Ouf ! Les stressés des tableurs vont pouvoir souffler. Après une quinzaine à scruter quotidiennement le tableau des médailles, à épier le calendrier des épreuves à venir, à pester devant ces titres potentiels non convertis, à redouter la moisson néerlandaise en aviron ou celle des Britanniques sur le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (elles ont eu lieu), la France boucle ses Jeux à domicile en cinquième position au classement des nations, avec 16 médailles d’or, 26 en argent et 22 en bronze (ça fait 64 au total, amis mathématiciens). Le «home advantage» a bien joué son rôle.
Emmanuel Macron, qui avait lui-même fixé cet objectif après une grosse fâcherie post-Tokyo (33 médailles, dont 10 en or), sera contenté. Claude Onesta, le manager de la haute performance à l’Agence nationale du sport, se montrait satisfait dimanche 11 août au matin, avant que la délégation tricolore ne garnisse encore son bilan d’un argent pour Elodie Clouvel au pentathlon moderne et d’une médaille du même métal pour les basketteuses bleues. Avec 16 médailles d’or, la France bat son record d’Atlanta en 1996 (15 titres) et, avec un total de 64, celui de Pékin, en 2008 (43 breloques). Au retour du Japon, «j’ai eu un entretien avec Emmanuel Macron sur le moyen de faire mieux à Paris, se souvient l’ancien coach de l’équipe de France de handball. Si on m’avait dit alors qu’en 2024, on aurait un tel bilan, j’aurais mieux dormi.»
La France aime la bagarre
La première semaine des Jeux avait placé la délégation tricolore en apesanteur. Dimanche 4 août, elle figurait sur le podium des nations (3e), avec déjà 44 médailles, 12 en or inclues, dont un quart pour le hors-bord Léon Marchand, l’athlète le plus titré des Jeux. Et deux pour le taulier Teddy Riner. La seconde semaine a été plus mollassonne. Pas une surprise, tant l’athlétisme n’est traditionnellement pas une locomotive pour la France. Avec l’unique argent de la hurdleuse Cyréna Samba-Mayela au 100 m haies, décroché in extremis samedi, la récolte est maigrelette. D’autant que l’athlète le reconnaît elle-même, elle est passée dans une autre dimension en traversant l’Atlantique pour rejoindre la Floride et rejoindre l’entraîneur irlandais John Coghlan. Une pierre dans le jardin de Romain Barras, le directeur de la haute performance de la fédération, qui concède un bilan «décevant», mais parle d’une «dynamique collective» qu’il faut «continuer à mettre en place» avec des athlètes «jeunes». A voir.
Souvent cité au rayon des déceptions, le cyclisme sur piste tricolore (qui n’a pu se mettre sous la dent que l’or de Benjamin Thomas à l’omnium) est en réalité pas loin de son niveau ces dernières années. L’époque dorée des Arnaud Tournant, Florian Rousseau ou Félicia Ballanger, multimédaillés à la fin des années 90, était probablement une anomalie. L’aviron, en revanche, s’est bel et bien troué : zéro médaille. Du côté des satisfactions, une constante : la France aime la bagarre. Au judo, à la boxe ou au taekwondo, les bonnes performances se sont enchaînées. Et que dire des sports collectifs, qui placent sept équipes dans le top 3, avec les titres des rugbymen à 7 et des volleyeurs ?
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L’exemple britannique
Dans une interview à l’Equipe, Claude Onesta concède dimanche un regret à propos des 14 médailles d’or espérées, au regard des performances passées d’espoirs tricolores, et finalement non décrochées. Mais il se montre satisfait du nombre de sportifs médaillés ces dernières années dans des compétitions internationales et qui ont récidivé à Paris : «On était à 49 % à Tokyo, où nos principaux adversaires étaient entre 70 et 80 %. Là, au-delà de 60 médailles, on sera à 75 % de réussite.» Et Onesta de souligner que les 64 médailles françaises ont été glanées par une vingtaine de fédérations, quand les nations concurrentes (Australie, Royaume-Uni, Japon) se spécialisent davantage, en investissant dans les disciplines les plus rémunératrices en podiums.
Un essai à transformer ? L’exemple britannique, souvent cité ces dernières années, est édifiant. En 1996, aux Jeux d’Atlanta, les athlètes à l’Union Jack ne glanent que 15 médailles, dont une seule en or. La perspective de l’organisation des Jeux de Londres sert d’électrochoc pour structurer le sport de haut niveau. Et l’édition 2012 (65 médailles dont 29 d’or) n’est pas qu’un one shot : les Britanniques restent dans ces eaux-là depuis une dizaine d’années. Un exemple dont la France veut s’inspirer en vue de Los Angeles 2028.