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Jeux olympiques de Paris 2024 : «Repenser, réduire, recycler», l’autre devise écolo du Cojo

Pour tenir sa promesse de «Jeux durables», le comité d’organisation a détaillé cette semaine sa stratégie d’économie circulaire. Dont le bilan ne pourra être fait qu’après les Jeux olympiques et paralympiques.
Le village olympique, installé à Saint-Denis. (Drone Press/ABACA)
publié le 20 mars 2024 à 15h50

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«Et voilà !» D’un geste souple, Jon Parker fait apparaître un objet cylindrique et bizarre sur l’immense table en bois du comité d’organisation des JO de Paris. Un peu évasé à la base, de couleur rose et bleu, c’est l’un des 7 000 tabourets qui seront installés dans les appartements des athlètes au village olympique. Entièrement en carton et donc entièrement recyclables, comme les lits des sportifs qui ont fait couler pas mal d’encre sur leur conception, leur design ou leur solidité. Fabriqués par l’entreprise pour laquelle travaille Parker – RGS Events, spécialisée dans l’équipement des grands événements sportifs –, «ces objets ne sont pas là juste pour être exposés et regardés, insiste Parker, ce tabouret peut supporter une charge de 120 kilos», alors que ses homologues en bois ou plastique ne dépassent pas les 100 kilos.

Au rayon mobilier, il y aura aussi des canapés fabriqués en barrières Vauban, des poufs en toile de parachute et des tables basses en volants de badminton. Plus largement, dans le cadre de la stratégie d’économie circulaire de Paris 2024, on trouvera deux fois plus de végétal dans les plats servis au village olympique, des anciens rails en béton de la SNCF pour lester les structures éphémères et des tapis d’escalade bourrés de mousse fabriquée en France à partir de matières recyclées. Les 33 000 m² de revêtement de sol (pour le basket, le handball ou le volley) fabriqués par Gerflor seront posés sans colle. Parce qu’il est difficile de trouver une substance non polluante, et que fixer les sols avec des bandes adhésives permettra de les transférer plus facilement aux fédérations et clubs sélectionnés pour leur donner une seconde vie. Ces revêtements olympiques «sont un modèle de circularité», vante le directeur marketing de la marque de Gerflor, Arnaud Challande, même si «le 100 % recyclable est une promesse encore un peu théorique» dans ce domaine.

«On doit tout inventer»

Sur l’utilisation des ressources et le recyclage, «nous avons la conviction que ces Jeux peuvent être un accélérateur mais pour cela il faut qu’ils soient aussi un laboratoire», confirme Georgina Grenon, directrice «excellence environnementale» à Paris 2024. Dès la candidature de la capitale, l’aspect environnemental des Jeux a été mis en avant, avec l’ambition de réduire l’empreinte carbone de moitié par rapport à ceux de Londres et de Rio : elle a été fixée à 1,5 million de tonnes. Pour «l’empreinte matière», c’est un poil plus compliqué et elle ne sera calculée qu’à la fin des Jeux olympiques et paralympiques, à l’automne, précise Caroline Louis, chargée de l’économie circulaire au sein du Cojo. Il a fallu tout penser, de l’éco-conception des produits aux essais de nouvelles matières à faible impact en passant par le choix de fournisseurs qui réduisaient voire faisaient disparaître l’emballage. «L’avantage d’être pionnier, c’est qu’on peut tout inventer. L’inconvénient c’est qu’on doit tout inventer», plaisante Caroline Louis en déroulant une longue liste de chiffres et d’objectifs.

Au total, les JO de Paris utiliseront 6 millions de produits et de biens ; la promesse consiste à ce que 90 % soient repris ou recyclés. Pour le mobilier, on est passé de 800 000 à 600 000 objets et les trois quarts des équipements technologiques (ordinateurs, téléviseurs, imprimantes) seront loués. Certains objets ont déjà trouvé preneurs, comme les 16 000 matelas qui seront répartis entre l’école de ballet de l’Opéra de Paris (pour son internat), l’école hôtelière Tsuji, Emmaüs et le ministère de la Défense. Côté restauration, les athlètes prendront leurs repas dans la Nef du village olympique, 240 mètres de long et 24 mètres de large où 3 200 personnes pourront prendre place en même temps et 40 000 repas seront servis par jour. «Le plus grand restaurant du monde sera un modèle de restauration durable», promet Laurent Pastor de chez Sodexo Live, directeur du projet du village olympique, selon qui 40 % du matériel de cuisine sera repris ou revendu. Les 17 000 plateaux créés pour les Jeux ne porteront pas de logo pour être plus facilement réutilisés, idem pour les 35 000 assiettes et autant de bols, de fourchettes, couteaux et cuillères.

QR codes

Le point noir reste le plastique à usage unique. Coca-Cola, l’un des sponsors historiques des JO, était en 2023 et pour la sixième fois consécutive en autant de classements, le premier pollueur plastique du monde selon un rapport publié début février par l’ONG Break Free From Plastic. D’où une stratégie de communication maousse pour annoncer l’installation de 700 fontaines à eau (dans les restaurants pour les athlètes et les stades pour le public), la multiplication des gobelets recyclables (mais payants) et le retour des bouteilles en verre. «On maximise le plastique recyclé et pour le plastique à usage unique, on divise par deux en phase de restauration», promet Caroline Louis.

Pour Lucile Charbonnier, directrice «responsabilité sociétale des entreprises» chez Saint-Gobain qui fournit 60 000 m² de cloisons pour le village olympique, les Jeux de Paris ont fait «gagner dix ans» à l’entreprise. En amont, il a fallu concevoir de nouveaux matériaux avec l’impact le plus réduit possible. En aval, s’il est «facile» de «recycler le plâtre», ça l’est «beaucoup moins» avec des matériaux plus complexes, notamment ces cloisons olympiques qui combinent structures, plâtres et isolant, explique la responsable. De plus, les appartements et les immeubles du village olympique ne seront pas désossés à la fin des Jeux mais transformés en habitations, ce qui complique d’autant l’opération de récupération et réemploi. Mais grâce à l’accélération olympique, «la logistique suivra désormais», assure Lucile Charbonnier. Vendredi 22 mars, quarante salariés de Saint-Gobain se sont portés candidats pour aller au village olympique poser sur les cloisons les QR codes qui permettront de les aiguiller une fois les Jeux terminés.