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Dans le mille

JO de Paris 2024 : en tir à l’arc, Lisa Barbelin, médaillée de bronze portée par le vent de l’histoire

JO Paris 2024dossier
Devenue samedi 3 août la première Française médaillée olympique en individuel de sa discipline, l’archère parle ouvertement de sa personnalité émotive, de la place du mental dans le sport de haut niveau et de son recours à des psychologues pour les travailler.
Lisa Barbelin célèbre sa médaille de bronze, samedi 3 août 2024 sur l'esplanade des Invalides, à Paris. (Tingshu Wang/REUTERS)
publié le 3 août 2024 à 19h56

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Le vent s’était levé sur l’esplanade des Invalides, à Paris, quand Diananda Choirunisa a pris place sur le pas de tir samedi 3 août. Après avoir dominé tout le quart de finale de tir à l’arc qui l’opposait à Lisa Barbelin, l’Indonésienne a décoché sa flèche empoisonnée, comme déviée par un souffle d’air. En face, la Française de 24 ans ne croyait pourtant plus en ses chances. Avant que le destin ne s’en charge. Instant suspendu. Sous un bob à petites fleurs, l’incompréhension parcourt son visage. Elle comprend qu’elle peut reprendre le dessus. La pression était monstre mais l’ancienne numéro 1 mondiale n’a pas tremblé pour tirer une unique flèche, dite de la «mort subite», dans le jaune. Le scénario est dingue, le public porté par le vent de l’histoire. La Française file en demi-finale, qu’elle perd, avant de se remobiliser à nouveau pour remporter la «petite finale».

Après être passée à côté des tirs de classement, avoir manqué les rendez-vous par équipe et en mixte cette semaine, rien ne semblait pouvoir arrêter Lisa Barbelin quand elle s’est faufilée dans un dernier carré composé à 75 % de Sud-Coréennes, qui dominent la discipline depuis une décennie. En moins de cinq minutes, l’archère tricolore effaçait le souvenir de sa malheureuse 5e place à Tokyo pour s’offrir la première médaille individuelle de l’histoire du tir à l’arc féminin français, avec le cœur et le mental.

Un carnet d’entraînement aux allures de défouloir

«Il y avait l’angoisse, le stress, tout ce qu’il ne fallait pas, mais aussi beaucoup de bonheur et de fierté d’être là», analysait-elle à chaud en sortant du pas de tir. Si elle affiche un sourire à toute épreuve, pétillante et très expressive, la Lorraine a bataillé avec elle-même pour apprendre à gérer ses émotions dans un sport où le mental est la clé de la réussite. La championne d’Europe a entamé un gros travail de préparation mentale depuis les derniers JO, à commencer par un carnet d’entraînement aux allures de défouloir, qu’elle remplit de leitmotivs et de données en tout genre sur ses performances.

Mais voilà, Lisa Barbelin marche à l’émotion et dans un grand rendez-vous comme les Jeux, qui plus est «à la maison», tout est décuplé. Fébrile après ses passages difficiles sur le pas de tir cette semaine, elle a sollicité une psychologue de l’Agence nationale du sport (ANS). «C’était nécessaire, on s’est rendu compte toutes les deux qu’il manquait une clé et qu’il suffisait de cette clé pour débloquer la serrure, et pouvoir profiter de chaque moment, chaque seconde lors de ces JO. Il fallait que j’arrive à être dans l’instant présent, sinon je n’aurais pas passé beaucoup de tours aujourd’hui», raconte l’archère, à tête reposée après le match pour le bronze. Un soutien qui l’a aidée à corriger le tir.

«Mes émotions ne sont en aucun cas un frein»

Celle qui répétait à l’envi depuis le début de la compétition à quel point elle «aimait cette arène» des Invalides avant d’annoncer qu’elle voulait décrocher une médaille «pour l’histoire» a profité de chaque instant pour remplir sa mission. «Je suis une personne très émotive, j’ai besoin de sortir ce que j’ai en moi, je vis avec beaucoup de choses dans mon cœur et mes émotions ne sont en aucun cas un frein», explique la pensionnaire de l’Insep. C’est avec ce visage illuminé, grimaçant parfois, au bord des larmes ou rayonnant de plaisir, qu’elle a transporté le public dans les travées de l’esplanade. Avant le début des Jeux, Lisa Barbelin confiait à Libé, avec cette niaque qu’on lui connaît, qu’elle espérait, grâce à l’événement, inspirer d’autres femmes dans un sport confidentiel, qui compte seulement 35% de licenciées : «J’aime me dire que les femmes, un jour, seront émancipées dans cette discipline et kifferont le tir à l’arc. J’aimerais être celle qui leur ouvre la voie.»