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Médailles

Jeux paralympiques 2024 : en parajudo, les Français font le plein de podium mais manquent l’or

Malgré une défaite en finale frustrante pour l’attendu Hélios Latchoumanaya en -90kg, les cinq parajudokas de l’équipe de France alignés ce samedi 7 septembre ont participé à trois cérémonies des médailles.
Le parajudoka Helios Latchoumanaya, aux JOP, le 7 septembre 2024. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 7 septembre 2024 à 20h31

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On voulait un dernier shot. Faire durer cet été de Jeux olympiques et paralympiques encore et encore. La ligne d’arrivée n’est pas loin, mais on refuse de la franchir. Que jamais ne s’arrêtent ces médailles, ces podiums, ces cris de joie, ces larmes, ces drapeaux, cette Phryge qui gesticule béatement, et même cet entêtant «auuuuuuux Champs-Elysées» du feu Joe Dassin. Déjà nostalgique alors que la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques n’était prévue que ce dimanche soir, on s’est installés dès potron-minet dans les gradins de l’Aréna Champs-de-Mars pour suivre la dernière journée de para-judo des Jeux, et reprendre une dernière dose de ce qui nous a fait vibrer ces derniers mois. Au programme : cinq Français sur les tatamis, trois médailles, un public survolté, et des yeux embués. Condensé d’une journée tricolore au dojo.

Prescillia Lézé, l’apprentissage

Pas sûr que les mots de réconfort de Clarisse Agbegnenou à la sortie du tatami suffisent à combler la peine de Prescillia Lézé. Samedi matin, la judoka française de 25 ans a enchaîné deux défaites rapides mettant fin à ses rêves de médaille paralympique pour ses premiers Jeux. Croisée les yeux encore humides en zone mixte, la championne d’Europe en 2023 débriefe : «J’ai essayé d’être plus entreprenante aux repêchages mais malheureusement je ne vais pas jusqu’au bout de mon attaque, et je le paye cash.» Par deux fois, la judoka s’est fait contrer alors qu’elle enclenchait son mouvement. Son coach, Camille Bresse : «Elle arrive agressive mais au judo, il faut faire tomber c’est-à-dire qu’on se met dans une position de vulnérabilité et on peut se faire surprendre. Là, il y a peu peut-être un peu de précipitation.» Et l’entraîneur d’annoncer la couleur des prochaines semaines : «Maintenant vacances, et ensuite on élaborera un plan d’attaque pour en ramener une dans quatre ans.»

Cyril Jonard, la longévité

La pépite française Hélios Latchoumanaya n’avait que 4 ans lorsque Cyril Jonard a décroché le graal à Athènes. A presque 50 ans, celui qui a appelé sa fille Athéna est toujours là, sur les tatamis de Paris et s’invite de nouveau sur un podium paralympique, deux décennies plus tard. Non-voyant et atteint de surdité – il est multimédaillé aux Deaflympics, la compétition mondiale réservée aux personnes sourdes –, Jonard était le premier Français du jour à faire son entrée sur le tatami, alors qu’une bonne partie des sièges de l’Aréna sont encore vides. Et la matinée du Limougeaud à la gouaille de boxeur a été drôlement longue. Après presque dix-huit minutes passées sur les tapis en trois combats, il voyait son rêve de finale se briser face au Britannique Daniel Powell, au bout d’un golden score interminable. «C’est très frustrant, nous glissait sa femme Cécilia à la pause du midi. Mais il a une force hors norme.» On en a la preuve deux heures plus tard, en petite finale. Cyril Jonard, qui communique grâce à un langage des signes, dessiné par les doigts de son coach Jason Guillot sur la paume de sa main, parvient à immobiliser son vis-à-vis ouzbek, Turgun Abdiev pour faire ippon. Stoïque depuis le début de journée, on le voit jubiler comme un gamin bord tatami, jusqu’à entamer un début de Macarena devant les caméras, avant de sauter dans les bras de Sandrine Martinet, revenue au Champ-de-Mars supporter les copains après avoir remporté l’argent jeudi.

