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Libération
Incandescente

JO 2024 : voyage dans l’espace, félin qui s’échappe, slip en feu… 9 exploits (et quelques couacs) de la flamme olympique

Remise fin avril aux organisateurs français des JO de Paris, la flamme olympique a vogué à bord du trois-mâts Belem pour rejoindre la France. Avant son arrivée dans le Vieux-Port de Marseille, petit florilège des meilleures anecdotes liées à son transport dans l’histoire des Jeux.
Barry Larkin en 1956 à Sydney (DR)
publié le 27 avril 2024 à 8h54

C’est le site du Musée olympique, à Lausanne, qui le dit : «Au cours des 80 dernières années, la flamme olympique a été portée par des centaines de milliers de personnes et a voyagé de toutes les manières possibles et imaginables.» Des profondeurs de l’océan à la Station spatiale internationale (ISS) en passant par le sommet de l’Everest, la flamme olympique qui doit quitter la Grèce pour la France ce samedi 27 avril n’est pas loin d’avoir tout vu, tout connu. A moins que son trajet à travers l’Hexagone, qui doit l’amener de Marseille à Paris entre le 8 mai et le 14 juillet, ne lui réserve d’autres scénarios imprévisibles. En attendant, Libération retrace neuf moments marquants de son odyssée.

Melbourne 1956 : Torche factice et slip en feu

Barry Larkin est médaille d’or en canular. En 1956, ce jeune étudiant en médecine réussit à duper tout son monde en déambulant dans les rues de Sydney flanqué d’une fausse torche conçue par ses soins. Au courant du passage imminent de la flamme près de chez lui, le jeune australien a une idée : fabriquer une réplique à l’aide d’un pied de chaise repeint en argent et d’une boîte de conserve. Comme combustible ? Son slip, imbibé d’un liquide inflammable.

La farce fonctionne à merveille : au prix d’un improbable concours de circonstances, Barry Larkin, qui avait prévu une fausse escorte motorisée, se retrouve entouré de vrais motards de police quand il se met à courir, sous les vivats de la foule, tous l’accompagnant jusqu’à l’hôtel de ville de Sydney. En haut des marches, Pat Hills, le maire, reçoit la torche de ses mains, 15 minutes avant l’arrivée des vrais, flamme et athlète. C’est au moment de démarrer son discours que l’édile prend conscience de la supercherie, révélée par l’un de ses conseillers.

Montréal 1976 : la flamme allumée… par satellite

Pour assurer le transfert de la flamme entre Athènes et Ottawa sans avoir à parcourir les 7 750 km qui séparent les deux villes, et avec l’obligation que la flamme au Canada soit la même qu’en Grèce, les organisateurs ont redoublé d’imagination. Point d’avion, mais plutôt un signal satellite. Un procédé digne des premiers films de science-fiction de l’époque. Il est question d’«un capteur utilisé pour détecter les particules ionisées de la flamme (qui) les a transformées en impulsions codées», nous apprend le CIO sur son site. «Ces impulsions ont été transmises par satellite jusqu’à Ottawa, où elles ont activé un rayon laser qui a recréé la flamme olympique dans sa forme originale.» Et hop, le tour est joué.

Séoul 1988 : des colombes enflammées, le public horrifié

L’embrasement de la vasque olympique a souvent charrié son lot de séquences mémorables, de l’archer espagnol Antonio Rebollo tirant sa flèche enflammée dans le chaudron à Barcelone en 1992 au boxeur Mohamed Ali, atteint de la maladie de Parkinson, l’allumant malgré ses tremblements à Atlanta quatre ans plus tard. A Séoul, en revanche, tout ne s’est pas déroulé comme espéré. Traditionnellement, depuis l’édition nazie de Berlin 1936 lors de laquelle l’idée d’un relais de la flamme est apparue, le protocole prévoit un lâcher symbolique de colombes avant l’arrivée du dernier relais. Les Coréens n’ont pas dérogé à la règle. Mais lorsque le dernier relayeur enflamme le grand récipient, il ne voit pas que plusieurs oiseaux volent alors à proximité. Certains meurent brûlés sous le regard éberlué du public, en mondovision. Le drame a suscité de vives protestations. Depuis, il a été décidé d’abandonner le lâcher de colombes, qui n’existe plus aujourd’hui.

Sydney 2000 : une flamme sous l’eau à 2 000 degrés

Comme si les parcours de la flamme n’étaient pas déjà suffisamment ambitieux, les organisateurs australiens ont voulu un peu plus se compliquer la tâche. Pourquoi ne pas porter la torche au plus près de la grande barrière de corail, l’un des symboles du pays, c’est-à-dire sous l’eau ? La prouesse nécessite une flamme spéciale, capable de se consumer à 2 000 degrés, alimentée par une solution chimique. Sa conception aura demandé neuf mois de boulot, pour deux minutes et 40 secondes d’immersion aux abords du récif de Port Douglas, dans les mains de la biologiste et plongeuse Craig Duncan.

