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Il aime se frotter à du jamais vu. Léon Marchand vise quatre médailles d’or individuelles à la natation aux JO ? Jamais un Français ne s’y est essayé. Il s’aligne sur 200m papillon et 200m brasse ? Jamais une olympiade n’avait vu un nageur (avec des chances sérieuses de gagner) inscrire un tel doublé dans son programme. D’autant que l’assemblage de ces deux épreuves est assez insolite. Les athlètes se concentrent d’ordinaire sur leur nage de prédilection ou optent pour le crawl («la base») et une autre nage. Il se trouve que l’ovni Marchand, lui, a des prédispositions pour la brasse et le papillon. Va pour ça. Sauf qu’en optant pour ce programme, le Toulousain mâtiné d’american spirit s’est mis dans une belle galère. S’aligner sur les deux courses l’oblige à disputer des séries, des demi-finales puis des finales, avec à chaque coup une petite heure d’intervalle pour souffler, mardi et mercredi 31 juillet, jour de ces finales (20h37 pour le 200m papillon et 22h30 pour le 200m brasse). Pour réussir, le nageur de 22 ans s’appuie sur deux armes fatales : ses coulées et sa récupération.
Profil
Ses impressionnantes ondulations sous l’eau sont devenues «la signature Marchand». Lors de sa finale victorieuse sur 400m 4 nages aux Mondiaux de Fukuoka, il y a un an, il avait bluffé tout le monde en poussant sa dernière coulée jusqu’à la limite autorisée des 15 mètres. A 14m77 très précisément. «Oh mon Dieu, il est toujours sous l’eau», s’exclamait la légende Michael Phelps, devenu commentateur pour la télé US. Rebelote dimanche à La Défense. «On a vu un Marchand sous l’eau pendant que les autres étaient en train de nager [en surface], observe Roxana Maracineanu, vice-championne olympique à Sydney et ancienne ministre des Sports. C’est le petit truc en plus qui fait tout, car sous l’eau, on avance beaucoup plus vite.»
«Ça se travaille depuis tout petit»
Marchand dispose des qualités naturelles nécessaires pour ces coulées, «une forme de souplesse, une élasticité, une musculature des segments et ça, c’est propre à chacun», analyse Nicolas Castel, son entraîneur à Toulouse. «Je sais que même si je m’étais entraîné toute ma vie, je ne serais jamais arrivé à faire pareil», confesse Alain Bernard, l’ancien nageur titré aux Jeux de Pékin.
Pour parvenir à maîtriser parfaitement cette technique, Marchand répète les mêmes gestes à chaque entraînement. «Ça se travaille depuis tout petit, puis ça s’entretient», estime Nicolas Castel. «C’est le fait d’être parfait techniquement dans toutes les nages qui lui permet, en plus, de travailler ses coulées», relève Roxana Maracineanu. Ces répétitions lui permettent aussi «d’être habitué à nager avec peu d’air, parce qu’en passant plus de temps sous l’eau, on s’oxygène moins».
«Ces courses laissent des traces»
L’autre source d’épate, c’est la capacité du champion olympique de dimanche à enchaîner les courses dans un temps record. Aux Mondiaux 2022, il lui aura fallu seulement 51 minutes pour décrocher l’argent sur 200m papillon, monter sur le podium, puis nager une deuxième course synonyme de qualification pour la finale du 200m 4 nages (qu’il a remportée). Etabli aux Etats-Unis depuis l’automne 2021, il s’est familiarisé avec le championnat universitaire américain et son rythme redoutable. «Ça t’entraîne à plonger toutes les dix minutes pour faire tes meilleures perfs, confirme Roxana Maracineanu. Et il l’a fait depuis trois ans sans vraiment s’user.»
Mais le défi de Paris est une première : «Il n’a jamais enchaîné autant de courses avec un si fort enjeu. Et ces courses laissent des traces dans le corps, il faut plusieurs heures, voire plusieurs jours pour récupérer», explique Alain Bernard. Pour perdre le moins de temps possible, Marchand file donc à sa récupération dès sa sortie du bassin. Si les détails de sa routine ne sont pas connus, on sait qu’elle comprend des prises de lactate régulières, ces prélèvements sanguins permettant de mesurer le niveau de fatigue musculaire. Surtout, on sait que son principal artisan s’appelle Bob Bowman, une sommité qui coache Marchand aux Etats-Unis. Les Jeux à cadence infernale, cet ancien mentor de Phelps connaît très bien. A Athènes ou Pékin, la légende avait nagé cinq épreuves individuelles. Avec, à une exception près, de l’or à la clé.