Il avait 23 ans. En avril 2019, Djamili-Dini Aboudou, alors quadruple champion de France en titre chez les super-lourds (+92 kilos), subit une blessure au bras la veille des Jeux européens, moment clé pour la sélection des JO de Tokyo. A quelques mois de la compétition, il laissait filer la concurrence, impuissant. «Je ne tarde pas sur ce genre d’événement, c’est la vie. Peut-être que si j’y étais allé, je me serais fait détruire», relativise-t-il aujourd’hui, mi-sérieux mi-blagueur. Cinq ans plus tard, et alors qu’il a gagné ce lundi 29 juillet en fin d’après-midi contre l’Algérien Mourad Kadi, ses sens sont affûtés, sa mobilité s’est perfectionnée et il détient désormais le record de titres de champion de France dans sa catégorie – six, glanés entre 2016 et 2022.
«Montrer aux gens que tout est possible», c’est ce qui rend heureux le boxeur qualifié pour Paris 2024, ses premiers Jeux olympiques, il y a deux mois. Et pas de n’importe quelle manière. En clôture du tournoi de qualification à Busto Arsizio, près de Milan, Djamili-Dini Aboudou a infligé une rouste au Canadien Alexis Barriere, coéquipier d’entraînement du Britannique Tyson Fury. Il explique son mantra, celui qui lui permet de relativiser : «Deux bras, deux jambes. C’est un humain, comme toi, comme nous.»
«Rapidité, mobilité et vigilance»
Après avoir essayé le football et le handball, il se met à la boxe avec les copains, à 12 ans. L’histoire sérieuse sur les rings commence à Coudekerque-Branche (Nord), sa ville. «Par hasard», assure-t-il, l’enfant étant plutôt calme. Mais la passion perdurera. Après trois ans dans les gants, il s’attaque à la compétition en amateur. Djamili-Dini Aboudou crève l’écran dans les catégories inférieures, remporte un, puis deux titres de champion de France junior. Avant de calquer sa réussite chez les professionnels, pour sa première année dans l’élite, en 2016. La première convocation en équipe de France sonne comme un tournant, une sélection qu’il accepte «sans hésiter», malgré des origines comoriennes. Il intègre l’Insep à 21 ans. Un déclic : «C’est là que je me suis dit qu’il fallait viser une carrière, regarder au long terme et puis rêver des Jeux olympiques.»
Et depuis, «Djam» balaie tout, d’un direct du droit ou d’un uppercut surpuissant. A chaque performance se conjuguent trois mots d’ordre, qu’il énumère : «Rapidité, mobilité et vigilance.» Trois mots qui selon lui le différencient des autres gaillards de sa catégorie. La balance indique 107 kilos pour le boxeur tricolore de 28 ans et son 1,81 m. Comme s’il était un «poids léger» parmi les super-lourds. «Je boxais souvent avec des plus légers et ça m’a sûrement appris à être plus rapide. Dans ma catégorie, ce ne sont pas des profils comme moi qui excellent», analyse-t-il. Pour son style de combat, il apprécie Tyson Fury.
«Pas griller d’étapes»
Pour l’état d’esprit, il cite en revanche le boxeur mexicain Canelo et le footballeur portugais Cristiano Ronaldo. Le nordiste décrit les deux stars avec un terme : «Discipline.» Chaque moment de sa journée est programmé, répété quotidiennement. «Pesée, entraînements : matin, après-midi, soir, voyages à l’étranger… C’est un mode de vie. Il faut tenir car sinon, c’est sûr le ring que tu vas le payer.» La nuit tombée, Djamili-Dini Aboudou récupère, alterne entre bain d’eau froide, d’eau chaude et cryothérapie, avant de se coucher vers 22 heures ou 23 heures. Il ne regarde qu’en différé le matin les combats de MMA, en résumé, car même cette passion qui se déroule la nuit ne doit pas briser son rythme de sommeil. «Le repos, le repos et le repos, rabâche-t-il. Il n’y a que ça et ma vie de famille. J’aime bien être coupé de la boxe. Mais jamais à 100 %.» Surtout en période de préparation olympique.
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On le rencontre avant les Jeux. Il règle les derniers détails, comme ne pas avoir d’états d’âme. Djamili-Dini Aboudou cite une qualité qui peut être un défaut dans un sport de combat : «La gentillesse. Avant j’étais moins agressif. Maintenant, je suis plus méchant et percutant. Grâce à ça, je gagne plus facilement mes combats. C’est un gros travail depuis plusieurs années. J’ai mis l’accent sur le débit de mes coups et sur l’aspect physique. Je pense que cela va m’aider à performer aux JO.» Avant son départ pour des stages de préparation en Thaïlande, en Espagne, à l’Insep puis à Vittel (Vosges), on le voyait à l’issue d’une journée média, à Roland-Garros. «Il ne faut pas griller d’étapes, prévenait le super-lourd. C’est uniquement le dernier carré qui se déroule [à Roland-Garros]. Mais ça me motive pour les atteindre, avec une médaille à la clé.» Il ne pense qu’aux Jeux. Il conclut : «J’espère surtout que Paris 2024 m’ouvrira des portes. En tant que Français, il ne fallait pas rater ça.»