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JO de Paris 2024 : Caeleb Dressel, mental hurlant dans les bassins de natation

JO Paris 2024dossier
Le nageur américain, aussi performant que sa compatriote Katie Ledecky qu’il en est dissemblable, est revenu en force à Paris après des championnats du monde difficiles en 2022 à Budapest.
Caeleb Dressel ce jeudi à La Defense Arena. (Ueslei Marcelino/REUTERS)
publié le 1er août 2024 à 17h32

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Les apparences peuvent être trompeuses. Malgré la liste interminable de ses médaillés olympiques, le sourire parfait de ses athlètes et les tenues impeccables de son armée d’entraîneurs, la natation ne pèse pas très lourd aux Etats-Unis. Un sans-grade du paysage sportif, visible une ou deux fois par an, et encore, seulement les années des Jeux d’été. Dans ce quasi-néant, deux noms émergent. Un homme et une femme. Katie Ledecky et Caeleb Dressel. La première a enfoui dans les poches de sa doudoune onze médailles olympiques, dont huit en or, la dernière datant de mercredi soir à La Défense. Huit breloques dorées comme pour le second. Deux terreurs des bassins. Deux légendes. Mais le parallèle s’arrête là. Ledecky, 27 ans, n’affiche aucune aspérité. Sans angle mort ni face cachée. Dressel, c’est tout le contraire. L’approcher de trop près n’est jamais sans risque. Il détonne et surprend. Une énigme.

En 2022, l’Américain pousse la porte des championnats du monde à Budapest avec des manières de propriétaire des lieux. Une année plus tôt, il s’est offert une razzia de médailles aux Jeux de Tokyo. Cinq titres olympiques, dont trois en individuel (50m, 100m et 100m papillon). L’Amérique veut bien le jurer sur son drapeau : le natif de Green Cove Springs, en Floride, est le nouveau Michael Phelps. En plus tatoué et plus rouleur de mécaniques. Mais en Hongrie, il s’échappe en pleine compétition, au quatrième jour des épreuves, entre les séries du matin et les finales de la soirée, après avoir déjà écrasé la concurrence sur 50m papillon et au 4x100m. «Problèmes de santé», griffonne-t-il sur son mot d’excuse, sans s’appesantir sur les vraies raisons d’une fuite dont l’annonce éclipse toutes les performances de la journée.

Pendant neuf mois, Caeleb Dressel disparaît des radars. Plus tard, après un retour discret dans les bassins, il expliquera avoir souffert de dépression et d’anxiété. Il confiera avoir parfois été sujet aux crises de panique, notamment avant Tokyo, où la pression se faisait tellement forte qu’il en perdait le sens de la raison.

A l’écart de la natation, l’Américain se reconstruit. Il prend le temps de vivre, avec lenteur, sans se demander à chaque instant de la journée si sa technique est toujours bien en place, ses chronos d’entraînement corrects pour la saison, ou si la courbure de ses deltoïdes est conforme aux attentes de ses fans. «J’ai pris un plaisir dingue à rêvasser avec mon épouse, Meghan, assis sur le porche de notre maison», expliquera-t-il à son retour dans la lumière. Au printemps 2023, son mental en bon ordre, il se remet au boulot. Trois séances par semaine, au début, puis bientôt huit. Aux médias, il raconte avoir trouvé la paix. «Il existe une grande différence entre courir en ayant peur parce qu’on ne veut pas se ridiculiser, et prendre du plaisir à courir, dit-il. Je n’avais pas eu ce plaisir depuis un certain temps, alors c’est bien de le retrouver.»

Aux sélections olympiques américaines, en juin à Indianapolis, la piscine vacille de surprise à la lecture des résultats de la finale du 100m. Caeleb Dressel, seulement troisième, est écarté de la sélection. Il se rattrapera en décrochant son billet pour les Jeux de Paris 2024 sur 50m et 100m papillon, mais son échec dans l’épreuve reine fait les gros titres. «Les deux gars devant moi étaient plus forts, c’est ainsi, lâche-t-il. Le monde ne va pas s’arrêter de tourner. J’aurai bien assez de courses pour m’exprimer.» Le nouveau Caeleb Dressel ne nage peut-être plus aussi vite. Il n’est plus tout à fait cette «bête de compétition» qui avait «course gagnée à peine entrée dans l’eau», comme l’a imagé Bob Bowman, coach de Léon Marchand et ancien mentor de Michael Phelps. Mais en finale du 50m, vendredi 2 août, ses rivaux l’observeront sans doute encore comme l’homme à battre.