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Ancien professeur d’EPS, Mickaël Romezy dirige aujourd’hui les programmes sport et sport de haut niveau (SHN) au sein de l’EM Lyon Business School, qui accueille dans ses rangs plusieurs centaines d’athlètes en cursus sports-études, dont treize déjà qualifiés pour les Jeux de Paris. A ses yeux, le sport français souffre d’un excès de formalisme et d’un déficit de moyens, deux raisons expliquant que chaque année des talents olympiques partent s’entraîner aux Etats-Unis.
Pourquoi des athlètes français choisissent de s’exiler aux Etats-Unis ? Quel est le problème ?
En France, il y a un problème culturel avec le sport, qui n’est pas une priorité. C’est une question de rapport au corps et aux savoirs. On valorise les matières savantes et les savoirs fondamentaux. On ne considère pas qu’un bon sportif peut être intelligent ou qu’un bon élève peut avoir envie (et les moyens) d’être un grand sportif. C’est tout le débat entre hard et soft skills que le monde de l’entreprise, lui, a très bien intégré depuis longtemps. Lier les deux domaines, performances intellectuelles et sportives, est un atout pour les recruteurs.
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Il y a une forme de discours d’apparat au sommet de l’Etat sur le sport et la performance, mais sans traduction concrète ou budgétaire à la hauteur. En réalité, éducation et sport de haut niveau ne sont pas connectés en France. Il y a des initiatives éparpillées, relevant souvent de la sphère privée, et tout reste fragile tant qu’on ne légifère pas. Il faut une vraie volonté politique pour pousser le sport de haut niveau. Un athlète qu’on prend dans une filière sports-études va être souvent absent pour des raisons de préparation à la compétition ou de stage en équipe de France. L’accompagnement personnalisé, l’adaptation, ça a un prix. Qu’on ne met pas en France, à part à l’Insep et dans quelques grandes écoles.
Il y a aussi le poids des différences de structures des deux côtés de l’Atlantique : des fédérations sportives et un centralisme marqué en France, contre des facs très indépendantes qui font des programmes sur mesure aux Etats-Unis…
L’antichambre du sport professionnel en France est en effet très formalisée. Ce sont l’Insep, les Creps et les pôles France et Espoirs, des endroits où on trouve encore pas mal d’entraîneurs qui demandent à leurs futurs champions de ne pas pousser trop loin leurs études. Quand un sportif parle d’un post-bac, la réponse c’est souvent : «Tu ne devrais pas, ça va t’empêcher d’atteindre ton meilleur niveau sur la piste.» Il y a ceux qui s’y plient, d’autres qui partent dans des structures françaises mais privées comme notre école et ceux qui tentent l’aventure américaine. Mais on voit de plus en plus d’académies privées pour le haut niveau, montées par des anciens sportifs, qui privilégient eux aussi des méthodes plus internationales.
Des «méthodes internationales» ça veut dire quoi concrètement ?
C’est une approche plus globale du sportif qui ne se limite pas à ses performances sur le terrain. En France, on dit que tout ce qui se passe ailleurs que sur la piste c’est du temps perdu. Aux Etats-Unis, pour tout le monde, c’est du temps gagné. Il y a une porosité entre la vie sportive et la vie tout court. Ici, les sportifs sont dans des sanctuaires – magnifiques certes mais fermés – alors qu’aux Etats-Unis, ils ont une vie dans la cité au sens large. Les universités assurent à la fois leur formation académique, leur offrent une réflexion sur le métier – parce que c’est un métier – de sportif de haut niveau, et comment exprimer son potentiel une fois que la page de la compétition est tournée. C’est le modèle que nous voulons mettre en place, un environnement plus riche et plus complexe.