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Avec un nom pareil, la victoire pourrait le reconnaître entre mille. Et lui tisser des lauriers à poser sur son bonnet de bain. David Popovici. Veni, vidi, vici. Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Mais avec sa nationalité, le voir hisser sa longue silhouette sur un plot de départ au centre du bassin, dans la ligne d’eau du favori, semblerait presque anachronique. Le jeune homme est roumain. En natation, un tel pedigree devrait plutôt le renvoyer faire trempette avec les recalés des séries. La Roumanie n’a jamais été une terre de nageurs. Les archivistes sont formels : un seul d’entre eux, Razvan Ionut Florea, a été médaillé olympique depuis les débuts des Jeux modernes. En bronze, sur 200 m dos, aux Jeux d’Athènes 2004.
Mais David Popovici est fait d’un bois différent de ses compatriotes. Les connaisseurs de la natation lui reconnaissent un talent inné, rencontré une fois ou deux par génération. Sa morphologie, d’abord. 1,90 m, 80 kilos en slip de bain. Une envergure mesurée à 2,05 m. Des mains de bateleur, des pieds longs comme des palmes. «Il est né pour nager vite», s’extasie le milieu.
Tour de force
Sa technique, également, fait l’admiration des puristes. L’ancien nageur australien Brett Hawke, entraîneur dans une université de Floride, le résume : «David a cette capacité à mettre la main dans l’eau pour se propulser vers l’avant. Sa glisse est naturelle. On pourrait le comparer à Stephen Curry sur la ligne des 3 points. Impossible à reproduire, même en essayant tous les jours. Il est vraiment spécial.»
A Bucarest, où il est né le 15 septembre 2004, la natation n’était pourtant pas inscrite dans ses gènes. Ses parents l’ont conduit pour la première fois à la piscine vers l’âge de 4 ans, sans la moindre intention d’en faire un champion olympique. Ils cherchaient plutôt une activité à peu de frais, capable de canaliser une énergie débordante, l’assommer de sommeil dès la fin du dîner et soigner un début de scoliose. Le gamin s’y prête avec entrain. Il se révèle doué. Premier record national à 10 ans, sur 50 m dos. Quatre ans plus tard, il brise la barre des 50 secondes au 100 m nage libre. Prodigieux.
«Je fais plus confiance au travail»
Depuis, David Popovici bouscule l’ordre établi sans jamais chercher à rouler des mécaniques. Avec ses traits creusés, son visage aussi impassible que s’il portait un masque, on le jurerait souffrant. Mais il gagne. Il triomphe. Veni, vedi, vici. Double champion du monde en 2022, sur 100 et 200 m, un tour de force plus réalisé depuis l’Américain Jim Montgomery en 1973.
L’année suivante, le Roumain repart des Mondiaux à Budapest les poches vides et le teint pâle. Pas une seule médaille. «Je vais me vider la tête, puis me remettre au boulot», glisse-t-il sans se chercher d’excuse. Le boulot, sa ligne de conduite en toutes circonstances. «Le talent, c’est bien, aime-t-il répondre à ceux, nombreux, qui voient en lui un modèle fait sur mesure pour la gagne. Mais je fais plus confiance au travail.»
«C’est simple mais si beau»
Ce lundi 29 juillet, la finale du 200 m nage libre a pris tout son temps avant de le désigner vainqueur d’une course à couper le souffle, où les trois médaillés se tiennent en sept centièmes. David Popovici l’emporte en 1′44″72, grâce à un toucher sur le mur d’arrivée à montrer comme un exemple dans les écoles de natation. Il devance le Britannique Matthew Richards (1′44″74) et l’Américain Luke Hobson (1′44″79). A 19 ans, il s’offre un premier titre olympique, qui ne sera sûrement pas le dernier.
Ses premiers mots ? A son image. Humble et en retenue. «Incroyable, a-t-il déclaré devant les médias. C’est génial d’être ici, avec autant de Roumains dans le public. Un rêve qui devient réalité. Je ne sais pas comment le décrire. C’est si simple, mais si beau.» Tout est dit.