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Quand on a commencé à s’intéresser au rugby fauteuil, son nom est arrivé rapidement à nos oreilles. Alors qu’approchait le début de la compétition, ne pas le citer dans les traditionnels papiers sur les «stars internationales à suivre de près pendant les Jeux paralympiques», paraissait impossible, une faute professionnelle. Bien sûr, ça nous intrigue : on tape «Ryley Batt» innocemment sur notre moteur de recherche. Résultat : un profil Instagram à même pas 10 000 abonnés, une page Facebook qui connaît à peu près la même audience, et donc, quelques articles, souvent en anglais, sur ce type au crâne glabre, à la barbe fournie et aux larges épaules. Aussi, en 2020, en amont des Jeux de Tokyo, il était l’un des personnages principaux du documentaire de Netflix Rising Phoenix, mettant en avant des athlètes paralympiques de renom. Mais pas le temps pour le replay, allons voir, avec nos yeux de néo-expert, «la légende» du rugby fauteuil : l’Australien jouait contre les Bleus vendredi 30 août à l’Arena Champs-de-Mars, au pied de la tour Eiffel.
L’attaquant des «Steelers» (classé 3,5 donc parmi les joueurs dont le handicap est le moins lourd) a passé l’ensemble de son match sous très bonne garde face aux Bleus. Bob Vanacker, le coach belge de la France, nous disait, quelques jours avant le match : «On a mis des tactiques en place, qu’on a testées à la Canada Cup’s quand on a affronté l’Australie il y a quelques mois [match perdu de 1 point, ndlr]. L’idée c’est de mettre un surnombre sur lui. Le plus important, c’est que lui ne joue pas, qu’il n’ait jamais le ballon, car il va toujours trouver les solutions. Si on peut faire ça, on a déjà gagné la moitié du match», préconisait le coach. On a remarqué les efforts, mais le plan s’est moins bien déroulé que prévu : la France s’est inclinée 53-51 contre les hommes en jaune vendredi et devra nécessairement battre la Grande-Bretagne ce samedi à 19h30 pour se qualifier en demi-finale. «Batt était injouable ce soir, surtout au début», soufflait Vanacker en zone mixte après la rencontre.
«Sur un terrain, je ne suis vraiment pas sympa»
Car le numéro 3 australien avait les crocs. Pour sa sixième (et dernière, promet-il) paralympiade, son équipe avait mal commencé son tournoi, en s’inclinant jeudi contre la Grande-Bretagne (58 à 55). Et le comportement de certains de ses coéquipiers semblait avoir déplu au leader : «C’est difficile d’invoquer l’expérience pour motiver les plus jeunes. On a juste à se nourrir de l’ambiance ici. C’est incroyable. On représente notre pays, lors de l’événement le plus important de notre sport, les Jeux paralympiques, si ça, ça ne te pousse pas à te surpasser, je ne sais pas ce qu’il te faut», déclarait-il après la défaite. L’Australien le répète à l’envi : il vise l’or à Paris pour conclure une carrière auréolée de nombreux succès, dont deux sacres paralympiques, à Londres et Rio, et deux sacres mondiaux, en 2014 et 2022.
Pendant le match, on alpague en tribune presse un confrère australien, maillot aux couleurs de son équipe sur les épaules : «Qu’est-ce qu’il vaut, ce Batt ?» Réponse : «La manière dont il manie son fauteuil est tout simplement exceptionnelle.» C’est vrai que sur le parquet, la rapidité d’exécution des demi-tours, virages, et autres accélérations impressionnent. «Sur un terrain, je ne suis vraiment pas sympa, disait-il aussi à la BBB en 2020. J’adore le trash-talk, chambrer les autres. Je parle sûrement trop, mais plus je vieillis, mieux je me comporte.» Si ce n’est s’attirer les huées du public de l’Arena Champs-de-Mars en tardant à aller passer la ligne d’en-but pour gagner du temps – une technique bien rodée en rugby-fauteuil – l’attaquant australien n’est visiblement plus le chambreur d’autrefois.
«Michael Jordan du rugby-fauteuil»
Assis pas loin de nous, le collègue anglophone disait aussi «agressif» pour décrire le joueur, né sans jambes et avec des malformations aux doigts. On comprend ce terme quand on observe l’intensité que le numéro 3 aux immenses bras met dans ses courses… Et dans ses tampons : juste avant la mi-temps, il envoie valdinguer le 33 français, Sébastien Verdin, qui se retrouve projeté au sol, les deux roues en l’air. Direction la «prison», laissant ses coéquipiers à trois jusqu’à l’essai suivant des Bleus. Vendredi, les Français ont partiellement réussi à contenir le molosse, dont le solide strap au niveau du haut du corps rappelle qu’il a souvent été blessé à l’épaule au cours de sa carrière. A l’arrivée, il ne plante «que» 26 essais – dix de moins que contre la Grande-Bretagne – mais a pu compter sur son coéquipier attaquant Chris Bond (27 essais) pour l’emporter contre la France.
«Pour moi, c’est le Michael Jordan du rugby-fauteuil. Il est énorme, malin, impressionnant, hyper rapide, nous disait le coach tricolore il y a quelques jours. Il sait tout faire.» Sauf, peut-être, s’arrêter plus d’une minute en zone mixte. A l’issue du match, on a descendu quatre par quatre les marches de la tribune pour se diriger vers le grand couloir où passent les joueurs après la rencontre et poser ne serait-ce qu’une question à la légende. On aura eu que des miettes destinées à nos confrères australiens. «Sorry.»