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Revers

JO de Paris 2024 : en handball, l’équipe de France passe un sale quart face à l’Allemagne

Dans un match de quart de finale irrespirable ce mercredi 7 août, les Bleus sont passés tout près de l’exploit. Longtemps, ils ont dominé avant de laisser leurs adversaires égaliser à cinq secondes de la fin et perdre aux prolongations.

Le handballeur Nikola Karabatic quitte le terrain du stade Pierre-Mauroy, à Villenuve-d'Ascq, après l'élimination en quart de finale du tournoi olympique face à l'Allemagne, le 7 août 2024. (Bernadett Szabo/REUTERS)
Publié le 07/08/2024 à 19h37

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Comment saborder un miracle ? La France n’aurait sans doute jamais dû gagner son quart contre l’Allemagne ce mercredi 7 août. Aussi vrai qu’elle n’aurait, à l’inverse, jamais dû perdre. Pas avec un but d’avance à six secondes du terme et la balle dans les mains. Pour expliciter le paradoxe, deux décisions proches de l’irrationnel. A 59 minutes et 54 secondes précises, moment est alors choisi par le sélectionneur Guillaume Gille pour regarder la table de marque et prendre un temps mort. Rassembler ses troupes. Mettre en place un système simple pour conserver le ballon, alors que le bon sens commandait sûrement de laisser vivre le jeu encore quelques secondes, et mourir les Allemands.

Las. Reprise. Une défense allemande réorganisée. Sous pression, Dika Mem voit sa passe vers Elohim Prandi se manger un bras allemand. Derrière, l’égalisation adverse au buzzer. «Honnêtement c’était clair net et précis, j’étais tout seul, Dika m’a vu. C’est la faute à pas de chance», raconte à chaud Prandi, qui s’y connaît bien en matière de miracle pour en avoir réalisé un contre la Suède en demi-finale de l’Euro cette année.

Duel à mort entre miraculés

Guillaume Gille, rétrospectivement, sur le temps mort, l’esprit encore embrumé : «On ne sait jamais. Si tu ne prends pas le temps mort, l’équipe en face n’a pas le temps de s’organiser. Et si en même temps, il y a une perte de balle qui arrive, on te reprochera de ne pas l’avoir pris.» Comme Prandi, Valentin Porte ne désavoue pas son coach. «A ce moment-là, on ne sait pas trop où on va, on les voit monter. C’est pas plus mal de mettre quelque chose en place, somme toute habituel. On a souvent des ballons comme ça à jouer», recadre l’ailier droit, qui vient de vivre son ultime match international. «Après, je vois pas très bien, j’ai l’impression qu’elle reste collée dans la main de Dika. Un petit problème technique qui arrive rarement. C’est arrivé ce soir…»

Revenus des enfers, les Allemands ne se sont pas laissés prier dans une prolongation aux allures de duel à mort entre miraculés, sautant à la gorge de Tricolores encore sonnés par une tournure qu’ils n’avaient jamais vécue, pour une défaite finale, 35-34. Même Nikola Karabatic, 40 piges, s’était laissé emporter dans l’euphorie. «Il y avait 99 % de chances qu’on gagne. Et il y avait ce 1 %», souffle-t-il dans les coursives du stade un peu plus tard.

Et qu’il fait mal : les Bleus ne conserveront pas leur couronne acquise à Tokyo, et Guillaume Gille aura certainement des comptes à rendre, une fois digérée, si possible soit-il, cette défaite à classer fissa parmi les plus rudes qu’ait pu connaître le handball français. Un revers aux airs de faute professionnelle, aux conséquences impitoyables, réduisant à néant deux partitions magistrales. Celle de Dika Mem, devenu l’antihéros d’une rencontre qu’il aura survolée, comme les précédentes. L’arrière droit de 26 ans a catapulté 10 buts dans les fils d’Andreas Wolff, dont l’un dans la dernière minute du temps réglementaire que les 27 000 spectateurs retournés de Pierre-Mauroy, à Villeneuve-d’Ascq, crurent qu’il était le bon. Et puis, l’énième match colossal de Vincent Gérard. Souvent vilipendé pour son irrégularité, le divin chauve avait bel et bien laissé érigées les fortifications. Hautes et rigides comme jamais : 24 arrêts sur 57, à croire qu’il possédait quatre bras et quatre jambes. Sans eux, l’affaire était pliée depuis longtemps.

Litanie de mauvais choix

Tout du long, cette rencontre fut une litanie de mauvais choix pour Gille, restreignant certaines rotations à la portion congrue, alors qu’il eut fallu enfin faire confiance à Aymeric Minne ou Nicolas Tournat, tous deux capables de fulgurances or toujours cantonnés au rôle de dépanneurs sur du court terme. Des prises de risque minimum, qui vont de pair avec une incapacité chronique à imposer des choix forts. Celui de laisser sur le banc un Nedim Remili dont on eut vite compris dès les dix premières minutes qu’il allait de nouveau galérer. Au-delà du match, celui de déclasser un Nikola Karabatic qui a traversé la compétition comme un fantôme, au cours du tournoi. Le monument a démarré sur le banc, mais c’est parce que lui l’a décidé et soumis à son coach.

Pour l’arrière gauche, qui se voyait bien baisser définitivement pavillon le 11 août, c’est une funeste claque de fin. Karabatic, célébré par tous au centre du stade après 1 303 sélections, n’avait connu qu’une fois pareille désillusion précoce : en 2004, à Athènes, lorsqu’il découvrait encore le monde avec les Bleus. Il le quitte à Lille. Avec le sourire, au moins. «Maintenant, je vais vivre.»