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Cyréna Samba-Mayela est restée longtemps seule par terre, derrière la ligne d’arrivée, en larmes. Déception d’avoir raté d’un malheureux centième la médaille d’or du 100 m haies, arrachée par l’Américaine Masai Russel ? Oh non ! Le soulagement d’abord, la joie ensuite, étaient énormes. «Cette médaille d’argent vaut de l’or, j’avais tellement de stress à évacuer, cette année a été tellement stressante !» L’athlète de 23 ans, exilée en Floride depuis l’automne 2023 pour préparer les Jeux et relancer sa carrière, a réussi son pari. Alors que le Covid était venu se mettre en travers de sa route en juin, lui faisant croire qu’elle avait «perdu [son] talent», que les séries et la demi-finale avaient été tout sauf rassurantes, et que le niveau de la finale était relevé comme jamais.
Elle a laissé tomber samedi soir les lunettes de soleil qu’elle portait en demie (une histoire de maquillage raté), offrant son regard perçant au public en fusion, qui voyait là sa dernière chance de vibrer en bleu, alors que Gabriel Tual venait de terminer sixième de la finale du 800 m. En rang d’oignons, que des femmes capables de lui tenir tête. Sur le côté, dans son couloir 1, punition de celle qui a le moins assuré en demi-finale, Samba-Mayela, ruban rouge dans sa longue chevelure détachée, part bien, mais elle n’accroît pas son avance. Le stade pousse. L’inquiétude monte – elle n’a pas montré en série qu’elle était capable de tenir la distance. Mais elle tient, à l’arrache, et franchit la ligne en même temps que l’Américaine. Son pied est devant, pas ses épaules. Ainsi en décidera la photo finish. Quand les résultats s’affichent sur le grand écran, Samba-Mayela s’effondre. A genoux sur la piste violette, il n’y a bientôt plus qu’un caméraman pour lui tourner autour.
«J’ai vraiment douté»
S’ensuivra le tour d’honneur le plus long de la semaine. «Je voulais profiter avec le public, les remercier, ils m’ont tellement portée pendant tous ces Jeux olympiques.» Celui qu’elle veut aussi remercier, c’est son nouveau coach, l’Irlandais John Coghlan. Elle lui tombe dans les bras en zone mixte. Lui qui en a pourtant vu d’autres – il entraîne aussi la championne olympique de Tokyo, Jasmine Camacho-Quinn, troisième derrière Samba-Mayela – est visiblement ému. «Tu le mérites, je suis tellement fier de toi, c’est juste le début. Pourquoi je n’aurais pas cru en toi ? Tu es un phénomène.»
L’euphorie à peine retombée, un jogging vite enfilé, la nouvelle vice-championne olympique revient sur cette année haute en rebondissements. «J’ai changé du tout au tout, aller aux Etats-Unis, c’était une autre culture, une autre langue, j’étais loin de ma famille… je suis tellement fière du chemin parcouru.» Outre sa nouvelle vie loin de Champigny-sur-Marne et de ses six frères et sœurs, Samba-Mayela a aussi vécu des montagnes russes après son titre européen de début juin, où elle avait déboulé au top niveau mondial. Ce fameux Covid, qui lui a coupé les jambes, l’a empêchée de participer aux championnats de France, de courir vite lors de ses derniers meetings d’avant-Jeux. «Je suis quelqu’un de très optimiste, mais là j’ai vraiment douté, je me suis fait les pires scénarios pour ces Jeux. Mais j’ai gardé le cap.»
«La prochaine fois, mon plan sera optimal»
Coghlan, toujours aussi enthousiaste : «Elle a fait beaucoup de sacrifices, elle est totalement sortie de sa zone de confort. Ce qui m’étonne, c’est à quel point elle comprend vite les choses, elle est capable d’appliquer tout de suite des changements. Vous n’imaginez pas tous les ajustements qu’elle a faits entre chaque course ici. Et avec l’immense pression qui reposait sur elle en plus, c’est juste incroyable.»
Avec le recul, toujours pas de déception en repensant à ce petit millième ? Coghlan esquisse une mimique de coach un peu frustré quand même. L’athlète préfère voir plus loin. «Je sais que je peux faire mieux parce que cette année n’a vraiment pas été parfaite. La prochaine fois, mon plan sera optimal et je n’aurai pas besoin de passer mon temps à m’adapter comme ça a été le cas avec ces Jeux.» La soirée se termine sur Dancing Queen. Un choix musical que n’aurait pas renié Romain Barras, le directeur de la haute performance de la Fédération, qui a bien failli se retrouver à défendre un zéro pointé au tableau des médailles.