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JO de Paris 2024 : au basket 3x3, trois tricolores en argent, des speakers sous stéroïdes et un public en feu

JO Paris 2024dossier
Chauffé par des commentateurs extatiques et la musique poussée à fond, le public de la Concorde s’est enflammé face aux exploits des Bleus, jusqu’à la finale remportée sur le fil par les Pays-Bas, lundi 5 août.
Le néerlandais Arvin Slagter et le tricolore Franck Seguela à la lutte pour la médaille d'or en basket 3x3 à la Concorde, le 5 août. (Denis Allard/Libération)
publié le 6 août 2024 à 0h26

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Rassembler l’obélisque, le dôme des Invalides, un playground et Dirk Nowitzki, vieille gloire NBA passée pour son plaisir, dans le même panorama, il fallait le faire. L’amphithéâtre du basket 3x3 posé sur la place de la Concorde est un spectacle en soi. En plus, cette fin de JO offre de beaux couchers de soleil. Plus rude, les quatre heures passées dans ce crincrin indescriptible, mêlant basket, hip-hop bon marché, et marketing didactique d’une discipline devenue olympique à Tokyo en 2021. Qui ne compte que 60 000 usagers dans le monde.

Dans les gradins, tout commence par rumeurs et palabres : qui connaît les règles ? Souvent pas plus d’une personne par bloc. Mais qu’importe, deux heures plus tard, tous sont des anthropologues émérites du 3x3, et pestent sur les pick and rolls moisis des Lituaniens. L’idée de ce demi-basket est pourtant simple : le vainqueur est celui qui met le plus de points en dix minutes, ou le premier arrivé à 21. On a 12 secondes pour marquer, le ballon est de taille 6, celui du basket féminin, et les points sont divisés par deux par rapport au 5x5 : 1 dans la raquette et 2 derrière l’arc. Le tout se joue en autogestion totale pour les joueurs, le coach faisant banquette en tribune.

Sur la brèche, entre Intervilles et la West Coast

Les Français se pointent sur le terrain pour leur demie à 19 h 08, ambiance gros son du rappeur Dr Dre. En face : les Lettons, champions olympiques, invaincus à Paris, qui ont battu la France 22-20 en poules. Un homme s’ambiance, déguisé en Obélix. Non loin, le visage de Michèle Alliot-Marie, ex-ministre des Armées, n’a rien perdu de sa rectitude malgré les lunettes de soleil. Le 3x3 est un sport qui se joue en musique, avec deux speakers, un francophone, un anglophone, qui commentent en live, comme dans Fifa 98 sur PlayStation. Or, l’anglophone a bu tellement de Red Bull, «yyeeeaaah», qu’il commente tout, tout, mais tout. Il offre ainsi des «Jules Waaaambooo say no, no, no», lorsque l’ailier fort tricolore – en vrai, Jules Rambaut – conteste une faute auprès de l’arbitre. Pitié, ramenez-nous George Eddy, le commentateur iconique de Canal + dont le franglais aurait dû inspirer une thèse à un dialectologue de la Sorbonne.

Blague à part, les Français renversent leur tournoi en deux exploits. Dimanche soir, ils avaient déjà évincé la Serbie, sextuple championne du monde, 22-19. Là, ce sont les Lettons qui y passent, après une partie hypermaîtrisée : 21-14. Lucas Dussoulier fait un énorme match. Il est partout, plante 9 points et prend 7 rebonds. Au 3x3, le jeu est plus rythmé qu’au 5x5, dont tous les joueurs sont issus. C’est un shoot d’endurance, un jeu d’adresse, mais ça ne défend pas très fort, et l’esthétique est soignée. Le public adhère. Après un premier tour dans le mal, les Français ont l’air de s’amuser, détendus et rieurs. Franck Seguela mime une Gibson après la victoire, en mode karaoké géant sur le tube de Jean-Jacques Goldman Quand la musique est bonne. On est sur la brèche, entre Intervilles et la West Coast. Pause. Tout le monde va se nourrir pendant que la technique teste le protocole pour la remise des médailles.

Il faut stopper «le lion des Pays-Bas»

Il est 21 heures et le soleil tombe avec grâce derrière les tours de la Défense. Un breakdancer se déhanche sur Let Me Love You de Mario, en lever de rideau des épreuves de danse urbaine qui débuteront les jours prochains dans le même cadre. L’ambiance est douce à la nuit tombée. Sauf que revoilà cet excité de speaker : «Representing Latviaaaaaaaaaaaa !» On misait sur l’extinction de voix, il a l’air cette fois sous stéroïdes. Problème, le francophone s’y met aussi, avec une belle cascade lorsqu’il fait acclamer le Suédois Armand Duplantis, «nouvelle médaille d’or française à la perche». Puis dans l’ordre : concours de décibels, énième massacre d’Edith Piaf, Allumer le feu de Johnny et new wave agressive. Passion éclectisme au basket 3x3. Les Allemandes empochent la médaille d’or en battant les Espagnoles en finale, 17-16. Heureusement, revoilà les Bleus.

La finale des Français contre les Pays-Bas est nettement plus âpre. Les écrans posés par Jules Rambaut pour protéger son shooter sont sauvages. L’intérieur s’accroche et envoie un coup de coude dans le poitrail d’un joueur batave. En poule, les Néerlandais avaient aussi battu les Français 20-13. Ils dominent d’ailleurs le début de match où tout a l’air d’aller trop vite. Le speaker avertit alors : il faut stopper «le lion des Pays-Bas», Dimeo van der Horst. Mais un tir en cloche de Timothé Vergiat plus tard, les Bleus recollent. Et passent même devant avec un tir à deux points de Franck Seguela. Les Pays-Bas enchaînent les fautes techniques et l’or semble dévolu aux Bleus. Mais le sport est cruel. Les Français manquent deux occasions de régler l’affaire, et c’est le shooter péroxydé des Pays-Bas, Worthy de Jong – dont le speaker n’a pas donné l’animal totem – qui tire le rideau au buzzer : 18-17. Rude.