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Libération
Déception

Jeux paralympiques 2024 : donné favori, Guillaume Toucoullet rate la cible

Après avoir battu le record paralympique en qualifications, l’archer français est tombé dès les 8e de finale de l’arc classique open, ce mercredi 4 août. Il tentera de corriger le tir jeudi par équipe mixte.
Guillaume Toucoullet lors des 8e de finale de l'arc classique open, le 4 septembre à Paris. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 4 septembre 2024 à 19h53

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Derrière le pas de tir grandiose de l’esplanade des Invalides où se déroulent les épreuves de para-tir à l’arc, se cache l’intimité des cibles d’entraînement. C’est là, sans public et loin de l’agitation qui anime les autres sites de compétition, que Guillaume Toucoullet a enchaîné les dix au centre de la cible pour battre le record paralympique, jeudi 29 août, lors des qualifications de sa catégorie, arc classique open. La confidentialité du moment n’était pas pour déplaire au chef de file des Bleus qui, derrière son physique imposant, est plutôt de nature discrète et humble.

Il a fallu que l’annonce du speaker acte sa belle réalisation pour qu’il y croie. Pour le Basque de bientôt 40 ans, c’était «une grosse surprise», alors même que le résultat était de 13 points en dessous de son propre record du monde (652 pour 665 en 2022). Et qu’il est habitué aux gros résultats : actuel numéro 2 mondial de para-tir à l’arc, vice-champion du monde et d’Europe ces deux dernières années et plusieurs fois champion de France.

Dures lois d’Eole

Mais voilà, après la désillusion des Jeux paralympiques de Tokyo, en 2021, où il était arrivé favori et s’était fait cueillir dès son entrée dans la compétition malgré son statut de favori, il n’osait pas viser trop haut à Paris. «Moi, si je progresse, que je bats mes records, ça me suffit. Peu importe ce qu’il se passe derrière», disait-il à Libé quelques jours avant la compétition. Etait-ce un mauvais pressentiment ou un excès de modestie ? Le scénario du jour nous ferait plutôt pencher pour la première option. Devant des tribunes clairsemées, Guillaume Toucoullet a finalement connu le même sort qu’à Tokyo. Le numéro deux mondial s’est fait sortir d’entrée par l’outsider Colombien Hector Julio Raminez (6-4).

Sa technique de tir, debout avec la bouche, n’a pas payé. Paralysé du bras gauche à la suite d’un accident de voiture, Toucoullet tient l’arc tendu avec son bras droit et mort une petite languette en cuir fixée sur la corde pour décocher la flèche. Un geste particulièrement exigeant au niveau du cou et des cervicales, mais aussi des dents. Ce mercredi, ce ne sont pas ses dents mais les conditions météo qui lui ont porté préjudice. «Je n’ai pas de bloc arrière, il suffit d’un peu de vent [sa bête noire, ndlr], pour que je me décale et c’est terminé», expliquait Toucoullet avant la compétition. Pour mieux appréhender son geste, il tire jusqu’à 500 flèches par jour. Mais aux Invalides mercredi, il a subi les dures lois d’Eole.

Le match commençait mal, il laissait filer les deux premières manches au Colombien, plus précis. Mais le Basque avait prévenu lors des qualifications, il fonctionne en mode «diesel». Alors on y a cru un instant. Une flèche dans le 8 a finalement douché ses espoirs. «Je suis déçu, cette dernière flèche, je n’arrive pas à comprendre pourquoi elle s’écarte autant…, glissait Toucoullet à la sortie du pas de tir. Je perds encore sur un 9-9-8, comme à Tokyo, alors que je ne suis plus le même homme.»

Par la petite porte

Le Français arrivait en effet avec un autre statut à domicile. Son charisme, avec sa barbe fournie, sa casquette à l’envers et son bras droit entièrement tatoué, avait attiré tous les regards lors des tirs de classement. Notamment ceux de journalistes japonais qui lui demandaient s’il avait des tatouages nippons. «Plutôt des symboles celtiques», répondait-il. On prête aisément à ce fan de métal un petit air de viking. Mais l’apparence ne fait pas le bonhomme.

Toucoullet est arrivé au tir à l’arc par la petite porte, lors d’un forum des associations à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), en 2017. Ce qui l’attire en premier : le «défi» que représentait le fait de tirer avec la bouche. Jusqu’alors, ce mordu de sport pratiquait des disciplines explosives, comme la pelote et l’aviron en équipe de France. Un navire qu’il quitte après avoir été qualifié puis écarté des Jeux paralympiques de Rio en 2016. «Venant de l’aviron, je pensais que le tir à l’arc n’était pas un sport. J’étais un crétin, reconnaît-il. Mettre les flèches au milieu de la cible, c’est assez grisant.»

Trois mois seulement après avoir commencé, il était déjà sur le podium des championnats de France (3e) et tapait dans l’œil de la fédération. Son entraîneur, Vincent Hybois, avec qui il peaufine son geste au quotidien, soulignait son côté «hyperperfectionniste», qui l’a mené très vite au haut niveau. «Je me suis battu jusqu’au bout, même dans le vent», ruminait-il ce mercredi. Après six jours de compétition, le tir à l’arc tricolore n’a toujours pas de médaille, mais le Basque n’est pas du genre à se lamenter trop longtemps. Il espère corriger le tir jeudi, lors de l’épreuve par équipe mixte, aux côtés d’Aziza Benhami.