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Jeux paralympiques 2024 : Teddy Riner qualifie les para-athlètes de «super-héros» et se prend un ippon

Sofyane Mehiaoui, membre de l’équipe de France de basket fauteuil, a étrillé la star française du judo pour un soutien qu’il estime excessif et une formulation qui minore les performances des sportifs en situation de handicap.
Le para-basketteur Sofyane Mehiaoui, à Aubervilliers le 15 mai. (Michel Rubinel/AFP)
publié le 22 août 2024 à 17h16

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Quel bel esprit d’équipe, généreux et inclusif : c’est ce qu’on s’est dit, en voyant Teddy Riner avoir une pensée pour les para-athlètes, à peine ses deux médailles d’or décrochées sur les tatamis olympiques. Dès le 6 août, auprès de la RTBF, le patron du judo français soulignait la nécessité de mettre en avant les athlètes paralympiques. «C’est important car on se bat, on s’entraîne mais le vrai mérite leur revient. Ils ont un handicap qui est déjà très difficile à vivre et ils arrivent à faire des choses incroyables. Les vrais JO vont commencer par les Paralympiques.» Et une semaine plus tard, il remettait ça sur RTL, lors d’une interview croisée avec Marie-José Pérec. «Eux, c’est juste extraordinaire, c’est eux, les vrais champions», louait Riner. «En fait, ce que les gens ne comprennent pas, enchaînait la triple championne olympique d’athlétisme, c’est que nous, on regarde les para-athlètes en disant que ce sont nos héros, parce que nous, on sait ce que c’est, de s’entraîner tous les jours.» «Avec un handicap, soulignait Riner, ce sont des super-héros.» «Pour nous ce sont les Avengers», renchérissait Pérec, en référence à la saga Marvel.

Mais patatras. Héroïsation excessive, déplacée et contre-productive, a cinglé sur Instagram Sofyane Mehiaoui, membre de l’équipe de France de basket fauteuil. Le message, posté en «story», contenu qui disparaît au bout de vingt-quatre heures, n’est plus disponible, mais il est rapporté comme suit : «Faut vraiment que t’arrêtes de parler de nous de cette manière, tu ne nous aides pas, on est des personnes en situation de handicap et nous souhaitons être considérés comme des personnes normales. Quand on nous surexpose, ce n’est pas bien. On n’est pas des super-héros, on est des athlètes. Donc venez nous voir parce qu’on va faire des performances, on va faire des exploits sportifs, c’est pour tout ça qu’il faut venir nous voir.» Sofyane Mehiaoui aurait ensuite temporisé, tout en enfonçant le clou : «Je sais que ce n’est pas méchant et qu’il veut nous aider, mais il s’y prend mal. Je veux réagir pour que les gens comprennent ça. Mais quand Teddy dit ça, ça veut aussi dire qu’on ne fait pas totalement du sport.»

Alors, d’aucuns dénonceront une ingratitude. Mais ce ippon du para-basketteur relaie un sentiment souvent exprimé par les para-athlètes : qu’en les super-héroïsant, on les différencie (ce qui est une forme d’exclusion, fût-elle positive) une fois de plus, et que, paradoxalement, en soulignant leur mérite «exceptionnel», en les mettant sur un piédestal miraculeux, on minore leurs performances, systématiquement reliées à leur handicap. «Complaisance», «misérabilisme», «pitié» sont des griefs qui reviennent régulièrement. Et d’en appeler à un traitement égalitaire avec les athlètes valides. Cela dit, ces derniers ne sont-ils pas eux-mêmes des super-héros, du moins pour la personne lambda, et tout sélectionné, olympique ou paralympique, n’est-il pas de fait exceptionnel, hors normes, pour accomplir pareilles performances ?