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Sur les réseaux sociaux, avant le début des Jeux paralympiques, une vidéo est devenue virale. Elle présentait, en anglais, le tennis de table en fauteuil, à savoir «le sport de fils de pute le plus badass jamais joué dans l’histoire» – excusez le langage fleuri. Un internaute brésilien parlait, lui, d’un sport qui «ne repose que sur la malice, la méchanceté et la malveillance». Dans la vidéo en question, on voyait des pongistes s’envoyer avec un regard malicieux des grandes cloches en mettant, au moment de taper la balle, un effet rétroactif pour que celle-ci s’arrête net au moment d’atterrir. Voire pour qu’elle revienne carrément dans leur propre camp après le rebond.
Two weeks to #Paralympics table tennis, the most son of a bitch badass sport ever played in the history pic.twitter.com/hktXSqcyRH
— Tancredi Palmeri (@tancredipalmeri) August 13, 2024
Pour les joueurs debout, ce coup est inoffensif et même contre productif – il suffit de se déplacer et de tendre le bras pour allumer son adversaire. En fauteuil en revanche, cette grande cloche avec effet est imparable, sauf à avoir des gadgeto-bras. Si elle est bien réalisée, celui qui la subit ne peut que regarder la balle lui échapper. Quant à son adversaire, il a largement le temps de jubiler. Le coup diabolique a un nom : la «chandelle-rétro».
«Pour nous, un point c’est un point»
Ce lundi 2 septembre, pour son entrée en lice en simple, Fabien Lamirault, le double champion paralympique en titre de la catégorie S2 (en fauteuil, donc), en a mangé, de la chandelle-rétro. Son adversaire pour ce huitième de finale, l’Espagnol Miguel Angel Toledo, en a usé et abusé, avec une réussite heureusement approximative, le tout sous les encouragements de son coach qui lui demandait de recommencer, encore et encore. Quand ça passait, Lamirault semblait frustré. Mais pas pour autant particulièrement énervé contre son adversaire. Alors, coup «malveillant», la chandelle rétro, ou technique comme une autre ?
«Pour les non-initiés, y compris des fois dans ma famille ou parmi mes proches, on me dit que ce n’est pas très fair-play, nous raconte le Français aux sept médailles paralympiques. Mais pour nous, peu importe. Un point c’est un point. C’est un geste technique, quelque chose que l’on travaille beaucoup, surtout en retour de service. Et si c’est bien fait, c’est vraiment difficilement touchable. Je suis le premier à galérer et à me péter les côtes pour aller les chercher.»
Ancienne pongiste de haut niveau, aujourd’hui conseillère de la performance pour la fédération handisport, Roza Soposki décryptait pour nous, avant la compétition, ce geste que la sudiste appelle aussi «la crêpe» : «Le but, c’est d’envoyer la balle avec pas mal de hauteur avec un bon effet rétroactif pour qu’elle rebondisse juste derrière le filet. C’est surtout utilisé dans les classes 1 et 2 [les handicaps les plus lourds en fauteuil, ndlr], où on trouve souvent des tétraplégiques qui n’ont pas d’abdominaux et des personnes pour qui le mouvement de se pencher peut devenir très complexe.» Pour elle non plus, le coup malsain n’en est pas un : «Ça fait complètement partie de la perf, c’est normal de jouer sur le handicap de l’adversaire. En valide, quand [le pongiste] Félix Lebrun va jouer contre quelqu’un moins à l’aise côté court coup droit, bah il va jouer court coup droit. Il s’appuie en quelque sorte sur le handicap du joueur. Là, c’est pareil.»
A force d’entraînement, certains en sont devenus experts. Le roi en la matière est probablement Rafal Czuper, «mon ami polonais» comme l’appelle Fabien Lamirault, qui maîtrise le geste à la perfection. Les deux hommes se connaissent par cœur : ils se sont déjà affrontés pour l’or à deux reprises, à Rio et à Tokyo. Et les deux fois, malgré des chandelles-rétro à n’en plus finir, c’est le Français qui en est ressorti vainqueur. Le troisième épisode pourrait avoir lieu jeudi 5 septembre.