Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement notre newsletter Libélympique tous les matins pendant les Jeux.
Dans l’eau, Léon Marchand ne peut compter que sur lui-même. Mais ses quatre médailles d’or glanées en six jours à Paris reposent aussi sur un système bien huilé. Trois piliers - ses parents, son préparateur mental et son illustre coach américain - formant une bulle autour du prodige pour qu’il n’ait à plus qu’à nager et à gagner. «Il y a beaucoup de personnes derrière moi, que j’ai envie de remercier », a salué Marchand vendredi soir après son quatrième sacre vendredi soir, braquant les lumières sur Céline et Xavier Marchand, Thomas Sammut et Bob Bowman.
«Tu es un nageur, Léon.» Un biopic sur Marchand aurait toutes les chances de débuter par cette phrase tant le destin du Français de 22 ans, fils des anciens nageurs internationaux Céline Bonnet et Xavier Marchand, semblait écrit à l’avance. À seulement 16 ans, Céline Bonnet a concouru aux Jeux de Barcelone en 1992 en 200 m 4 nages. De quoi avoir un paquet de recommandations et stratégies à transmettre à Léon. «On regarde à la fois comme parents et comme techniciens, même si c’est l’affectif qui prime», confiait-elle au Parisien en 2022, après le premier titre de champion du monde de son fils.
L’expérience de Marchand père
Le paternel a, lui aussi, de la bouteille olympique. Spécialiste du 200 m 4 nages lui aussi. Huitième aux Jeux d’Atlanta en 1996, septième à Sydney en 2000, Xavier Marchand a pris sa retraite après Athènes 2004. Léon avait deux ans. Marchand fils s’est toujours inspiré de l’expérience de Marchand père. En 2019, il narguait La Dépêche, le journal de sa région : «Mon père me prodigue beaucoup de conseils, malheureusement pour vous, ils resteront confidentiels…». À 22 ans, même champion, on reste l’enfant de ses parents : Céline et Xavier sont parmi les premiers que le champion appelle pour débriefer ses courses. Et cette semaine, ils font partie des rares à avoir eu le droit de lui rendre visite dans l’appartement où il loge, loin du village olympique mais près des bassins de La Défense.
La collaboration avec Thomas Sammut, son préparateur mental, a commencé il y a quatre ans. Par un coup de fil pendant le confinement de 2020. Quelques mois plus tôt, Marchand est monté sur son premier podium international, médaille de bronze du 400 m 4 nages aux Mondiaux juniors de 2019. Il traversait une «période délicate, se souvient Sammut. Il s’était mis la pression des résultats, il ne voulait pas décevoir et prouver que sa médaille n’était pas un coup de chance. Il allait aux entraînements avec la boule au ventre. Il m’a contacté parce qu’il savait que je bossais beaucoup avec de grands champions de la natation française.» Les Camille Lacourt, Florent Manaudou, Fabien Gilot et consorts. Sammut se souvient de la première question de Léon : «Est-ce que le haut niveau, c’est forcément avoir cette pression permanente ? ». Parce que si c’est ça, le très jeune nageur n’en veut pas.
La méthode Thomas Sammut
Thomas Sammut applique « sa » méthode, celle qu’il détaille dans son livre Les vingt-cinq règles d’or de la préparation mentale: allier bien-être et performance, faire en sorte que le nageur reprenne sa carrière en mains, qu’il «trace sa voie, ose mettre en place les choses dont il a envie». Et ça marche. Marchand reprend goût à la natation. Sammut de nouveau: «Léon s’est rendu compte que ce qui comptait avant tout pour lui, ce n’était pas la finalité de la médaille, mais tout ce que le sport peut lui permettre d’apprendre sur lui. La natation telle qu’il la pratique depuis 4 ans maintenant participe à son épanouissement, et c’est pour ça qu’aujourd’hui, il est aussi performant. Il n’a pas besoin de moi, mais j’essaye de l’accompagner sur le chemin du bonheur.»
Pas indispensable ? En tout cas, le nageur va répétant que Thomas Sammut «a changé [sa] vie». Et c’est dans les bras de son préparateur mental qu’on a vu tomber le champion juste après son sacre sur 400 m 4 nages dimanche soir même si, JO oblige, ils ont moins de temps pour se parler. Moins que les deux heures quotidiennes habituelles. Mais à Paris, ils échangent au moins une fois par jour, lors d’un appel en visio, ou par textos. Et lundi, seule journée «de pause» de Marchand dans sa semaine folle, les deux hommes ont pu grappiller un peu plus d’une heure pour faire le point, en face à face.
Si Léon Marchand a téléphoné à Thomas Sammut, c’est par mail qu’il a contacté Bob Bowman. Fin 2020, il cède aux sirènes des universités américaines, se prépare à quitter la piscine de son club toulousain, et approche plusieurs coachs. Quelle surprise de recevoir une réponse de celui qu’il admire le plus, l’illustre Bob Bowman, le mentor de Michael Phelps. Celui qui a façonné le nageur aux 28 médailles olympiques depuis son plus jeune âge. Bowman le prend dans son écurie. Le binôme entraîneur-nageur commence vite à tout rafler dans le championnat universitaire américain, puis aux championnats du monde et maintenant aux Jeux.
Bob Bowman, l’entraîneur qui l’a hissé vers les sommets
À Paris, l’Américain fait partie officiellement du staff de l’équipe de France de natation, lui qui chapeautait la délégation étatsunienne jusque-là. Les deux sont tellement inséparables que Marchand le suivra à la rentrée de l’Arizona au Texas où l’entraîneur vient d’être nommé. Habitué des épreuves à enchaîner jour après jour, Bowman est l’homme idéal pour superviser le marathon parisien du nageur bleu. Qu’il laisse cependant écrire son propre destin. Le quasi-sexagénaire au crâne chauve n’a pas fait mystère de ses réticences à l’idée d’un doublé 200m papillon/200m brasse mais il s’est laissé convaincre. S’attelant ensuite à bâtir tout le protocole autour de son protégé pour qu’il n’ait à se soucier de rien. Bowman est une tour de contrôle heureuse : Léon l’avion a bien décollé.