A 27 ans, à l’occasion de ses tout premiers Jeux paralympiques, Aurélie Aubert est ni plus ni moins entrée dans l’histoire de sa discipline, la boccia (cousine de la pétanque), en décrochant la toute première médaille olympique française dans la discipline (1). Alors qu’elle est classée douzième mondiale et septième européenne, elle a pris sans ciller le dessus sur la Singapourienne Jeralyn Tan Yee Ting, numéro 2 mondiale, qui l’avait battue sèchement en poule 6-1.
Dès le premier lancer, Aubert a fait jeu égal puis mieux, avec une précision sidérante : première manche remportée 2-0. Dans la seconde, ses lancers se musclaient d’audace, par exemple pour dégommer et emmener de son côté le «jack», l’équivalent du cochonnet : 3-0. Mais la Singapourienne resserrait les boulons dans la troisième salve : 3-0. La quatrième et ultime manche, à 5 pour Aubert et 3 pour son adversaire, suspendait les souffles dans l’Arena Sud, et le suspense a duré. Aubert menait mais à la cinquième balle, la Singapourienne réussit à coller au jack. Et là, Aurélie Aubert, par choix tactique, décidait de ne pas jouer ses trois balles restantes. Osé. Mais elle gagne son pari, la partie se finit sur un 5-4.
A grands traits
En fait, ça n’était pas du tout un choix tactique mais une erreur, indiquait quelques minutes plus tard Aurélie Aubert, dans la «zone mixte» dédiée aux échanges avec les médias : «J’ai cru qu’il ne lui restait plus de balles, j’ai mal vu l’affichage au tableau, et je me suis fait peur.» La championne fait alors face à une forêt de micros et de portables, cas rarissime en boccia. Elle le souligne indirectement, en souhaitant que «cette médaille permette une plus grande médiatisation de la boccia et de mieux faire connaître ce sport». Et de louer le soutien bruyant des spectateurs, qu’elle a découvert «très porteur» alors qu’elle l’appréhendait initialement. Au rayon qualités, Samuel Pacheco, entraîneur de l’équipe de France, pointe sa «très bonne vision du jeu, une capacité à se concentrer sur chaque balle, à très facilement entrer dans sa bulle, et elle a beaucoup progressé en endurance».
«Pas du tout stressée»
«Je vis, je mange, je dors boccia», dit souvent Aurélie Aubert. Elle loue un jeu tactique, de l’ordre des échecs et du curling. Il y a aussi de l’échappatoire dans l’air. Atteinte depuis la naissance de paralysie cérébrale, qui se traduit notamment par des spasmes musculaires, des mouvements involontaires et de la difficulté à marcher ou à bouger, son autonomie est limitée. Jouer et gagner change la donne, lui redonne les rênes. La toute nouvelle championne olympique raconte pourtant souvent être venue à la boccia par défaut, pour l’amour du chocolat : alors pensionnaire du centre de réadaptation de Richebourg, dans les Yvelines, Aurélie Aubert n’aime pas le sport mais les éducateurs l’hameçonnent avec la promesse de plein de carrés. Ses premières victoires contribuent à la convaincre de continuer.
C’est aussi dans ce centre qu’elle a rencontré celle qui est devenue son assistante de boccia, Claudine Llop Cliville, alors infirmière. Claudine, qui bouge le fauteuil d’Aurélie Aubert, prépare ses balles et les lui donne, dit de leur finale : «Dès ce matin, je l’ai sentie bien, pas du tout stressée, c’est extraordinaire ce qu’elle a fait, extraordinaire.» Ce mardi, Aurélie Aubert reviendra dans l’Arena sud, pour l’épreuve par équipe. La licenciée d’Aubevoye (Eure) est capitaine de la triplette qu’elle compose avec Fayçal Meguenni et Aurélien Fabre.
(1) Sa compatriote Sonia Heckel a été, elle, éliminée dès ses matchs de poule en BC3.
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