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Interview

«C’est un peu comme la fin des vacances» : comment contrecarrer la déprime post-JO ?

JO Paris 2024dossier
Après deux semaines de joie endiablée, le blues menace de s’installer chez les Français qui ont suivi avec passion les festivités et les épreuves des Jeux olympiques. Le psychiatre Antoine Pelissolo donne quelques conseils pour éviter le contrecoup.
«Il faut se dire : "Ce qu’on a fait à ce moment-là, on va le prolonger"», conseille Antoine Pelissolo. (Denis Allard/Libération)
publié le 12 août 2024 à 7h54

Ça sent la fin. Depuis quelques jours, la nostalgie commence à poindre son nez. La liesse, la ferveur, la communion, la joie, le plaisir, l’effervescence liée à la quinzaine olympique vont bientôt se dissoudre et laisser la place à un quotidien qui paraît morne, fait de crises politiques et de guerres cruelles. Alors que la cérémonie de clôture a été conçue comme le point d’orgue d’une très grande fête, que 24 millions de Français ont suivi la cérémonie d’ouverture à la télévision et 58 millions les épreuves olympiques, difficile de ne pas se laisser envahir par le blues. Antoine Pelissolo, médecin psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne), décrypte pour Libé ce qui, dans les Jeux, a déclenché la bonne humeur et la joie chez les Français. Et explique comment gérer la déprime une fois la fête finie, et avant que celle des Jeux paralympiques commence.

Comment expliquer que les Français se soient autant impliqués dans ces Jeux olympiques ?

Cet enthousiasme a plusieurs facteurs. Il est notamment nourri par l’engouement collectif que nous avons vécu ces derniers jours, qui a une saveur particulière car ces Jeux ont eu lieu sur le sol français, sur notre territoire. De plus, les Français ont beaucoup participé à l’événement, devant leur télévision ou dans les gradins [62 % des 9,5 millions de billets ont été achetés par des Français, ndlr]. A cela, on peut ajouter la personnalisation, qui a été un élément très porteur, car on aime les figures qui rassemblent. Cela nous ont permis de nous identifier aux champions, ce sont des personnalités qui ont véhiculé un message positif et que l’on peut valoriser.

Qu’est-ce qui explique ces instants de bonheur décrits par beaucoup ?

Après la cérémonie d’ouverture, on a commencé à vivre ces Jeux comme un événement festif. Cela a attiré beaucoup de personnes qui, d’habitude, sont peu intéressées par le sport. Elles ont pu découvrir les épreuves via leurs proches, et ainsi avoir l’impression de découvrir quelque chose qui les dépasse.

Va-t-il y avoir un sentiment négatif après la fin des Jeux olympiques ?

C’est un contrecoup qui est valable pour tous les événements qui ont une fin, que l’on peut rencontrer dans sa vie, qu’ils soient positifs comme un anniversaire ou un mariage, ou négatifs, comme un enterrement. Par ailleurs, cela arrive d’avoir cette petite déprime, une émotion négative même quand il n’y a pas d’évènement qui se termine, et même quand on va bien. Dans la situation présente, c’est un petit peu comme la fin des vacances, ou d’une fête, qui implique un retour à la normale.

Que faire pour se consoler ?

Il est conseillé d’identifier les éléments qui ont pu fournir à chacun du plaisir, et de les garder sur le long terme. Ici, ce qui a été le plus présent, c’est le partage et la passion. Ces deux sources de bonheur, on peut les entretenir soi-même, par exemple en organisant certaines choses dans sa vie autour d’une passion. Cela instaure une régularité dans laquelle on va trouver une forme d’épanouissement. Par exemple, si une personne a aimé découvrir le tir à l’arc, elle peut s’inscrire dans une association afin de garder une petite trace de ce souvenir, un prolongement.

Et ce sentiment de partage que nous avons vécu pendant les Jeux, comment le conserver ?

Il faut se dire : «Ce qu’on a fait à ce moment-là, on va le prolonger.» Par exemple, on peut rester proche des personnes avec qui on a partagé une passion pour un sport que l’on a suivi ensemble, ou avec qui on a regardé une épreuve qui nous a fascinés. Peut-être prolonger ce sentiment en trouvant un sport ou une activité qui se rapporte à ce que nous avons vécu. En bref, trouver du commun… Ce qui ne veut pas dire qu’il faut absolument pratiquer des activités de groupe, car il peut s’agir de sports individuels !

Les souvenirs comme les vidéos, les photos… Est-il pertinent de les continuer à les regarder ?

Ces souvenirs sont importants. Globalement, c’est bien de conserver ces objets de nostalgie, comme les gadgets des JO, qui sont là pour ça. Mais de manière générale, les gens qui les regardent régulièrement ne sont pas nombreux et ces photos souvenirs laissent d’ailleurs des traces minimes, il ne faut pas trop compter sur ces éléments du passé.

Et la perspective des Jeux paralympiques, entre le 28 août et le 8 septembre ?

Ces Jeux seront aussi très bénéfiques, car ils constitueront sans doute une seconde séquence d’effervescence, cette fois encore plus tournée vers la bienveillance. En effet, les athlètes paralympiques ont une préparation et des histoires bien différentes de celles des athlètes olympiques. On peut s’attendre à avoir la même fierté et le même engouement pour ces Jeux-là que pour ceux qui s’achèvent aujourd’hui.

Et après ça, ce sera le retour à la normale pour de bon ?

Le retour à la normale arrivera forcément, peut-être avec un prolongement de la bonne humeur et de la joie que nous avons vécues pendant ces Jeux. Mais pour vivre au mieux ce changement, le plus important c’est de l’anticiper, d’éviter le déni. Comme après une fête qui lave l’esprit, il faut se replonger dans le quotidien, et on peut décider le faire en gardant un esprit optimiste.