Jason Grandry, le blessé en bronze

Sa journée a commencé par un exploit, puis une douche froide. Pour son entrée en lice, Jason Grandry venait à bout d’Ilham Zakiyev, plus de 150 kilos sur la balance, et l’un des favoris de la catégorie des + 90kg. Le Breton, hyper mobile, parvenait à faire monter les pénalités pour non-combativité chez son adversaire, au point de l’emporter. Direction la demi-finale… Et une élimination en seize secondes. «Je voulais aller vite, mais sa main était mieux mise que la mienne», raconte le judoka à l’allure de Viking, tresses tricolores nouées sur le crâne. Pour lui, à l’occasion de ses premiers Jeux, ce sera donc la petite finale, l’après-midi. Et un autre combat express, mais cette fois-ci en sa faveur. Après vingt-neuf secondes, le judoka renverse son opposant turc, lui aussi «un grand bébé». «J’ai le genou en vrac [il n’a failli pas être présent aux Jeux en raison d’une luxation du ménisque, ndlr], je faisais encore des IRM il y a deux jours. Cette médaille, c’est huit ans de sacrifice», témoignait Grandry, trémolos dans la voix après sa médaille de bronze.

Hélios Latchoumanaya, une marche trop haute

«La clé pour la finale, c’est sa mobilité.» Voilà l’arme qui devait transformer le bronze de Tokyo en or à Paris lors de la finale contre l’Ukrainien Oleksandr Nazarenko, nous expliquait le coach en club d’Hélios Latchoumanaya, Cédric Margalejo. Son protégé venait alors de remporter ses deux premiers combats, non sans mal. «Le premier a été difficile, mais c’est normal, quand on rentre dans une compétition d’une telle importance, on ne peut pas être relâché d’entrée», analysait Margalejo. Soutenu par un clan venu en nombre du sud-ouest, reconnaissable par un tee-shirt à son effigie, le natif de Tarbes paraissait plus détendu en demi-finale, enchaînant deux mouvements propres, notamment une technique du sacrifice pour envoyer son adversaire par-dessus lui et faire ippon.

Chauffés à blanc par une (ré) apparition de la star olympique Clarisse Agbenenou sur le tatami, les supporteurs tricolores accueillent Hélios Latchoumanaya, en finale, comme un gladiateur qui débarque dans l’arène. Imperturbable, le double champion du monde et champion d’Europe s’avance sur le tatami pour écrire la plus belle page de sa jeune carrière. «La pression ne l’envahit pas, c’est quelqu’un de tellement cool, il sait gérer», prévenait son coach. Mais comme à Tokyo, c’est une fois avec cette amertume rageante que Latchoumanaya clôt son tournoi paralympique. Tombé sur un léger mouvement de l’Ukrainien après quarante secondes, le Français bataillait, jusqu’à l’acharnement, pour rattraper son retard à la table de marque. En vain. «J’avais que l’or en tête, c’est une énorme déception, surtout au vu de la physionomie du combat. Je tombe sur une petite erreur, et même si je reprends le dessus du combat, j’arrive pas à le refaire tomber. Ce sont des petits détails qui font que l’or m’échappe», constatait, abattu, le judoka après son combat.

Nacer Zorgani, l’homme à tout faire

Deux combats et une médaille en chocolat. Subtilité de certaines catégories, Nacer Zorgani s’est qualifié pour la petite finale des + 90kg (J2, pour les personnes malvoyantes) après sa défaite matinale sans passer par la case repêchage, sa catégorie ne comptant que sept inscrits. Pratiquant de nombreux arts martiaux – karaté, kick-boxing, boxe, taekwondo, ju-jitsu –, le judoka de 38 ans avait renfilé le judogi en 2022. Et cette passion pour la baston lui avait permis de participer, à sa manière, aux Jeux olympiques : «J’étais la voix de la boxe pendant les JO : j’ai présenté 235 combats et 13 cérémonies de victoire, détaillait-il il y a quelques jours. Ça a été un entraînement pour moi, je me suis habitué à la musique, aux cris, à la lumière, j’ai eu la chance de voir ce qui m’attendait.» Une répétition qui n’a pas suffi pour le colosse aux mille vies – né en Algérie, il a été entre autres étudiant en philosophie, humoriste et salarié dans la finance –, qui ne parvient pas à ajouter la ligne «médaillé paralympique» sur son CV.