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Des soupçons de dopage dont la natation olympique se serait bien passée. A l’issue de la finale du 100 mètres nage libre mercredi 31 juillet, la jeune pépite de la natation chinoise, Pan Zhanle, s’est parée d’or après un aller-retour de bassin bouclé en 46 secondes et 40 centièmes. Un chrono démentiel – et un nouveau record du monde – pour le «poisson volant», qui détenait déjà le temps de référence depuis les championnats du monde à Doha en février (46″80).
#Paris2024 🔥 Record du monde du Chinois Zhanlé Pan dans cette finale du 100 m nage libre en 46:40 !
— francetvsport (@francetvsport) July 31, 2024
Le Français Maxime Grousset finit à une belle 5e place à 22 centièmes du podium 🥹
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Oui, vous avez bien lu. Pan Zhanle, 20 ans dans quelques jours, a battut de 40 centièmes de seconde son temps sur 100 mètres par rapport à son précédent record. Il a commencé vite, a accéléré, puis a finit très fort. Pour vous donner une idée, la dernière fois qu’un tel bond avait été approché, c’était il y a vingt-quatre ans : aux JO 2000 à Sydney, le Néerlandais Pieter Van den Hoogenband avait réduit de 34 centièmes le record de l’Australien Michael Klim réalisé en relais trois jours plus tôt.
Pour retrouver un écart encore plus important entre deux records successifs toujours sur 100 mètres nage libre, il faut remonter à… 1976. A l’époque, le Sud-africain Jonty Skinner avait réalisé un temps de 49″44, soit 55 centièmes de moins que la légende américaine Jim Montgomery, le premier humain descendu sous les 50 secondes sur cette distance, aux JO de Montréal, trente jours plus tôt, le 25 juillet 1976.
Opposants sciés et résultats en dents de scies
La performance de Pan Zhanle a abasourdi ses adversaires, dont le Français Maxime Grousset, cinquième à l’arrivée. «C’est du jamais-vu, il a vraiment explosé le record. Le temps est énorme, je pensais pas que c’était possible. Bravo à lui. Je vais bien analyser sa façon de nager parce qu’à mon avis, il faut se caler sur lui maintenant.»
Le sentiment de stupéfaction était partagé par l’Australien Kyle Chalmers, arrivé en seconde position mercredi soir. Le champion olympique du 100 mètres en 2016, médaille d’argent à Tokyo en 2021 et détenteur du record du monde sur 100 mètres en bassin de 25 mètres était favori. En dépit de son CV, il a touché le mur plus d’une seconde après Pan Zhanle. «Ce n’est pas quelque chose que je pensais possible, a-t-il déclaré à l’issue de la course. C’est fou ! C’est une demi-seconde plus vite que ce que j’avais imaginé pour gagner.»
Ce chrono apparaît d’autant plus déroutant qu’au préalable, Pan Zhanle ne faisait pas forte impression à Paris. Le nageur chinois avait certes réussi un bon relais sur le 4x100 mètres nage libre samedi 28 juillet… Mais avait été éliminé, dès les séries, du 200 mètres nage libre. Sur le 100 mètres nage libre où il a réalisé son exploit, il avait passé de justesse les qualifications lors des séries (13e temps) avant de faire le meilleur temps des demi-finales. Dans un post à 2,7 millions de vues sur X, l’avocat Pierre Barthélemy évoque un «malaise international» devant le chrono chinois.
Le malaise devant le chrono du Chinois m'a l'air international. Personne n'a les mots.
— Pierre B. (@Pierre_B_y) July 31, 2024
De quoi aussi faire ressurgir l’affaire des 23 nageurs chinois contrôlés positifs à la trimétazidine en 2021, mais jamais sanctionnés. L’Agence mondiale antidopage avait conclu à une contamination alimentaire collective. Si onze d’entre eux sont à Paris, Pan Zhanle n’en fait pas partie. Mais ses performances sont depuis scrutées avec un œil soupçonneux, d’autant que son précédent record du monde en février à Doha, constituait déjà une grosse surprise. Il attribuait alors son succès au tournant scientifique pris par l’équipe nationale chinoise.
«Battre un tel aréopage n’est pas humainement possible»
Mais pour Kyle Chalmers, il ne faut pas y voir le spectre du dopage : «J’ai confiance en lui, je pense qu’il a fait tout ce qu’il pouvait pour être là et qu’il mérite cette médaille d’or», a déclaré le médaillé d’argent. «J’ai fait tout ce qu’il était possible de faire pour gagner cette course, et je pense que chacun a fait de même en restant fidèle à l’intégrité du sport», a-t-il affirmé. Une complaisance étonnante lorsque l’on sait que Pan Zhanle a accusé Kyle Chalmers de l’avoir snobé en n’ayant pas répondu à ses salutations ces derniers jours.
Décryptage
Le ton est nettement plus accusateur du côté de l‘entraîneur américano-australien et ancien nageur, Brett Hawke. Ce dernier a carrément remis en cause l’intégrité de la performance réalisée mercredi soir à La Défense Arena. «Je suis en colère après cette course, pour plusieurs raisons», a égrené l’ancien sprinteur de 49 ans dans une vidéo postée sur son compte Instagram. «Ça n’est pas réel, vous ne pouvez pas battre un tel aréopage (Kyle Chalmers, David Popovici, Jack Alexy) comme ça, avec une longueur d’avance. Ça n’est pas humainement possible», a défendu l’entraîneur, en poste dans une université de Floride. «Mes amis, de Rowdy Gaines et Alex Popov à Gary Hall Jr et Anthony Irvin, en passant par “King” Kyle Chalmers, sont les nageurs les plus rapides de l’histoire», a-t-il ajouté, avant de conclure : «Je connais ces personnes intimement, je les ai observés depuis trente ans, j’ai étudié ce sport, le phénomène de la vitesse. Je suis un expert en la matière.»
La Chine se range derrière sa médaille d’or
Alors que la polémique prend de l’ampleur, Pan Zhanle s’est défendu : «L’année dernière, j’ai été contrôlé 29 fois et je n’ai jamais eu un contrôle positif. Entre mai et juillet, 21 fois, et je n’ai jamais reçu un contrôle positif. Aujourd’hui, j’ai eu deux contrôles, on verra le résultat.» La semaine dernière, la fédération internationale World Aquatics avait précisé que les nageurs chinois engagés à Paris avaient été testés «en moyenne 21 fois chacun depuis le 1er janvier», contre six fois pour les Américains, cinq pour les Italiens, quatre pour les Australiens, Britanniques et Français.
Selon un correspondant de l’AFP à Pékin, des internautes chinois ont dénoncé ce jeudi 1er août, ce qu’ils jugent comme du mépris de la part de certains observateurs et sportifs occidentaux. «Tous les étrangers qui doutaient de tes performances savent maintenant à quel point tu es exceptionnel !» a écrit un utilisateur du réseau social Weibo – l’équivalent de Twitter en Chine – à destination de Pan Zhanle. Un autre internaute s’enthousiasme : «On est comme la présentatrice en ce moment ! Pan Zhanle est tellement cool, il est absolument génial et incroyable !» Au cours de la retransmission de la finale à la télévision publique CCTV, la consultante Zhao Jing, ex-nageuse et championne du monde, avait crié à plusieurs reprises d’une voix aiguë le nom du nageur, avant d’exploser de joie au moment de sa victoire.