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Postée sur les réseaux sociaux, notamment via le compte Instagram d’Axel Bourlon, la vidéo a cartonné, atteint la viralité, ce Graal 3.0. Il faut dire qu’elle met en scène le para-haltérophile avec l’homme fort du moment sur les écrans : l’humoriste et réalisateur Artus, dont Un p’tit truc en plus, comédie autour du handicap et avec des personnes handicapées, signe avec plus de dix millions d’entrées le plus gros succès du cinéma français depuis dix ans. Le tandem joue la carte de l’humour : leur échange se fait en visio, par téléphones interposés, et Artus demande à Axel Bourlon de tendre les bras pour une vue moins proche de son visage. Bourlon : «Je suis tendu, là.» Artus : «Ah ouais…». Bourlon : «Ouais, mais en attendant, mes ‘’petits bras’' soulèvent 180 kilos.» Artus : «180 kilos ? ! Et tu pèses combien ?» Bourlon : «Là, j’ai un poids de corps à 53 kilos.» Le para-haltérophile demande ensuite à l’humoriste s’il n’a «pas un moyen de ramener des gens à Porte de la Chapelle», où vont se tenir les épreuves paralympiques de sa discipline. Artus : «T’expliques que t’as un gars de 53 kilos qui soulève 180 kilos, moi déjà j’ai envie de voir ça. Le 4 septembre, je serai là. Mais tu gagnes !» Bourlon, «Vas-y, on gagne». Leur ping-pong verbal se clôt sur un «check».
Palmarès béton
Axel Bourlon, 33 ans, est l’un des quatre para-haltérophiles qui représentent la France aux Jeux de Paris. Il pèse donc 53 kilos, pour 1,40 m : son handicap est l’achondroplasie, qui a pour conséquence le nanisme. Originaire de Roanne (Loire), il explique avoir commencé par la natation, et être venu à la fonte pour se muscler le dos. C’est alors que Martine Servajean, championne de para-developpé couché et également roannaise, qui a participé aux Jeux paralympiques de Sydney (2000) et d’Athènes (2004), l’a pris sous son aile. Un an plus tard, en 2006, il commence ses premières compétitions de développé-couché, et rejoint l’équipe de France en 2010. Depuis, Bourlon bétonne un palmarès bien costaud : 15 titres de champion de France, moult records nationaux, vice-champion d’Europe en 2018, champion d’Europe en individuel et médaille de bronze par équipe en 2022, médaille d’argent aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2021, médaille de bronze par équipe mixte aux championnats du monde en 2023.
Rappelons ce qu’est la para-haltérophilie. Adaptée de l’haltérophilie valide, cette discipline est paralympique depuis 1984 pour les hommes, depuis 2000 pour les femmes. En loisir, cette activité consiste en des mouvements à résistance légère afin d’entretenir son capital musculaire. En compétition, l’objectif est de soulever la charge maximale en développé couché. Allongé sur un banc, l’haltérophile accroche la barre avec ses mains et dispose de trois essais pour soulever la charge. Pour valider un essai, l’haltérophile doit saisir la barre, la descendre et l’immobiliser au contact de la poitrine, puis la repousser de façon rectiligne et continue jusqu’à l’extension complète des bras. Il revient à trois arbitres de valider ou non la tentative. Dans les compétitions internationales type JO paralympiques, seuls les sportifs ayant une atteinte des membres inférieurs sont éligibles, ils sont répartis par catégories de poids, dix pour chaque sexe. Pour cette édition parisienne, outre Axel Bourlon, la France est représentée par Alex Adélaïde, 38 ans, en -49 kilos, Souhad Ghazouani, 42 ans, en -67 kilos, et Rafik Arabat, 34 ans, en -de 88 kilos. La plus grande chance de médaille repose sur les épaules (très solides et mutimédaillées) de Souhad Ghazouani.
«Très amateur, très bricolage»
Pas sûr, néanmoins, que la France puisse faire le poids, notamment face à la Chine qui, avec sept breloques en or, a dominé la discipline aux Jeux de Tokyo en 2021, talonnée par le Nigeria. «On présente une équipe très expérimentée, forte de quinze à vingt ans de pratique, et on a de vraies chances de médailles, on en a toujours rapporté… Mais le niveau monte», nous dit Alexis Quérou, manager de la performance de la discipline au sein de la Fédération française handisport. Il pointe les conditions, pas franchement confortables, dans lesquelles ces champions s’entraînent : «L’un des gros problèmes de la para-haltérophilie en France, est le manque de structures et de moyens : à peine une quinzaine de clubs a participé au dernier championnat de France, le plus gros étant celui de l’Institut d’éducation motrice (IEM) de Gonesse [Val d’Oise] où je travaille, mais en fait on est juste une association [l’Association sportive des infirmes moteurs cérébraux de Gonesse, ndlr].»
Alexis Quérou poursuit : «Les clubs sont globalement isolés, très peu intégrés dans des clubs valides, et il manque aussi bien des lieux que de l’encadrement, beaucoup de nos athlètes s’entraînent dans des salles de fitness faute de lieux dédiés et avec leur coach à distance, il faut vraiment qu’ils soient motivés.» Sachant que la pratique n’exige pas beaucoup de volume (une fois par jour) mais une constance maximale (tous les jours). «Moi-même, je sillonne la France pour chercher et apporter des bancs de développé-couché adaptés… Tout est très amateur, très bricolage», soupire le cadre du handisport.
L’état des lieux est d’autant plus regrettable vu les bénéfices du développé-couché, dit le manager : «C’est un mouvement assez complet pour muscler le haut du corps, il sollicite pectoraux, bras, épaules, d’ailleurs tous les centres de rééducation l’incluent. Et il est très valorisant : les progrès sont rapides, on gagne vite des muscles, on se redresse, ça change l’image de la personne, à ses propres yeux et à ceux des autres.» On se grandit, en somme.