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JO de Paris 2024 : en natation artistique, des Bleues inspirées voltigent jusqu’à la quatrième place

JO Paris 2024dossier
Après leur virée dans l’espace lundi, leur ode aux femmes mardi, les nageuses synchronisées françaises ont rendu hommage au French cancan mercredi 7 août. Toutes épreuves cumulées, les tricolores s’emparent de la quatrième place, à quelques points du podium.
Pour son programme libre, l’équipe de France s’est produite sur Mesdames de Grand Corps Malade. Du slam féministe en français, dont aucun des juges, tous étrangers, ne pouvait saisir le sens. (Lee Jin-man/AP)
publié le 7 août 2024 à 23h01

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Samedi dernier, lors de son passage au Club France, la coach des tricolores de la natation artistique, Julie Fabre, affichait la couleur. L’objectif ? «Etre parmi les équipes les plus surprenantes» de la compétition olympique. Que ce soit dans les gestes, avec une chorégraphie signée Mourad Merzouki, ou les costumes, dont d’intrigants bonnets aux visages peints. «Dans chacune de nos chorégraphies, on s’est attelé à ce qu’il y ait un lien avec notre pays», ajoutait-elle. Mercredi 7 août au soir, à l’issue du dernier ballet sur les trois qu’elles ont enchaîné dans leur course à la médaille, les nageuses artistiques françaises n’avaient qu’un mot à la bouche : «fierté». Fières du résultat : elles accrochent une belle quatrième place, à quelques points du podium. Et fières de leur prestation face à un public tricolore endiablé au Centre aquatique olympique (CAO) de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

C’est à bord d’une fusée que les Bleues sont entrées en lice. Maillots et bonnets de bain en forme de clins d’œil aux combinaisons spatiales, musique robotique, les nageuses ont lancé lundi leurs Jeux et leur voltigeuse Eve Planeix dans les étoiles. Trois minutes inspirées par leurs échanges avec l’astronaute Thomas Pesquet, qu’elles ont rencontré il y a deux ans à l’Insep, où elles s’entraînent. L’accent était mis sur les changements de rythme, dans un ballet découpé en trois étapes que sont le décollage, la lévitation en apesanteur et l’atterrissage. Durant cette virée dans l’espace, les nageuses auront surtout passé leur temps la tête à l’envers, à enchaîner jeux de jambes et autres figures en grand écart : c’est là qu’on grappille le plus de points de difficulté. Parfois, elles n’avaient juste pas le choix : dans le programme technique, certains éléments sont imposés à toutes les équipes. D’ailleurs, profitant d’être pieds en l’air et têtes sous l’eau, leurs adversaires américaines ont rendu hommage à Michael Jackson, évoluant sur son Smooth Criminal et exécutant savamment un moonwalk à l’envers comme on n’en avait jamais vu.

Slam féministe

Mardi, ce sont les paroles d’un kid de Seine-Saint-Denis qui ont résonné dans le CAO. Pour son programme libre, une épreuve axée en premier lieu sur la recherche chorégraphique, l’équipe de France s’est produite sur Mesdames de Grand Corps Malade. Audacieux, voire périlleux. Du slam féministe en français, dont aucun des juges, tous étrangers, ne pouvait saisir le sens. Une ode aux femmes qui avait aussi de quoi déstabiliser le public, qui n’apercevait non plus huit mais seize nageuses dans le bassin. Par la grâce de bonnets innovants, surmontés de visages, que portaient les Françaises devenues naïades à deux têtes.

Un ballet gardé jusque-là secret et qui ne sera jamais présenté de nouveau. Le tout pensé par Mourad Merzouki, qui a initié les nageuses artistiques au hip-hop et au krump. Tout est conçu pour frapper un grand coup. Des coups, elles en ont donné aussi, cognant dans le vide, levant les poings et jouant des coudes. Comme pour s’approprier les mots du slammeur. «Si j’apprécie des deux yeux quand tu balances ton corps, j’applaudis aussi des deux mains quand tu balances ton porc.»

Changement d’ambiance musicale mercredi, avec un programme acrobatique célébrant… le French cancan. Sur le Galop infernal d’Orphée aux Enfers, un air d’opérette emblématique des cabarets français, les Bleues ont balancé leurs jambes façon Moulin Rouge dès leur entrée en scène, avant de répéter les mêmes battements une fois plongées dans l’eau. Au bout du ballet, toujours vêtue de son maillot à strass bleu blanc rouge, gélatine mêlée à des paillettes roses sur le crâne (la mixture utilisée pour maintenir leur coiffure bien en place), la capitaine Ambre Esnault dévoile un dernier secret : «Sur la musique, on a enregistré nos voix, on pousse des petits cris. Pour des Jeux à Paris, il fallait forcément qu’on mette notre petite touche.»

Un résultat historique

Au milieu du bassin, les acrobaties se sont succédé. Tantôt des vrilles, tantôt des portés plus statiques à base de souplesses. Pour leur ultime apparition, les Françaises ont tenté le tout pour le tout avec la carte de difficulté la plus élevée et ont même ajouté de nouveaux éléments au dernier moment. «Comme notre troisième porté où il y a un équilibre main-main, très risqué à cause de la rotation à 180 degrés, qu’on a commencé à travailler ce matin», décrypte Ambre Esnault.

Sixièmes lundi après la routine technique, septièmes mardi après le programme libre, troisièmes mercredi sur l’épreuve acrobatique, les tricolores s’emparent de la quatrième place au classement final. Un résultat historique pour ce retour dans le grand bain. Plus aucune équipe de France n’avait concouru par équipe depuis les Jeux de Sydney en 2000, où la triple championne du monde Virginie Dedieu et ses coéquipières avaient déjà fini en chocolat. Le collectif version 2024 fait même mieux que son entraîneuse Julie Fabre, cinquième avec son équipe à Atlanta en 1996. En l’absence des Russes qui collectionnent toutes les médailles depuis vingt ans, les Françaises se savaient capables d’aller chercher leur place. Le format de compétition remodelé, avec l’introduction de l’épreuve acrobatique et la réforme du mode d’évaluation, achevait d’ouvrir le jeu. Pas assez pour empêcher les favorites chinoises, américaines et espagnoles de truster le haut du classement. Elles terminent sur le podium dans cet ordre. Il aura manqué quinze petits points aux Françaises pour décrocher le bronze.