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L’aîné, Alexis, debout sur la table, les bras tendus, célébrant sa victoire. Le cadet Félix, sonné et prostré, pleurant sa défaite. L’hubris contre la résilience. C’était à Montpellier, chez eux, en finale du championnat de France de ping-pong. Une image forte d’un duo de frangins qui ont sorti leur sport de la torpeur dans laquelle il sommeillait depuis la médaille de bronze olympique de Jean-Philippe Gatien et Patrick Chila en 2000. Et un symbole : si Félix Lebrun, 17 ans, n°5 mondial (premier non-Chinois au classement), est a priori plus susceptible de claquer une énorme perf en simple à Paris, il n’a jamais réussi à battre Alexis, 20 ans, n°16 mondial, en compétition. Ainsi fonctionnent les jumeaux pas jumeaux Lebrun, dont la ressemblance s’estompe désormais alors que l’un entre dans l’âge adulte, quand l’autre traîne encore un peu dans l’adolescence.
Portrait
Personne n’avait vu débouler Alexis et Félix Lebrun. Pas même leur oncle, Christophe Legoût, pourtant pas le perdreau de l’année en matière de ping, ancien joueur de haut niveau et directeur sportif à la Fédération française. «En 2021, j’ai voulu jouer contre eux, même si ça faisait un moment que je ne jouais plus en pro. Je voulais me rendre compte de leur progression, a-t-il raconté à l’AFP. Félix était encore petit, sa balle n’était pas très puissante. J’ai fait trois sets contre lui… Impossible de gagner. Contre Alexis, ça avait été un calvaire. A l’époque, c’était encore Alexis le plus fort, parce qu’il était bien plus costaud, plus puissant. Aujourd’hui c’est Félix, par son classement et sa régularité, sa solidité. Mais Alexis est redoutable, il a d’ailleurs montré qu’il pouvait battre le n°1 mondial l’an passé [Fan Zhendong, ndlr].»
Enfants, dans une famille immergée dans le ping-pong, ils passaient leurs journées à jouer. «Parfois de la mauvaise main, d’autres fois en changeant de raquette. En fait, pour eux-mêmes pendant les matchs, c’est d’abord un jeu, s’émerveille le tonton. C’est ce qui fait la différence par rapport aux autres, pour qui ça devient vite un métier. Eux, ils ont tout le temps envie de s’amuser, d’en découdre, mais pour le plaisir. Quelque part, c’est leur force.»
Ring et porte-plume
Les deux frères ne sont pas pour autant des copiés-collés. Alexis est plus costaud, plus massif ; Félix plus mince et plus souple. Des particularités qui influent sur leur jeu. «Alexis est vraiment dans le combat, comme s’il était sur un ring, analyse Legoût. Il est plus puissant, plus agressif. Il court partout, il va hyper vite. Il met son adversaire sous pression en permanence.»
Félix, lui, avec sa prise porte-plume, se caractérise par plus de vivacité et de vélocité. Et par un œil qui impressionne Legoût : «On a l’impression qu’il sait tout le temps où l’autre va jouer, il a une capacité d’anticipation folle. Il lit très bien les effets, ce qui est la composante principale du ping, et comme il est aussi très rapide, il donne très peu de points à l’adversaire.»
Et loin de la table ? C’est leur père, Stéphane qui a dressé leur portrait. Il souligne la «capacité à rebondir» après les échecs et «la force dans l’adversité» d’Alexis, qui se dit lui-même «chambreur et déconneur». Et Félix ? Le paternel est admiratif : «Il est d’une rare persévérance. Tant qu’il n’y arrive pas, il refait. Il est hors norme.»