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JO de Paris 2024 : Emmanuel Macron se félicite du relogement de «200 grands marginaux», les associations ulcérées

JO Paris 2024dossier
Lors d’une réception à l’Elysée ce lundi 12 août, le Président a affirmé que les JO ont montré «le vrai visage de la France». Selon un décompte du collectif interassociatif «Le revers de la médaille», plus de 12 500 personnes ont pourtant été expulsées d’avril 2023 à mai 2024, en prévision de la compétition.
Les forces de l'ordre évacuent un campement place de la Bastille à Paris, le 7 aout. (Stéphane Lagoutte/Myop pour Libération)
publié le 12 août 2024 à 21h04
(mis à jour le 13 août 2024 à 12h19)

«Nous avons réussi l’héritage social des JO», s’est flatté ce lundi 12 août Emmanuel Macron, lors d’une réception dans les jardins de l’Elysée pour remercier les professionnels mobilisés pendant les JO. «Plus de 200 grands marginaux qui étaient à la rue aux abords des sites d’épreuves ont désormais, de manière pérenne, un toit», a-t-il notamment détaillé, louant au passage le «formidable travail humain» de la préfecture d’Ile-de-France et de la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl). Lors de ce discours, le Président a estimé que les Jeux de Paris ont permis de montrer «le vrai visage de la France».

«Le gouvernement ose se vanter», s’étrangle ce lundi 12 août auprès de Libération une représentante de l’association Utopia 56, qui aide les personnes exilées et les personnes à la rue. «Hier encore, on a accueilli 98 personnes, dont 27 enfants, dans un de nos lieux d’hébergement à Paris. Pendant les Jeux, des jeunes ont dû se cacher et ne pas aller aux distributions alimentaires par peur de contrôles de police».

Le 6 août, un campement installé par l’association Droit au logement (DAL) comprenant des familles et des jeunes mineurs isolés a par exemple été dispersé par les forces de l’ordre, leurs tentes saisies. Comme le détaille Mediapart, ces personnes ont dû attendre le lendemain après-midi pour se voir offrir une solution de mise à l’abri.

«Cacher la misère aux yeux du monde»

«Comme pour les précédentes éditions des JO, Paris 2024 a mis de côté tous les gens qui n’entrent pas dans la carte postale», a pour sa part regretté Antoine de Clerck, membre de Refugee Food, auprès de France 3. «En septembre, on arrivera probablement à un bilan de 15 000 personnes expulsées pendant les Jeux», a-t-il chiffré.

Le collectif interassociations «Le revers de la médaille» dénonce depuis plusieurs mois un «nettoyage social», destiné à invisibiliser les personnes à la rue et «cacher la misère aux yeux du monde». Dans un décompte réalisé d’avril 2023 à mai 2024, le groupe associatif rapportait que «plus de 12 500 personnes ont été expulsées au cours de 138 opérations».

Le collectif rappelle qu’à «l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques, seules 216 places d’hébergement pérennes ont été créées pour les personnes sans-abri isolées installées durablement à proximité́ immédiate des sites olympiques, alors que plus de 3 500 personnes [décompte dans le cadre de la 7e édition de la Nuit de la Solidarité à Paris en janvier 2024, ndlr] dorment dehors chaque nuit dans la capitale». Le chiffre est en augmentation de 16 % par rapport à l’année précédente.

Les 200 «grands marginaux» évoqués ce lundi par Emmanuel Macron sont principalement des hommes âgés de 40 à 60 ans, «parfois à la rue depuis une trentaine d’années», détaille auprès de Libé la préfecture de région. Ils bénéficient des 216 places évoquées par Utopia 56 : des petits studios avec d’une pièce à vivre, une kitchenette et une salle de bain. En amont de la compétition, 400 «grands marginaux» avaient été recensés près des sites olympiques. Impossible pour l’Etat de «laisser ces personnes sur ces lieux, pour des questions de sécurité», assure la préfecture francilienne.

En tout, 252 personnes ont été prises en charge et bénéficient d’accompagnements médico-sociaux avec les associations ; 170 ont refusé une mise à l’abri, d’après les chiffres de la représentation de l’Etat en région parisienne. Certaines, en situation de dépendance vis-à-vis de la drogue, se sont vues réorientées vers le dispositif Assore (Accompagnement social et aux soins, orientation réinsertion ensemble), qui offre un hébergement en hôtel et un accompagnement social. D’autres ont été orientées vers des pensions de famille, qui permettent de bénéficier d’un logement privatif, d’activités et d’espaces communs.

La préfecture nie aussi bien le «nettoyage social» que les accusations d’invisibilisation de la misère et affirme qu’à l’issue des Jeux paralympiques, aucune des personnes qui bénéficient de cette prise en charge ne sera remise à la rue. En revanche, elles peuvent, si elles le souhaitent, quitter les lieux.

Face aux «200 places» mises en avant par Emmanuel Macron, le collectif interassociatif «Le revers de la médaille» a pour sa part fait remarquer qu’«il en reste maintenant 19 800 à faire pour tous les autres encore à la rue en France». En juillet 2017, Emmanuel Macron avait déclaré ne plus vouloir «d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues».