Kamila Valieva a le droit de rêver d’or olympique en patinage individuel, à Pékin. A vingt-quatre heures de l’épreuve féminine de patinage artistique, l’adolescente russe, grandissime favorite pour l’or olympique mais contrôlée positive à une substance interdite, a reçu le feu vert lundi du Tribunal arbitral du sport (TAS) et pourra donc se présenter mardi sur la patinoire à l’occasion du programme court. Son passage est programmé à 21 h 52 locales (14 h 52 françaises).
Saisi par le Comité international olympique (CIO) mais aussi l’AMA et de la Fédération internationale de patinage, le panel de la chambre ad hoc du TAS a entendu les parties pendant six heures jusqu’au petit matin lundi en visioconférence. Loin de trancher le fond de l’affaire, la juridiction sportive était saisie d’une seule question : fallait-il laisser concourir la jeune prodige, déjà victorieuse par équipe la semaine dernière, et favorite de l’épreuve individuelle mardi ? Sur ce point, le TAS a acquiescé en confirmant vers 14 heures locales (7 heures en France) la levée de la suspension provisoire de Valieva par l’agence antidopage russe (Rusada).
Le TAS justifie sa décision par la durée inhabituellement longue entre le prélèvement du test, réalisé par Rusada le 25 décembre lors des Championnats de Russie à Saint-Pétersbourg, et le résultat du contrôle antidopage de la patineuse par un laboratoire agréé de Stockholm en début de semaine dernière. Soit six semaines. L’Agence mondiale antidopage prévoit normalement un résultat des tests sous 20 jours, et moins en cas de grande compétition comme les Jeux.
«Ce n’est pas la faute de l’athlète si la notification lui est parvenue en plein milieu des JO», avance le directeur général du TAS, Matthieu Reeb. Ce retard l’a empêchée de se défendre «et cela doit lui profiter». Dans ce contexte, poursuit Matthieu Reeb, «l’empêcher de participer aux JO» avant même d’avoir examiné le fond de l’affaire «aurait causé des dégâts irréparables», la privant de toute chance d’or si plus tard «elle n’avait pas été sanctionnée ou avait reçu une faible sanction».
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Le Comité olympique russe (ROC) qualifie la décision de «meilleure nouvelle de la journée» sur sa chaîne Telegram, tandis que le Comité olympique américain se dit «déçu». La jeune prodige, elle, n’a que quelque vingt-quatre heures pour se reconcentrer sur la compétition – la plus importante de sa carrière naissante – après une première semaine olympique rocambolesque.
Présente à tous les entraînements
Pur produit de l’usine à championnes de la sévère Eteri Tutberidze à Moscou, sacrée championne d’Europe il y a un mois et jusque-là invaincue pour son premier hiver en seniors, Valieva a été rattrapée par cette affaire de dopage embarrassante en pleins Jeux de Pékin. Précisément au lendemain de sa victoire partagée avec les Russes dans l’épreuve par équipes de patinage. Une épreuve au cours de laquelle Valieva avait fait sensation, devenant la première patineuse à réussir des quadruples sauts dans l’histoire olympique. La «quad girl» a dominé tant le programme court, en frôlant son récent record du monde, que le programme libre, avec près de trente points d’avance sur la deuxième, la Japonaise Kaori Sakamoto. La cérémonie de remise de médailles n’a toujours pas eu lieu. Cela ne risque pas d’être pour tout de suite : le CIO juge lundi «inapproprié» d’organiser la cérémonie d’ici la fin des Jeux, et préfère attendre que le fond de l’affaire soit tranché.
Depuis l’officialisation de son contrôle positif vendredi, Valieva continuait de s’entraîner consciencieusement jour après jour, tantôt sur la glace olympique, tantôt sur la patinoire d’entraînement. Elle devrait être fin prête pour tenter d’accrocher un second sacre olympique à Pékin.
Et après ?
Une fois les Jeux passés restera donc à éclaircir les détails. L’examen approfondi des conséquences de son test positif sera guidé par un double enjeu : une période d’interdiction de toute compétition si elle est reconnue coupable de s’être dopée, et l’annulation rétroactive de tous ses résultats depuis le 25 décembre.
Kamila Valieva pourrait donc non seulement perdre son titre de championne de Russie fin 2021 et de championne d’Europe début 2022, mais également l’or olympique par équipes et l’éventuelle médaille qu’elle peut décrocher en individuel ce mardi. Pour éviter une telle déconvenue, il faudra que la jeune patineuse justifie notamment la présence dans son corps de trimétazidine. Le produit incriminé est utilisé pour soigner les angines de poitrine et interdit par l’Agence mondiale antidopage (AMA) depuis 2014, car il favoriserait la circulation sanguine. Un point qui pourrait s’avérer crucial : le règlement de la Fédération internationale de patinage (ISU) permet par exemple d’échapper à une suspension si l’athlète a ingéré un «produit contaminé» par une substance interdite.
Dans sa décision, le TAS rappelle toutefois que Kamila Valieva a moins de 16 ans. Elle est donc considérée par l’AMA comme une «personne protégée», avec des règles spécifiques de preuve et des sanctions allégées, allant d’une «réprimande» à «deux ans de suspension», contre quatre habituellement, selon le Code mondial antidopage.