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Libération
Fin de règne

JO de Paris 2024 : au 400 m haies, Rai Benjamin coiffe le roi Karsten Warholm

A la surprise générale, l’Américain a ravi le titre du champion olympique norvégien, vendredi 9 août. Le Français Clément Ducos signe un beau parcours parisien avec une quatrième place.
Rai Benjamin, vainqueur de la finale du 400 mètres haies masculin, le 9 août au Stade de France. (David J. Phillip/AP)
publié le 9 août 2024 à 23h57

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Un tour de dépit. Karsten Warholm, le recordman du monde du 400 m haies et tenant du titre olympique, a inventé vendredi 9 août au soir au Stade de France, un peu avant 22 heures, un exercice rarement tenté depuis le début des Jeux de Paris 2024. Un tour d’honneur, avec un drapeau posé sur les épaules, mais sans la moindre envie de se déclarer honoré. Quatre cents mètres couverts en marchant, le visage fermé et le sourire tellement peu visible que même les premiers rangs des tribunes n’en ont deviné que l’ombre.

Avant la finale, Karsten Warholm s’était imaginé un tout autre scénario. La victoire, comme trois ans plus tôt aux Jeux de Tokyo. Le record du monde, pourquoi pas, comme Sydney McLaughlin la veille au soir dans la même discipline. Et, pour boucler l’affaire, un tour d’honneur, un vrai, au pas de course, en sautillant d’euphorie. La scène était presque jouée d’avance. Seul ennui, mais de taille : elle n’a pas tenu la distance. A l’entrée de la dernière ligne droite, Karsten Warholm était encore champion olympique. A l’arrivée, il n’était plus rien. Médaillé d’argent en 47″06, devant le Brésilien Alison dos Santos (47″26).

«Je pensais que j’allais me faire doubler, mais il n’y avait personne»

Pour un athlète du calibre du Norvégien, le résultat a eu la violence d’une claque en plein visage. Un échec, même avec l’argent sur la poitrine. Le fautif : Rai Benjamin (46″46). Un Américain installé à Los Angeles, souvent placé mais jamais gagnant. Vice-champion olympique à Tokyo, trois fois médaillé aux championnats du monde. De l’avis général, un costaud. Pour preuve sa performance en finale des Jeux de Tokyo, où il avait lui aussi battu le record du monde (46″17), mais sans décrocher la victoire.

A l’arrivée, Karsten Warholm a semblé ne pas le croire. Son vainqueur a reconnu lui aussi son incrédulité de se voir plein écran sur le tableau stade. «Je ne réalise pas que je l’ai fait, enfin, a-t-il reconnu devant les médias. Et je l’ai fait au bon moment, devant ma famille et mes amis. C’est tellement énorme pour moi. J’ai su que j’avais gagné peut-être seulement cinq mètres avant la ligne. Je pensais que j’allais me faire doubler, mais il n’y avait personne. J’ai pensé : Attendez une minute, je suis en train de le faire.” Et j’ai réussi. Une sensation extraordinaire.»

Envie de briser la routine

Moins connu que son rival norvégien, Rai Benjamin a longtemps gardé pour lui un parcours et une personnalité peu communs. Né aux Etats-Unis, il passe une partie de son enfance à Antigua-et-Barbuda, dans les Caraïbes, où son père Winston fait carrière au cricket, jusqu’à jouer une vingtaine de tests pour l’équipe multinationale des Indes occidentales, un confédération sportive de territoires caribéens. A l’adolescence, il hésite entre le cricket et le football américain, pour finalement se lancer dans l’athlétisme.

Passionné de cuisine, il cherche parfois le calme et la concentration avant une course, en visionnant sur YouTube des émissions culinaires. Plus jeune, il s’isolait du monde extérieur en jouant sur sa tablette un épisode de Friends. Déterminé à se soigner d’une addiction aux jeux vidéo, il a cassé sa tirelire pour s’offrir un vélo de course, un modèle S-Works SL8, une merveille de technologie à 14 000 euros. «Le sport peut devenir parfois monotone. Rouler à vélo a été un challenge, mais un challenge très plaisant.» La même envie de briser la routine lui a donné l’idée, l’an passé, de lancer un défi à Grant Holloway, le champion olympique du 110 m haies, sur la distance hybride d’un 200 m haies. «On en parle depuis un ou deux ans. On le tentera dès qu’il sera prêt.» Au Stade de France, vendredi soir, le public attendait Karsten Warholm en espérant le tricolore Clément Ducos, la révélation française de la semaine, héroïque 4e en finale (47′'69). A la place, la course lui a servi Rai Benjamin. Une très belle découverte.