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Elle a pris le pli depuis son arrivée au JO, de filmer sa routine dans le village olympique et la poster sur TikTok ; dimanche 4 août, voilà la sprinteuse Ebony Morrison à la polyclinique. Affublée d’un long maillot noir au nom du Libéria, elle s’est montrée en consultation de chiropraxie et d’orthopédie du centre de santé réservé aux athlètes et leur staff. «Les athlètes olympiques ont accès à des soins de santé gratuits pendant les Jeux !», écrit l’athlète américano-libérienne dans le post de sa vidéo. Profitons-en donc pleinement». Grand enthousiasme dans les commentaires.
Le montage vidéo d’Ebony Morrison n’est qu’un échantillon de l’offre de soins taillée pour les Jeux. La polyclinique a été calibrée pour accueillir 700 passages par jour, avec une longue liste de spécialités - comprenant autant de la kiné et espaces de récupération que de la cardiologie, la possibilité de passer des échographies et des IRM, jusqu’aux soins dentaires et ophtalmo. Le tout sans que les sportifs n’aient besoin de débourser un centime. A la grande surprise, donc, de certains jeunes athlètes. «Je viens de faire un frottis gratuitement, j’ai un rendez-vous chez le dentiste et un examen des yeux la semaine prochaine… mais quoi ?» s’est aussi émerveillée sur TikTok l’américaine Ariana Ramsey, rugbywoman médaillée de bronze.
Car l’égalité entre tous les sportifs se joue aussi sur le terrain de la santé. «L’accès aux soins fait partie des valeurs portées par l’olympisme. Tout est gratuit pour l’athlète», confirmait Florence Kania, directrice administrative de la polyclinique deux semaines avant son ouverture, le 18 juillet. Une simple continuité du système de santé à la française avec remboursement de la Sécurité sociale ?, comme le sous-entendent, un brin hautains, certains commentaires en réponse à l’athlète ébahie. Pas vraiment. Les polycliniques olympiques permettent historiquement aux sportifs d’être soignés sans débourser un centime de leur poche. Pas plus que la France. Les soins délivrés aux athlètes sont entièrement financés par Paris 2024 - ainsi que tout l’investissement nécessaire pour ouvrir le vaste établissement, géré par l’AP-HP, la structure qui chapeaute les hôpitaux publics franciliens. Ebony Morrison rappelle d’ailleurs qu’elle avait pu se faire dévitaliser une dent gratuitement aux JO de Tokyo.
20 à 30 % des athlètes sans staff médical
Il faut dire que la gratuité dénote par rapport aux Etats-Unis, où vivent les deux sportives. Là-bas, pas de système national assurant un minimum de prise en charge pour tous. Les assurances privées dominent. Aussi, en 2022, 26 millions d’Américains n’avaient aucune couverture santé ; parmi les assurés, des millions encore étaient soumis à des taux élevés de dépenses non prises en charge par rapport à leurs revenus. Dans le même temps, les prix des consultations sont exorbitants - cinq à sept fois plus qu’en France. L’exemple des soins dentaires : le prix moyen des traitements s’élève à 518 dollars, 163 pour un détartrage, selon une étude de Healthnews. Alors beaucoup d’Américains renoncent aux soins, ou s’endettent quand ils n’ont pas d’autre choix. On comprend l’opportunité aussitôt saisie par les deux athlètes.
«Aux Jeux Olympiques de Tokyo, on a vu beaucoup d’athlètes venant de pays défavorisés faire des bilans dans la polyclinique, parce qu’ils ne pouvaient pas le faire chez eux», racontait début juillet Philippe Le Van, le médecin en chef de Paris 2024. Rappelons que tous les athlètes n’ont pas de salaires mirobolants - beaucoup sont d’ailleurs dans des situations financières difficiles -, ou d’accès à un système de santé aussi fourni que dans les pays occidentaux. Voire ne disposent pas, dans leur délégation, d’un accompagnement médical. Le «Chief medical Officer» estime qu’entre 20 et 30 % des athlètes n’en ont pas. Ce taux grimpe à 60 voire 70 % pour les sportifs paralympiques. «Ceux qui en ont le plus besoin en ont le moins, regrettait alors le médecin du sport. On voit parfois des athlètes paralympiques avec des prothèses qui ne sont pas au niveau de celles des pays plus favorisés. Les Jeux peuvent être le moment d’une remise à niveau.»