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Interview

Jeux paralympiques 2024 : «Le cheval doit apprendre à s’adapter au handicap, comprendre le code du cavalier»

Alors que les épreuves de paraéquitation ont débuté ce mardi, Fanny Delaval, conseillère technique nationale et cheffe d’équipe, décrypte les enjeux pour la délégation tricolore.
Le paradresseur autrichien Pepo Puch, le 3 septembre à Versailles. (Gonzalo Fuentes/REUTERS)
publié le 3 septembre 2024 à 15h47

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C’est reparti pour de magnifiques images. Après l’équitation, c’est au tour du paradressage de prendre ses quartiers dans le parc du château de Versailles. Rappelons que le dressage est la seule discipline équestre à être présente aux Jeux paralympiques, depuis 1996. Mixte, la compétition comporte trois épreuves : une de «grand prix individuel», qui consiste en une reprise (un enchaînement de figures) sans musique, où les mouvements sont imposés, qui dure environ cinq minutes ; une reprise libre en musique pour les huit meilleurs du grand prix individuel dans chaque catégorie (environ six minutes) ; et une par équipe avec trois cavaliers par pays, leurs notes respectives étant additionnées pour classer les équipes. Les cavaliers sont répartis en cinq grades, selon l’importance de leur handicap, du plus important (grade I) au plus léger (grade V) et, selon, évoluent au pas et au trot, voire également au galop. Les médailles sont décernées par couples cavalier-cheval. En amont de la compétition, Libération a procédé à un état des lieux avec Fanny Delaval, conseillère technique nationale et cheffe d’équipe.

Quelles sont les chances françaises dans ces Jeux ?

Nous avons quatre sélectionnés, raccord avec le quota par pays. Cette année, trois femmes et un homme, mais la discipline est assez paritaire. Faire une médaille par équipe n’est pas vraiment envisageable, alors on a plutôt privilégié l’objectif individuel. On a une vraie chance avec Chiara Zenati, en grade III, elle a notamment un très beau programme de free style, sur la musique. Pour les trois autres cavaliers, on a des espoirs mais la concurrence étrangère est rude. L’Angleterre est multimédaillée depuis très longtemps, les Pays-Bas très performants depuis quelques années, l’Allemagne s’est refait une santé, les Etats-Unis ont beaucoup investi, notamment dans l’achat de chevaux performants, le Danemark monte aussi en puissance, mais la Belgique a aussi de très bons cavaliers, l’Italie aussi…

Comment se porte la discipline dans l’Hexagone ?

En France comme ailleurs, il est assez facile de faire du paradressage en loisir ou amateur, beaucoup moins à haut niveau. La difficulté est que nos cavaliers paradresseurs ne sont pas professionnels, il leur faut toujours trouver beaucoup plus de solutions, pour s’entraîner, pour financer leur saison. Depuis quelques années, un gros effort est fait à la fédération, on a mis en place tout un circuit au niveau des clubs, un championnat de France, amateur, élite. Après les Jeux, on va relancer la détection, pour que l’équipe de France puisse se renouveler.

La relation au cheval est-elle particulière en paradressage ?

Comme en équitation, c’est le couple cavalier-cheval qui compte. Les chevaux doivent être performants, calmes et sereins, comme en sélection olympique, mais encore plus quand il s’agit de cavaliers plus fragiles, ceux qui relèvent des grades I, II et III. Tout cheval peut avoir des réactions impétueuses, par exemple des réflexes de fuite. Il faut arriver à les désensibiliser, en les habituant à ce qui peut les inquiéter. Par exemple, on l’a vu aux JO, concourir à Versailles peut être très impressionnant, en raison des clameurs de la foule, de la ferveur qui est par ailleurs très bienvenue, donc il a fallu travailler à cela, pour que les chevaux comme les cavaliers ne soient pas déstabilisés par le bruit.

Tout cavalier et tout cheval est une personnalité, un parcours. Le handicap se répercute surtout sur la façon de transmettre au cheval : l’animal doit apprendre à s’adapter au handicap, comprendre le code du cavalier, qui change selon le handicap. Tous les chevaux sont formés au dressage de façon classique, d’ailleurs ils participent aussi à des épreuves classiques, puis il y a adaptation au cavalier et à son handicap. Certains cavaliers évoluent aussi bien en dressage qu’en paradressage.

Qu’attendez-vous de ces Jeux ?

Les Jeux sont un moment important parce qu’unique. Je suis dans l’encadrement depuis 2004 et je peux vous certifier que l’esprit est particulier et il se passe autre chose que dans les autres compétitions. Les Paralympiques de Londres étaient magiques, je me dis qu’au vu de la réussite des JO, les nôtres peuvent aussi l’être. On a ce défi à relever, l’acceptation du handicap. On est quand même en retard là-dessus, comparé à la Grande-Bretagne notamment. Il faut arriver à décomplexer tout le monde, pour enfin faire de toutes ces différences une force.