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Pas la moindre de ses prouesses. Armand «Mondo» Duplantis a transformé un exercice d’une grande complexité, le saut à la perche, en une activité simple et facile à comprendre. Avant lui, déchiffrer la feuille de résultat d’un concours olympique exigeait des trésors de patience. Il fallait retrouver son chemin entre les impasses des uns, les montées de barre des autres, la stratégie des plus malins, l’obstination des moins fortunés. Pas gagné. Mais au Stade de France, lundi 5 août, le Suédois élevé en Louisiane a fait simple. Il s’est mis à la place des néophytes de la perche. Et, sympa, leur a composé une finale où personne n’a pu dire qu’il n’avait pas tout compris. Premier essai à 5,70 m, histoire de se mettre en jambes et de tromper l’ennui. Réussi. Fastoche. Deuxième tentative à 5,85 m. Réussie. Toujours aussi fastoche. Troisième saut à 5,95 m. Réussi, naturellement. Son quatrième saut, à 6 m, lui a assuré la médaille d’or.
L’Américain Sam Kendricks ayant rendu les armes à cette hauteur, le Suédois a raflé la victoire et son deuxième titre olympique en seulement quatre sauts. A peine une minute d’effort, et encore, en comptant large. Prodigieux. Jamais, dans l’histoire de la discipline, un athlète n’avait pu rendre une feuille de stats avec un nombre aussi réduit de chiffres. Quatre barres, toutes effacées au premier essai, sans même en effleurer une seule. Le saut à la perche en version minimaliste. Pas un seul déchet à glisser dans le bac à recyclage.
L’histoire aurait pu en rester là. Mais Mondo Duplantis n’est pas homme à laisser le public sur sa faim, surtout dans un Stade de France chauffé depuis le début de la soirée par les décibels d’une playlist gentiment hétéroclite. Surprise, il a demandé 6,10 m. Sans raison évidente, sinon celle de mettre une claque au record olympique, de 6,03 m, établi par le Brésilien Thiago Braz aux Jeux de Rio 2016. Un premier saut. Réussi, évidemment. Bingo.
Encore une fois, le Suédois aurait pu mettre les pouces, plier les gaules, puis se couvrir les épaules d’un drapeau jaune et bleu pour un tour d’honneur devant un public chaviré de bonheur. Mais, plus encore que la victoire, il aime le défi. Avec une préférence très marquée pour le record du monde. Armand Duplantis a demandé une barre à 6,25 m, soit un centimètre au-dessus de la marque réussie en avril dernier à Xiamen, en Chine. Et là, stupeur et tremblements, il a échoué. A 22 h 01, trois heures après le début du concours, Armand «Mondo» Duplantis a fait tomber une barre de ses taquets. A peine croyable. Un événement, un vrai, dont les 69 000 spectateurs pourront raconter en roulant des mécaniques qu’ils en ont été témoins. Deuxième échec à sa deuxième tentative.
Mais la troisième a été la bonne. 6,25 m. Record du monde. Le neuvième de sa jeune carrière, en salle et en plein air. En quatre ans et quelques mois, le Suédois lui a ajouté huit centimètres. Un homme, un seul, peut se vanter d’un tel gain mais en un temps plus réduit : Sergueï Bubka. Mais l’Ukrainien n’a décroché qu’un seul titre olympique. Avec celui de lundi soir, Duplantis en est déjà à deux, à seulement 24 ans. Autre prouesse, elle aussi unique en son genre : le Suédois a devancé l’Américain Sam Kendricks, médaillé d’argent, de trente centimètres. L’écart le plus large de l’histoire aux Jeux olympiques.
Encore dans ses nuages, Armand Duplantis l’a confié à sa sortie de la piste : «Qu’est-ce que je peux dire ? Je viens de battre un record du monde aux Jeux olympiques, la plus grande réussite possible pour un perchiste. Depuis tout gamin, je rêve d’un truc pareil. Et je l’ai fait ce soir devant le public le plus insensé que j’ai connu.» Puis il a annoncé la couleur : le reste de la nuit s’annonce sur le même ton. «Je vais faire une fête de dingue. Il n’y aura pas beaucoup de sommeil.» Le Mondo show. Simple mais inoubliable.