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«Larmes de bonheur»

JO de Paris 2024 : Adam Peaty, le meilleur brasseur de l’histoire, goûte sans tristesse à la deuxième place

JO Paris 2024dossier
Le Britannique de 29 ans, passé par une déprime, des problèmes d’alcool et d’alimentation, a décroché l’argent (ex aequo avec l’Américain Nic Fink) en finale du 100 m brasse ce dimanche 28 juillet, derrière l’Italien Nicolo Martinenghi.
Adam Peaty, à gauche, paré d'argent ce dimanche en 100 m brasse, aux côtés de l'Américain Nic Fink. (Clodagh Kilcoyne/REUTERS)
publié le 28 juillet 2024 à 23h36

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Peut-on passer une vie toute entière à brasser ? Au sens aquatique, s’entend. A nager la brasse, la tête dans l’écume, ondulant dans l’eau à la façon d’une grenouille. Adam Peaty le croyait. Le Britannique avait même fait de l’exercice une passion exclusive, un art à part entière, dont il était seul dans le monde à maîtriser les codes avec une telle maîtrise. Son palmarès, long comme une liste de courses, l’affirme sans craindre la contestation : Adam Peaty, 29 ans, est le plus grand brasseur de l’histoire.

Triple champion olympique, huit fois champion du monde en grand bassin, seize fois médaillé d’or européen. Il détient les quatorze meilleurs temps de l’histoire sur 100 m brasse. Pour ses adversaires, renvoyés depuis longtemps dans la loge des seconds rôles, ramener une médaille d’argent a le goût de la victoire. Mais il en faut parfois peu pour faire chuter un mythe. En 2022, Adam Peaty se présente aux Jeux du Commonwealth avec un pied en vrac, mal remis d’une fracture. La finale du 100 m brasse ne le lui pardonne pas. Le Britannique se traîne comme un vieux rafiot. Il termine à la 4e place. Sa première défaite sur la distance depuis 2014.

Goût pour la viande retrouvé

En soi, rien de dramatique. Mais cet échec, et les longs mois passés à se soigner, fissurent son équilibre de nageur et ses certitudes d’homme. Il se met à boire, néglige son alimentation, s’enfonce dans la déprime. «L’idée m’est venue de tout laisser tomber et arrêter la natation, se souvient-il. Je n’ai pas été loin de le faire.» Pendant six mois, il disparaît des radars médiatiques. Une coupure dont il aime aujourd’hui vanter les mérites, physiques mais surtout psychiques.

Pour son retour dans sa ligne d’eau, l’an passé, il prend la décision de revoir son organisation, son hygiène de vie et sa préparation. Longtemps végétarien, il reprend goût à la viande, avale deux petits-déjeuners par jour, s’astreint à un régime de 8 000 calories quotidiennement, jusqu’à 12 000 en période d’entraînement intensif. Il recadre aussi sa philosophie d’athlète de haut niveau. «J’ai décidé de ne plus me focaliser sur la performance à atteindre, mais sur la façon de l’atteindre, aime-t-il expliquer. Je me suis fixé des défis personnels, en essayant pour les relever de grandir comme personne plus que comme nageur.» Il en résume le message par un nouveau tatouage, «Into the light» («Dans la lumière»), marqué sur l’abdomen.

«Je ne pleure pas parce que je suis arrivé deuxième»

Ce dimanche 28 juillet, sa troisième finale olympique du 100 m brasse lui a semblé promise jusque dans le dernier remous de la course. Mais un Italien long comme un jour sans soleil, Nicolo Martinenghi, placé dans une ligne extérieure, loin de sa vue et de sa vigilance, lui a chipé la victoire pour deux malheureux centièmes (59″03 contre 59″05).

A sa sortie de l’eau, il n’a pas pu retenir ses larmes devant les caméras. «Je ne pleure pas parce que je suis arrivé deuxième, a-t-il confié à la BBC. Je pleure à cause de tout ce qu’il m’a fallu pour en arriver là. Dans mon cœur, j’ai gagné. Ce sont des larmes de bonheur.»

Après le podium, où il a partagé la deuxième marche avec l’Américain Nic Fink, classé ex aequo, Adam Peaty a longuement serré dans ses bras son fils de trois ans, George-Anderson. Pour la première fois depuis ses débuts aux Jeux, à Rio en 2016, le Britannique n’est pas champion olympique. Mais il n’en est que plus humain.