats-Unis, à Salt Lake City, mais de parents chinois. Son père Zhidong et sa mère Hetty ont émigré dans l’Utah en 1988, onze ans avant sa naissance. Ils fondent une famille – trois garçons et deux filles –, reprennent des études médicales en plus de leur boulot, élèvent leurs enfants selon des règles strictes. Nathan débute sur les patins tout en menant une honnête de carrière de gymnaste. Il apprend le piano, s’essaye à la guitare. Le gamin est accrocheur. Jamais un pas de travers. Le déménagement familial en Californie donne un coup d’accélérateur à sa destinée de patineur.
Cours en ligne, long break et méditation
L’athlète idéal, doué et travailleur. Un profil sans angle mort ni face cachée. Aux Jeux de PyeongChang en 2018, l’Américain pousse la porte de la patinoire avec l’espoir d’une médaille. Il n’a pas encore 20 ans, mais ses résultats récents plaident pour lui. Une année plus tôt, il est devenu le premier patineur de l’histoire à réussir cinq quadruples sauts d’un genre différent en compétition. Mais son expérience olympique tourne rapidement au cauchemar. Un programme court truffé d’erreurs le renvoie dans les bas-fonds du classement, à la 17e place. Plus tard, sa démonstration dans le libre le ramène au cinquième rang, mais il reste à l’écart du podium.
«Sur le moment, je me suis dit que les Jeux olympiques avaient été une expérience terrible, raconte-t-il. J’en suis même venu à haïr cette épreuve. Il m’a fallu prendre un peu de recul pour réaliser que j’avais, malgré tout, pris un peu de plaisir.» L’expérience l’a marqué. Elle a aussi transformé son approche du sport de haut niveau. Au cours des quatre dernières années, l’Américain a musclé sa préparation par un travail de méditation. La pandémie l’a contraint à suivre un temps les cours en ligne, avant de s’accorder un long break pour préparer les Jeux de Pékin.
Il en a profité pour s’essayer au tennis, se mettre au ukulélé, entraîner les gamins d’un club du Connecticut et apprendre la cuisine chinoise. «Remplir ma vie de nouvelles activités m’a permis de penser à autre chose qu’au patinage, reconnaît-il. J’ai toujours été très nerveux avant une compétition. Je le suis désormais un peu moins.»
A Pékin, son programme court a renvoyé par le fond les espoirs de victoire de ses rivaux japonais, dont Yuzuru Hanyu, le double champion olympique, totalement à côté de ses patins (8e). L’Américain a totalisé le plus grand nombre de points de l’histoire du patinage, battant le record du monde. Pas moins. En libre, jeudi, une copie sans la moindre rature lui a offert le titre sans qu’il soit nécessaire de sortir la règle à calcul. «Je suis tellement heureux, mais il va me falloir un peu de temps pour faire le tri parmi mes émotions, a-t-il raconté à sa sortie de la glace. Honnêtement, je ne pensais pas que le patinage m’amènerait un jour aussi loin.» Puis Nathan Chen a évoqué l’avenir : «Une chose est sûre, j’entre à l’université en août prochain, je vais intégrer Yale. Pour le reste, le patinage, je ne sais pas. Je dois y réfléchir.» Champion olympique et étudiant à Yale. Classe.