Pékin 2008, d’un bus parisien à l’Everest

Les manifestations sont un grand classique du relais olympique qui offre une exposition médiatique exceptionnelle. Elles ont été particulièrement marquées en 2008, quand les défenseurs du Tibet ont profité des Jeux de Pékin pour protester. Des 20 pays que le flambeau a traversés, nul doute que la virée parisienne fut la plus mouvementée. Descendue de la Tour Eiffel, la torche a vécu un parcours chaotique, malmenée par des happenings en tous genres. Dès le début du périple, l’élue écolo Mireille Ferri, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France, munie d’un extincteur, est interpellée par les forces de l’ordre, qui interceptent plus loin six autres personnes pétries des mêmes intentions. Au total, la flamme a dû être éteinte à quatre reprises sur demande des autorités chinoises. Avant d’être mise définitivement à l’abri dans un bus.

La même année, une seconde torche confectionnée pour résister aux températures extrêmes est amenée jusqu’en haut du mont Everest, escaladé par son versant tibétain, avec la Tibétaine Cering Wangmo comme ultime relayeuse au sommet. Pour Pékin, qui impose une domination de type colonial au Tibet, la démonstration est plus politique que sportive. Reste que depuis ces incidents en série, auxquels s’ajoutent de nombreux autres pépins durant son trajet entre Olympie et Pékin, la flamme ne voyage désormais qu’à travers la Grèce quand elle est allumée pour une olympiade puis dans le pays organisateur.

Sotchi 2014 : la torche voyage dans l’espace

C’est peu dire que le relais à l’occasion des JO de Sotchi, en Russie, a démarré par un faux départ. Le 7 octobre 2013, quelques minutes après le début du parcours sur la Place Rouge, à Moscou, le second relayeur, Chavarch Karapetian, fait grise mine. L’ex-champion de la nage avec palmes court pourtant à faible allure dans les rues moscovites. Mais il voit la flamme s’éteindre petit à petit. Le voilà contraint de demander à un agent de sécurité de rallumer la torche, à l’aide d’un briquet de fortune. Durant ces premiers jours de relais, la torche est éteinte puis rallumée plusieurs fois, alimentant l’idée d’un défaut de conception de la torche.

Les Russes rattrapent ces couacs en série un mois plus tard, en devenant les premiers à envoyer le flambeau dans l’espace. Un voyage de quatre jours : la torche a décollé des steppes du Kazakhstan le 7 novembre à bord d’un vaisseau Soyouz. Le dispositif, forcément spécial, impliquait d’importantes précautions, quitte à entraver certaines traditions de l’olympisme. La flamme a par exemple été exceptionnellement éteinte pendant les six heures du voyage, pour des raisons de sécurité. Elle ne reste que quelques heures à bord de la Station spatiale internationale (ISS), avant de retrouver la terre ferme le 11 novembre.

Rio 2016 : un jaguar meurt pendant le relais

Cela aurait dû être le moment fort du relais, imaginé par les organisateurs de Rio : à l’occasion d’une étape du parcours emmenant la flamme à travers la forêt amazonienne, la torche devait être accueillie par Juma, un jaguar femelle de 17 ans, symbole d’une espèce en voie de disparition dans la jungle brésilienne.

Mais après le passage de la flamme, le félin profite de son transfert d’un enclos à un autre dans le zoo de l’armée pour s’échapper. Rattrapé, on lui administre quatre fléchettes de tranquillisants, qui ne font pas effet assez vite. Le jaguar menace alors de s’en prendre à un vétérinaire. Il est finalement abattu de plusieurs balles. «Nous avons commis une erreur en permettant que la torche olympique, symbole de paix et d’union entre les peuples, soit exhibée aux côtés d’un animal sauvage attaché», avait alors réagi le comité d’organisation des JO de Rio.

Pyeongchang 2018 : deux robots déambulent avec la flamme

Certainement le relayeur le plus inattendu de l’histoire des relais. Hubo, un humanoïde développé par l’Institut des sciences et des technologies avancées de Corée (KAIST), est devenu le premier robot porteur de la flamme. Du haut de ses 120 centimètres (pour 55 kilos), il a parcouru sans encombres un peu plus de 150 mètres dans une avenue de Daejeon, ville du centre de la Corée du Sud. L’humanoïde a ensuite transmis la torche à son concepteur, le professeur Oh Jun-ho. Peu de temps après, la flamme est passée entre les mains d’un autre robot, FX-2, un prototype cette fois contrôlé par un conducteur humain.

Pékin 2022 : tempête de neige et dénégations

Même quand on pense que toutes les embûches du parcours ont été évitées et que la flamme est arrivée à bon port en sécurité, des péripéties peuvent encore survenir. En 2022, lors des JO d’hiver de Pékin, une intense tempête de neige éteint complètement la flamme qui brillait dans la vasque installée en haut du «Nid d’oiseau», le stade des Jeux d’été 2008, une semaine avant la cérémonie de clôture où l’on éteint traditionnellement. C’est en tout cas ce que montre une photo prise par un reporter d’USA Today. Evidemment, dénégations des autorités chinoises qui envoient un mail au quotidien américain : «Notre équipe du Nid d’oiseau a déclaré que la vasque olympique et la flamme vont bien. Mais il est possible que la neige ait affecté la visibilité.»

En remontant un peu plus loin dans le temps, une autre tempête avait eu raison de la flamme qui illuminait Montréal durant les olympiades de 1976. Un technicien du stade avait été dépêché pour la rallumer. A l’ancienne, avec un briquet et du papier journal.