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Pollution

JO de Paris 2024 : «En pénétrant dans l’eau de la Seine, les rayons du soleil éliminent une partie de la charge bactérienne»

JO Paris 2024dossier
Marc Valmassoni, en charge du programme Eau et Santé pour l’ONG environnementale Surfrider Foundation, détaille les raisons pour lesquelles la pluie et le soleil impactent la qualité de la Seine et peuvent perturber les épreuves de triathlon.
Si les bassins de rétention viennent à déborder, les eaux ne sont plus traitées et de l’eau potentiellement contaminée, notamment avec de la matière fécale, se retrouve dans la Seine. (Kai Pfaffenbach/Reuters)
publié le 29 juillet 2024 à 14h37

Nagera, nagera pas ? En raison des pluies tombées vendredi et samedi à Paris ayant pollué l’eau de la Seine, les organisateurs des JO ont dû renoncer ce lundi 29 juillet à autoriser l’entraînement de triathlon prévu dans la matinée dans le fleuve. Alors que l’épreuve masculine – la première des JO qui doit se tenir dans la Seine – doit débuter mardi à 8 heures, les organisateurs restent «confiants» sur la tenue des compétitions mardi et mercredi, ont-ils affirmé. Et ce «compte tenu des prévisions météorologiques pour les prochaines 36 heures». «Comme observé en juillet, avec les conditions estivales (plus d’ensoleillement, températures plus élevées, absence prolongée de pluie), la qualité de l’eau de la Seine s’est améliorée de manière significative», ont-ils ajouté.

Pour Libération, Marc Valmassoni, en charge du programme Eau et Santé pour l’ONG environnementale Surfrider Foundation, explique l’incidence de la météo sur la qualité de l’eau de la Seine et revient sur les raisons de sa pollution.

Pourquoi les pluies tombées le week-end dernier ont-elles souillé la Seine ?

Ces événements pluvieux contribuent très largement à la mauvaise qualité de la Seine. Les précipitations importantes tombées sur Paris et l’ensemble du bassin-versant, notamment pendant la cérémonie des JO, ont pu entraîner beaucoup de ruissellements qui ont lessivé les trottoirs et les chaussées. Les stations d’épuration collectent une partie de ces eaux usées. Si beaucoup d’eau est tombée sur les toitures et au niveau des maisons, certaines stations ont pu être saturées. Dans ce cas, elles ne peuvent donc plus traiter les eaux usées et rejettent directement des eaux non traitées dans l’environnement, ce qui peut être un facteur de contamination. Si les bassins de rétention viennent à déborder, les eaux ne sont plus traitées également. La question se pose pour celui d’Austerlitz [pièce maîtresse de l’arsenal antipollution des JO, inauguré en mai par la maire de Paris Anne Hidalgo, ndlr] : a-t-il débordé ou au contraire, a-t-il joué son rôle de collecteur des eaux pluviales de Paris ? Dans tous les cas, avec ces stocks qui ne sont pas forcément bien contenus, beaucoup d’eau potentiellement contaminée, notamment avec de la matière fécale, se retrouve dans la Seine. Cette eau peut engendrer des maladies et donc avoir un impact sur la tenue des épreuves.

En quoi les conditions estivales pourraient-elles améliorer la qualité de l’eau ?

Le facteur le plus important est la pluviométrie et le débit de la Seine. Lorsque les conditions sont estivales, il n’y a pas de débordements. Les débits d’eau sont alors normaux et conformes à la réglementation, et un débit moindre témoigne d’un apport moins important en bactériologie. Les eaux de baignade sont donc plus propres pour la tenue des JO, avec un risque sanitaire écarté. Il y a aussi un facteur turbidité [mesure l’aspect plus ou moins trouble de l’eau, ndlr] : l’été, l’eau est plus claire, moins chargée en matières organiques, donc le soleil et les rayons UV peuvent y pénétrer plus profondément et éliminer une partie de la charge bactérienne superficielle de l’eau. Mais ce «taux d’abattement» est à relativiser, car il s’agit des bactéries en surface, sur les premiers centimètres. Concernant la température élevée, aucune étude ne stipule à ce jour que la chaleur peut avoir un impact sur la dégradation de la charge bactérienne.

La qualité de l’eau pourra-t-elle être suffisante pour démarrer le triathlon dès demain, mardi 30 juillet ?

En théorie, un retour à la normale avec une eau présentant une concentration de bactéries en dessous des seuils préconisés par les fédérations de natation et de triathlon (1000 npp /100 ml en E. coli et 400 npp /100 ml en entérocoques) intervient entre 24 et 72 heures après les précipitations. Mais cela est très difficile à prévoir, et il n’y a aucune certitude pour l’instant. Il faut attendre le prélèvement de la mairie de Paris de mardi matin, qui sera effectué juste avant la tenue de l’épreuve pour en avoir le cœur net. Tout ce qu’on peut demander, c’est de la transparence. Si l’épreuve est maintenue, le comité organisateur devrait selon moi publier le résultat des prélèvements en amont de sa tenue. Autrement, cela pourrait alimenter les rumeurs.