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JO de Paris 2024 : après une médaille de bronze au goût amer, la longue confession d’Iga Swiatek

La numéro 1 mondiale s’est longuement exprimée en conférence de presse à l’issue de sa défaite en demi-finale. La Polonaise a notamment évoqué la pression «jamais» ressentie auparavant et son jeune âge comme des explications possible de sa déroute.
Iga Swiatek après sa victoire sur Anna Karolina Schmiedlova lors du match pour la médaille de bronze aux Jeux de Paris, ce vendredi 2 août 2024. (Andy Wong/AP)
publié le 2 août 2024 à 20h08

L’un des plus formidables mystères de cette première semaine olympique est passé un peu inaperçu jeudi, d’autant que l’intéressée était restée muette et avait traversé la zone mixte dévolue aux échanges entre les athlètes et les journalistes à toute vitesse : le crash de la Polonaise Iga Swiatek. Invincible ou presque à Roland-Garros depuis une éternité mais battue (6-2, 7-5) en demi-finale du tournoi féminin par la Chinoise Zheng Qinwen, qui affrontera samedi la Croate Donna Vekic pour l’or. Médaillée de bronze ce vendredi 2 août après son succès rapide (6-2, 6-1) sur la Slovaque Anna Karolina Schmiedlova, la numéro 1 mondiale est donc passée par la case conférence de presse. Où elle a livré une lecture exclusivement «olympique» de sa défaite mais aussi complexe, éclairant l’articulation entre l’égoïsme forcené des stars du circuit et ce qu’elles apprennent d’elles-mêmes dans une compétition différente, ne rapportant ni prize money ni points au classement.

La défaite contre Zheng Qinwen

«Je n’ai jamais ressenti un truc pareil. Toute la semaine du tournoi, j’ai ressenti une pression auquel rien ne m’avait préparé jusqu’ici. On croit que l’on sait, on devine mais quand on vit les Jeux olympiques, on comprend qu’on n’a rien anticipé du tout. A Tokyo [en 2021, où elle avait été éliminée au deuxième tour, ndlr], je n’avais pas la pancarte de super-favorite que j’avais lors de ces Jeux à Paris. Là [contre Zheng], je n’arrivais pas à bouger naturellement alors que la terre battue est ma surface favorite et que j’ai pour ainsi dire été élevée dessus, je voyais les points défiler comme si j’étais extérieure à l’action. Toute ma vie, j’ai joué pour moi. Cette semaine, j’étais là pour mes entraîneurs, mon pays, le public polonais. Bien sûr que je ne l’ai pas découvert en arrivant ici mais j’avais sous-estimé ce que ça représentait pour moi, la profondeur de mes sentiments.»

L’après-défaite

«Quand j’ai perdu [au troisième tour contre la Tchèque Linda Moskova] à l’Open d’Australie cette année, j’ai pleuré trois jours. Là, je pense que je pourrais pleurer une semaine et après le match [contre Zheng], j’ai pleuré exactement six heures. Je sais que je dois me dire que ce n’est qu’une petite partie de ma vie, mais ça m’a brisé le cœur. Je pensais savoir gérer mais là, j’étais submergé, c’est de la folie. Il y a quelque chose que je dois changer à l’avenir. Ça veut dire travailler mieux sur moi-même, et être plus humble dans l’approche des événements. J’ai compris à travers cette défaite que je gardais énormément de choses au fond de moi depuis des années, des choses intimes, et que ces choses pouvaient sortir. Or, si elles sont là, je dois en faire quelque chose. Je ne peux pas les nier.»

La médaille de bronze

«Après la défaite [jeudi], je me suis posée avec ma préparatrice mentale, Daria Abramowicz [qui la suit depuis l’adolescence] et toute mon équipe. Je devais partager. Je savais qu’il y avait une médaille de bronze à aller chercher, que je devais me concentrer sur mon travail mais croyez-moi, ce n’est pas simple. La question a été : pour qui je joue ? Pour moi ? Non, pour les autres : voilà ce qu’il fallait comprendre. Et je suis repartie sur le court. Et je suis là, avec le bronze, je n’ai pas craqué. Où que j’aille désormais, je sais qu’il y a des choses à découvrir. Je n’ai que 23 ans. Je ne connais pas tout sur le sport. La confusion régnait dans mon esprit ce matin et cette confusion est encore là pour quelque jour. Mais si vous me demandez quel sens à cette médaille de bronze pour moi, alors que j’ai gagné des titres du Grand Chelem [cinq], je vous réponds que je n’ai jamais ressenti un stress pareil et que, malgré ça, je suis sorti médaillée de cette semaine-là.»

Le monde extérieur

«Depuis une semaine, je l’ai subi. Il ne m’a jamais laissé me réjouir de mon processus, de ce que je vivais. Je regarde Carlos Alcaraz [finaliste dimanche après avoir expédié le Canadien Félix Auger-Aliassime vendredi, 6-1, 6-1] et on comprend qu’il aime chaque minute qu’il passe ici. Il s’est nourri de sa proximité avec [Rafael] Nadal lors de ces Jeux, il profite de tout ce qui lui est donné. Pour moi, il y a matière à réflexion. Je n’ai rien vu des Jeux olympiques de Paris. Je n’ai profité de rien. Bon, aujourd’hui j’étais heureuse d’affronter [Anna Karolina] Schmiedlova parce que c’est une bonne personne, qui s’est notamment exprimée comme moi sur l’agression dont est victime l’Ukraine de la part de la Russie depuis deux ans. Pour autant, on n’en a pas parlé ensemble. On ne parle pas souvent entre joueuses de toute façon. Mais je sais que je partage ça avec elle. Je ne peux pas dire que je cherche à me “connecter” avec les joueuses ukrainiennes, chacun est dans son coin. Je vais encore rester quelques jours à Paris et aller soutenir mes compatriotes. Peut-être que j’en ai besoin. Que ça m’aidera à chasser les pensées négatives.»