Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement notre newsletter Libélympique tous les matins pendant les Jeux.
Les planètes ne tournent pas toutes dans le bon sens dans l’athlétisme mondial. Dans les lancers, elles semblent même ne plus très bien savoir vers où se diriger. Au marteau, le drapeau canadien a flotté par deux fois pour la cérémonie du podium. Victoire chez les hommes, puis encore chez les femmes. Deux Canadiens médaillés d’or dans une discipline où l’Europe de l’Est n’a longtemps laissé que les miettes, il fallait oser l’imaginer.
La finale du disque hommes, mercredi 7 août au Stade de France, a poursuivi sur le même ton. Fantaisiste. Et même, allez : incongru. Sur le papier, le scénario paraissait solide. Un favori, Mykolas Alekna. Seulement 21 ans, mais déjà un record du monde dans la mallette. Pas n’importe lequel : le plus ancien de l’athlétisme masculin, une relique vieille de 38 ans, détenu par Jürgen Schult au temps de l’Allemagne de l’Est (74,08 m). Le discobole lituanien l’a effacé lors d’un concours de rêve, au printemps dernier dans l’Oklahoma. 74,35 m. Mykolas Alekna n’est pas le premier Lituanien venu. Au pays, son nom est associé depuis le début du siècle à l’exercice très mythologique du lancer du disque, mais avec un prénom différent, celui de son père Virgilijus, deux fois champion olympique (Sydney 2000 et Athènes 2004) et double champion du monde. Avec un tel pedigree, et des références sans égal dans le concours, Alekna ne semblait pas craindre grand-chose de la finale olympique.
«Plus seulement un pays de sprinter»
Mais le précédent du marteau, en début de semaine, l’a rappelé aux tenants de la tradition : l’athlétisme ne s’interdit plus de bousculer l’ordre établi. Au deuxième essai, Mykolas Alekna frappe un grand coup. 69,97 m. Record olympique. Fait unique : la marque change de main, mais reste dans la famille. Le fiston reprend à son père un bien qui lui appartenait depuis les Jeux d’Athènes en 2004. Une impolitesse que Virgilijus a pardonnée sur l’instant à Mykolas. Avec un tel lancer, le Lituanien semblait avoir atomisé le concours.
Mais un autre jet stratosphérique a bousculé les certitudes : 70 m tout rond au quatrième essai. Deuxième record olympique de la finale. Surprise, il est venu d’un sans-grade de la discipline. Son nom : Roje Stona. Son pays : la Jamaïque. L’inconnu dans la maison, habillé d’un maillot qui n’a jamais vraiment porté chance sur un plateau de lancer du disque. Avec encore deux tentatives, le Lituanien aurait pu remettre le concours dans le bon sens. Mais l’effet de surprise, et l’improbable déroulé du concours, lui ont donné le tournis. Mykolas Alekna a semblé sonné. Il en a perdu sa technique. Roje Stona n’est pas seulement le plus inattendu des champions olympiques. Il est aussi le moins illustre.
Son palmarès ? Vide. Première participation aux Jeux olympiques. Une seule présence aux championnats du monde, l’an passé à Budapest. Résultat : 19e. Lui seul s’en souvient. Originaire de Montego Bay, il débute d’athlétisme à l’école, tente sa chance dans les lancers faute de pouvoir briller en sprint. Ses années de lycée terminées, il se rend aux Etats-Unis, à l’université d’Arkansas. A Fayetteville, son quotidien est rythmé par les cours et l’entraînement au disque. Mais le Jamaïcain lorgne vers un terrain moins incertain : le football américain. En mai dernier, il pousse la porte d’un camp de détection des Green Bay Packers. Avec une idée fixe : faire carrière en NFL. Sans le moindre passé dans ce sport, il est poliment renvoyé. Tant pis, il restera discobole. Sur le moment, il en nourrit quelques regrets. Plus maintenant. «La Jamaïque doit être très fière en ce moment, je suis sûr que les gens font la fête, a-t-il dit à sa sortie de la piste. Les concours vont dans le bon sens, nous ne sommes plus seulement un pays de sprinteurs.»