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Que dire qui n’ait été jamais dit sur les frères Lebrun en général, le cadet Félix en particulier ? L’enfance montpelliéraine, le biberonnage au ping-pong, le père bon joueur français, l’oncle Christophe Legoût, pongiste international. On pourrait aussi mentionner les entraînements dans le garage familial, les simulations de ping-pong avec tout et n’importe quoi, l’éclosion soudaine, de la 1 068e place mondiale il y a deux ans jusqu’à la 5e place aujourd’hui. Ce qui lui conférerait le titre honorifique de meilleur joueur du monde, sur une planète où la Chine n’existerait pas.
On a insisté sur la ressemblance avec son frère Alexis, qui les ferait passer pour des jumeaux s’ils n’avaient trois ans de différence. La coupe de cheveux très sage, les lunettes. Le look plus rat de bibliothèque que champion. On a raconté aussi, sa prise «porte-plume», généralement apanage des Chinois. L’incroyable laxité du poignet qui le dote d’un revers létal et lui permet d’imprimer des effets délirants à la balle. Ses services (on dit qu’il en a plus de 100 différents en stock) qui mettent ses adversaires au supplice.
Félix Lebrun et Hugo Calderano, têtes de série numéro 3 et 4 avant d’entamer le tournoi
Ce qu’on n’avait pas dit, et pour cause : depuis ce dimanche 4 août en début d’après-midi, la belle histoire s’est enrichie d’une médaille de bronze olympique. Après la balle de match, Félix Lebrun, du haut de ses 17 ans, est monté sur un podium olympique. Il ressemblait diablement à ce qu’il avait projeté, il y a douze ans, en se jurant qu’un jour, il grimperait dessus.
Il ne lui a pas fallu lever la jambe très haut à l’Arena Sud pour monter sur «la boîte», tant il a dominé son adversaire, le Brésilien Hugo Calderano dans ce match pour la troisième place. Une affiche on ne peut plus logique, puisque le Français et le Brésilien étaient respectivement têtes de série numéro 3 et 4 avant d’entamer le tournoi parisien. Pour atteindre le dernier carré, le Brésilien à l’air aussi gai qu’un soldat nord-coréen qui enterrerait le «Grand soleil du XXIe siècle» (aka Kim Jong-un) et avec autant de tics au service que Rafael Nadal, avait notamment éliminé Alexis Lebrun en huitième de finale.
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Depuis la fessée cul-nu infligée vendredi en demi-finale par le Chinois Fan Zhendong (et d’ailleurs médaillé d’or après son succès face au Suédois Moeregaardh), Félix Lebrun avait eu le temps de se requinquer le moral et d’élaborer avec son entraîneur, Nathanaël Molin, la tactique qui lui permettrait d’annihiler la puissance du Brésilien. Autre enjeu clé : trouver le moyen de malgré tout surprendre un adversaire avec lequel il s’entraîne régulièrement. La partie ne fut pas très riche en ces échanges spectaculaires qui tirent des «ooooooh» et des «aaaaaah» de la gorge des spectateurs. Lebrun a fait cavalier seul, pour s’imposer 4 manches à 0 (11-6, 12-10, 11-7, 11-6). Tout juste a-t-il connu une petite alerte en sauvant une balle de deuxième manche.
«C’est la première fois de ma vie que je pleure de joie, normalement je ne suis pas quelqu’un d’hyperémotif, confessait Félix Lebrun après sa victoire. Il n’a pas fait le meilleur match de sa vie mais c’est à cause de ce que j’ai produit tactiquement. Je lui ai mis la pression sur chaque balle et super bien géré la nervosité.» Et le néomédaillé de bronze d’enchaîner : «Nathanaël a un rôle énorme. Cette médaille était un rêve à tous les deux. Il mérite ce moment tout autant que moi.»
Ça fait douze ans que tu es prêt à jouer ce match, on va t’expliquer comment tu vas le jouer.»
— Nathanaël Molin, entraîneur de Félix Lebrun, s'adressant à lui avant son match pour la troisième place
Lequel entraîneur racontait une scène la veille. «Je l’ai pris en face-à-face et je lui ai demandé : “Dis-moi pour de bon comment ça va.” Il m’a répondu que forcément il avait un peu peur. Je lui ai dit : “C’est normal. Maintenant, ça fait douze ans que tu es prêt à jouer ce match, on va t’expliquer comment tu vas le jouer, il n’y aura pas de souci.”»
Avant de repartir dès ce lundi sur la compétition par équipes, alors qu’on évoquait l’incroyable ambiance qui l’a porté lui et son frère toute la semaine, Félix Lebrun a lâché : «C’est une fierté énorme de savoir que j’ai touché un petit peu les gens.» Parents, accrochez-vous : après ces Jeux, votre enfant va peut-être vouloir faire du ping-pong. Bon courage. Les places en club vont être chères.