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Basket aux JO de Paris 2024 : Gabby Williams, l’ailière tricolore «born in USA»

Née dans le Nevada d’un père américain et d’une mère française, la joueuse des Bleues disputera une finale hautement symbolique contre les Etats-Unis ce dimanche 11 août.
La basketteuse de Gabby Williams lors de la demi-finale face la Belgique, à Paris, le 9 août 2024. (Damien Meyer/AFP)
publié le 11 août 2024 à 7h00

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Gabby Williams est un peu l’anti Joël Embiid. On ne parle ici ni d’humilité ni de bienséance, mais de la notion de représenter quelque chose qui a un sens profond, un segment intime. Là ou le pivot des Philadelphie Sixers, qui représente aujourd’hui les Etats-Unis, a fait le poseur pour choisir la couleur de son plastron – entre les USA, la France et le Cameroun –, l’Américaine naturalisée s’émerveille de porter la tunique bleue, célébrant ainsi sa descendance maternelle. Cette histoire pourrait être gnangnan si Gabby Williams, 27 ans, n’irradiait pas ses interviews de papillons dédiés à sa grand-mère française, personnage central de sa vie, qui lui conte que son ancrage parisien date de l’époque Napoléonienne. Sur son épaule, l’ailière a fait graver «rien ne peut briser notre lien». Alors, un France-Etats-Unis en finale des Jeux olympiques ce dimanche 11 août dans la capitale, elle n’osait l’espérer.

En bleu, tout a d’ailleurs commencé par des taquineries, lorsque Gabby Williams est sélectionnée pour la première fois, à l’été 2021, par l’ex-sélectionneuse, Valérie Garnier. Aussi à l’aise qu’un oisillon duveteux avec la langue française, elle place dans ses phrases les mots appris avec celle qu’elle nomme avec son accent californien «Mamie». Une dialectique classique et châtiée, loin de la novlangue postmoderne de ses coéquipières, hilares. Née à Sparks, dans le Nevada, d’un père américain dont elle n’était pas particulièrement proche, et d’une mère française, Gabby Williams s’est d’abord essayée au saut en hauteur. Ses standards étant élevés, elle a failli faire partie, à 16 ans, de l’équipe américaine envoyée au JO de Londres. Ce n’est qu’après, pour guérir de ses déceptions, qu’elle se tourne vers le basket, pour lequel elle dispose de solides prédispositions. Quasi sans ancienneté, elle décroche dès 2015 et 2016 ses deux premiers titres NCAA avec l’université du Connecticut.

«Je veux faire les choses bien pour mon papa»

La suite est l’histoire d’une tentation vers l’Europe, et bien sûr la France. Passée pro avec les Sky de Chicago en 2018, elle se fait la malle vers Naples, où le déracinement la rend d’abord malheureuse. Elle enchaîne à Gérone, en Espagne, puis à Lattes Montpellier, en 2019, première grande exaltation de sa carrière : «Une partie de ma famille française a pu me voir jouer pour la première fois», s’enthousiasmait-elle à l’époque. Mais les cimes du basket européen l’appellent, et elle file à Sopron, club hongrois de standing, avec lequel elle est championne d’Europe en 2022. Williams est même élue MVP du Final Four de la compétition.

Entre-temps, Gabby Williams a été durement éprouvée par l’accident qui a tué l’ex-ensorceleur des Lakers, Kobe Bryant. Le 26 janvier 2020, son hélicoptère s’est crashé à Calabasas, une ville située sur les hauteurs de Malibu. A son bord se trouvait également la fille du «Black Mamba», Gianna Maria-Onore, dit «Gianni», 13 ans, dont Gabby Williams était l’héroïne. Ce drame en relie un autre, plus récent. Il y a quelques mois, l’ailière végétalienne, une incongruité à ce niveau du sport mondial – a interrompu sa saison avec Lyon Villeurbanne pour veiller son père, aux Etats-Unis. Son décès recroqueville un peu plus la part américaine de Williams, qui disait à l’Equipe, durant la préparation olympique : «Bien sûr, je veux faire les choses bien pour mon papa, mais il n’en verra jamais le résultat. C’est comme ça.»

Qualités défensives trois étoiles

«Les choses bien», c’est l’affaire de Gabby Williams dans ces JO. En demi-finale contre la Belgique (81-75), vendredi, c’est elle qui a définitivement fait basculer la prolongation, par une action de soliste terminée en lay-up. Après trente minutes chaotiques, l’ailière, polyvalente, et aux qualités défensives trois étoiles, a terminé meilleure marqueuse des siennes avec 18 points. En zone mixte, exercice dans lequel elle se montre toujours assez furtive, elle planait : «Je peux respirer, enfin. Ce qu’on a donné cet été, ce n’était pas pour rien. Je kiffe. J’ai beaucoup sacrifié pour jouer une finale. Ce sera devant ma famille et devant mes pays.» Les siens, assure-t-elle, soutiendront la France.