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Quel drôle de sport que celui qui a apporté à la France sa 63e et avant-dernière médaille des Jeux (restent les basketteuses, qui se battront pour l’or à 15 h 30). Mêler équitation, escrime, natation, course et tir, c’est quand même un combo bizarroïde. Mais on ne va pas se plaindre, le pentathlon moderne réussit bien à Elodie Clouvel, sacrée vice-championne olympique ce dimanche 11 août. Huit ans après l’argent, déjà, raflé aux Jeux de Rio. Eliminée de l’épreuve d’équitation, l’autre tricolore en lice, Marie Oteiza, n’a rien lâché, et termine dernière de la finale.
Au cœur du parc du château de Versailles, entre les allées boisées et les fontaines, s’est en fait jouée l’épreuve imaginée par Pierre de Coubertin. Vous savez, le monsieur dont des fantômes traînaient sur quasiment tous les sites de compétition, les speakers mettant le public au défi de «trouver Pierre» dans les gradins et de se prendre en selfie avec lui. Enfin pas le vrai hein, car l’instigateur des Jeux olympiques de l’ère moderne, fondateur du Comité international olympique qu’il a présidé de 1896 à 1925, est décédé il y a 87 ans. Lorsqu’il a ressuscité l’olympisme en 1896, le baron a tenu à les doter d’une épreuve rappelant les cinq («penta») disciplines pratiquées dans la Grèce antique. Devenu olympique à Stockholm en 1912, ce pentathlon distingue «le meilleur soldat», juge-t-on. Autrement dit, l’athlète le plus complet, celui capable d’endurance, de précision, de sang-froid, de stratégie face à l’adversaire, et d’empathie avec l’animal.
Toit géant façon Bibendum
Premier acte de la finale disputée ce dimanche : l’équitation. Etape qui sera bientôt remplacée par un parcours d’obstacles à pied. La faute à la polémique provoquée lors des Jeux de Tokyo par les coups assenés par une pentathlète allemande, Annika Schleu, à sa monture récalcitrante. Pour la dernière fois, c’est encore à cheval que les athlètes se sont élancées à travers le parcours de dix obstacles, en tentant d’aller le plus vite possible, sans toucher les barres pour ne pas prendre de pénalités. Conformément à la volonté de Pierre de Coubertin, pour n’avantager personne, les canassons sont attribués au tirage au sort. Loin des déboires de Marie Oteiza, dont la monture Babouchka de la Bride a refusé de sauter, Elodie Clouvel a hérité de Fly de Vesquerie. Lancée à pleine vitesse, ne percutant qu’une barre sur son passage, Clouvel signe une bonne performance. La première d’une longue suite, pour elle qui était encore paralysée par sa peur bleue de l’animal il y a quelques années.
Le temps de gonfler un toit géant façon Bibendum pour bloquer les rayons du soleil, les pentathlètes revenaient en tenues d’escrime. Jeudi, elles s’étaient déjà rencontrées à l’occasion de l’épreuve de classement, à l’Arena Paris Nord de Villepinte. Toutes s’étaient affrontées en une touche, un point revenant à la première à marquer, histoire d’enregistrer le meilleur score possible pour se placer au mieux lors des demi-finales et de la finale. Dimanche, place à l’épreuve bonus, bien plus expéditive. La première à toucher élimine l’autre, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une. Et à la fin, c’est Clouvel qui reste. Il lui aura fallu une grosse seconde pour mettre à l’amende sa concurrente italienne.
Un «laser run» pour finir
Nouveau changement d’accoutrement, au profit des maillots de bain pour plonger dans le bassin de 25 mètres qui complétait le terrain de jeu du pentathlon. L’élément dans lequel Elodie Clouvel est la plus à l’aise, en tant qu’ancienne nageuse. Jusqu’en 2008, la Française s’entraînait sous la direction du caractériel Philippe Lucas. Mais elle voit son rêve olympique lui échapper, non qualifiée pour Pékin sur ses distances fétiches du 400 et 800 mètres. A 19 ans, décidée à tracer sa route vers les Jeux, elle cède aux sirènes de la Fédération française de pentathlon moderne. Du haut de ses 35 ans, fêtés en début d’année, Clouvel voulait prouver qu’elle reste la meilleure nageuse. Presque : elle a parcouru les 200 mètres en 2′11″64, le troisième chrono. Suffisant pour s’emparer de la première place au classement.
Après quelque deux heures à enchaîner les épreuves, les athlètes sèchent leurs cheveux pour le grand final. Une épreuve au nom énigmatique de «laser run», qui consiste en un mélange de demi-fond et de tir. Dans sa nouvelle mouture, le pistolet laser a remplacé l’arme à balle réelle de la version coubertienne, et les deux disciplines ont été réunies en une, à la manière du biathlon au programme des Jeux d’hiver. Une course de 3 000 mètres attend les pentathlètes, émaillée de quatre passages au stand de tir à 10 mètres, avec à chaque fois cinq cibles à toucher dans le vert, avant de pouvoir repartir.
En tête du classement, Elodie Clouvel s’élance la première. Coup dur : son premier passage manqué au pas de tir, où elle rame avant d’atteindre la cinquième cible, permet à sa poursuivante hongroise de reprendre l’avantage. Michelle Gulyas décroche d’or, la Sud-Coréenne Seong Seungmin le bronze. Entre les deux, la Française.
Los Angeles dans le viseur
Ces tirs ratés ont fait prendre 9 secondes de retard à la Française, mais ça aurait pu être bien pire. «Je n’étais pas en confiance sur cette épreuve, concède-t-elle. Il y a un an de ça, j’étais au fond du trou, à deux doigts de tout arrêter. Je n’arrivais plus à gérer le tir, donc j’ai repris les bases avec l’aide d’un club de tir.» Elle a aussi dû gérer la pression d’arriver la première face aux cibles : «Mes vieux démons sont revenus, j’étais toute seule, il y avait du vent, j’avais le bras qui tremblait. Mais après le premier tir, je n’ai plus rien calculé. J’avais des ailes et le public m’a portée. J’étais comme une reine dans le château de Versailles, acclamée par tous ces Français.»
Mais sa plus grande fierté restera sans doute sa performance sur la dernière épreuve de saut d’obstacles à cheval de l’histoire du pentathlon olympique. «La chute de Marie juste avant m’a mise dans l’émotion, mais j’ai réussi à tout de suite reconnecter avec mon cheval. C’est un cheval de la Garde républicaine, il a été complètement avec moi. Je ne l’oublierai jamais. C’était magique.» Même si l’épreuve change de format, elle est prête à rempiler pour Los Angeles en 2028. «Je vais sûrement faire une pause, j’aimerais fonder une famille. Je suis bien dans mon corps et ma tête, je suis redevenue la Elo d’avant, donc j’ai envie de continuer.»