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Interview

Jeux paralympiques 2024 : «Les politiques s’intéressent plus aux médailles qu’à l’application de la loi sur l’accessibilité»

Pour l’historien de l’éducation physique et du handicap Yacine-Xavier Tajri, les Jeux sont aussi «le moment de faire valoir des revendications», alors que le droit en faveur de l’inclusion des personnes handicapées reste «assez peu appliqué».
Le 6 septembre 2021 devant l'Hôtel de ville de Paris, lors du retour de la délégation française des Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo. (Victor Joly/DPPI. AFP)
par Jeanne Koskas
publié le 7 septembre 2024 à 10h29

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Particulièrement suivis par les supporteurs, relayés par la presse et encensés par les politiques, les Jeux paralympiques de Paris 2024 sont un succès. Ces dix jours de compétition permettront-ils de rattraper les années de retard de la France pour l’inclusion des personnes handicapées dans nos sociétés et dans le sport ? Pour Yacine-Xavier Tajri, maître de conférences en STAPS à l’université Gustave Eiffel de Champs-sur-Marne et historien de l’éducation physique et du handicap, cette «vitrine» doit laisser la place à plus d’efforts pour, notamment, faire respecter la loi de 2005, qui prévoit notamment la mise en accessibilité des «établissements recevant du public», catégorie très vaste englobant commerces, écoles, transports, etc.

Les Jeux paralympiques touchent à leur fin. Quel bilan en tirez-vous ?

C’est pour moi une agréable surprise. Je ne pensais pas qu’il y aurait un tel engouement et autant de spectateurs qui répondent présents. J’ai vu un changement dans les tribunes. Beaucoup de personnes valides viennent assister à ces Jeux paralympiques. Et j’ai l’impression qu’il y a de nouveaux débats dans la société autour du handicap, un changement de point de vue global de la part des valides. Il sera surtout important de voir après les Jeux s’il y a toujours cet engouement autour du handicap et du parasport. D’ailleurs, dans le projet de candidature pour Paris 2024, l’héritage a été placé au cœur des engagements.

N’est-ce pas une belle vitrine ?

Il y a un effet vitrine d’un point de vue politique. Les politiques parlent beaucoup du handicap et du paralympisme, les médias aussi. Mais c’est peut-être aussi le moment de faire valoir des revendications.

Alors que seulement 1,4 % des clubs sportifs sont en capacité d’accueillir des personnes en situation de handicap, les JOP peuvent-ils permettre de rendre le sport plus accessible ?

On pourrait penser que oui, mais il y a beaucoup de limites. Ces trois dernières années, il y a eu des actions de sensibilisation au handicap à destination des sportifs valides dans certaines écoles, certains clubs. En termes d’inclusion, il faut penser les inégalités territoriales. C’est bien la ville de Paris qui accueille les Jeux paralympiques, et non la France. Les investissements effectués en Ile-de-France font que ce territoire sera mieux doté en infrastructures que le reste du pays. On a par exemple construit un stade nautique à Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), pas en Alsace. Les grandes villes ont plus de moyens pour faire des chantiers, même s’il y a encore un déficit clair d’accessibilité pour les personnes handicapées. Quand une ville a un réel souhait de trouver de la place pour construire des infrastructures adaptées, elle en trouve.

Où en est la France en termes d’accessibilité de l’espace public aux personnes en situation de handicap et d’inclusion dans la société ?

La loi de 2005 [sur l’accessibilité] a été assez peu appliquée. Elle fixait des objectifs pour 2015, mais le bilan est mauvais, et on s’en rend compte encore aujourd’hui. Les nouveaux bâtiments sont aux normes, mais pas les anciens. Les politiques s’intéressent plus aux médailles qu’à l’application de cette loi. Par ailleurs, il y a un problème dans la représentation que se fait l’opinion du handicap. On pense tout de suite à la PMR [personne à mobilité réduite] en fauteuil roulant, c’est d’ailleurs ce que représente le sigle «place réservée aux PMR» sur les parkings. Mais il y a une diversité de handicaps. Le fauteuil, c’est le handicap visible. Mais il y a aussi la surdité, la mal-voyance, les handicaps intellectuels et psychiques…