L’amorce d’un boycott qui ne dit pas encore son nom ? C’est acté en effet : il n’y aura aucun Russe ou Bélarusse au Grand Palais dans trois mois pour les épreuves d’escrime des JO de Paris. Il existait pourtant une ultime fenêtre de tir pour ceux qui pouvaient prétendre se qualifier sous le statut d’athlète individuel neutre, avec le tournoi de qualification olympique européen, organisé de vendredi 25 à dimanche 28 avril, à Differdange au Luxembourg.
Or mardi 24 avril, date limite pour cocher son nom sur la liste des participants, aucun athlète de ces deux pays ne s’était inscrit à l’événement. «La raison de leur absence n’est pas connue, il n’y a pas de déclaration ou de lettre officielle pour l’expliquer», a simplement commenté Giorgio Scarso, président de la Confédération européenne d’escrime.
Libélympique
Pourtant, certains parmi les absents avaient participé au circuit de la Coupe du monde ces derniers mois en tant qu’athlète individuel neutre (AIN), un statut instauré par le Comité international olympique (CIO), qui impose de ne pas avoir ouvertement soutenu l’offensive lancée en Ukraine par la Russie en février 2022 ou d’être membre d’un club lié aux forces de sécurité russes pour pouvoir prétendre se qualifier pour les Jeux de Paris.
Si les meilleurs tireurs russes n’ont pas été jugés éligibles à ce statut par la Fédération internationale d’escrime (FIE), d’autres avaient encore une ultime possibilité de se qualifier pour les Jeux. Six tickets restent à décrocher à Differdange.
«Nous n’allons pas diviser notre équipe»
Faut-il comprendre que la menace de boycott brandie par le président du Comité olympique russe, Stanislav Pozdniakov a été mise à exécution ? Un an plus tôt, alors que la FIE s’était distinguée en étant la première à réintégrer les sportifs russes et bélarusses, l’homme avait averti les hautes instances de son intention d’ignorer les épreuves olympiques d’escrime. En cause : le statut d’AIN, qui avait été refusé aux meilleurs tireurs de son pays. A commencer par sa fille Sofia Pozdniakova, championne olympique en titre de sabre individuel et par équipes à Tokyo, mais rattrapée par ses accointances avec l’armée russe. Ou encore la sabreuse Valeria Kobzeva, dénoncée à quelques semaines des Mondiaux de Milan par le ministère ukrainien des Sports, qui l’accusait d’avoir «liké» certaines publications du club de foot du CSKA Moscou en lien avec la guerre en Ukraine.
«Aucun des escrimeurs russes n’ira à ces Jeux olympiques», avait réitéré plus explicitement le 11 avril le président de la Fédération russe d’escrime, Ilgar Mamedov, au site spécialisé Sports.ru. «Nous avons clairement indiqué notre position de principe : nous n’allons pas diviser notre équipe en ceux qui plaisent à l’Occident et en ceux qui, à leur avis, sont de “mauvais Russes”.» Les instances russes ont donc joint le geste à la parole.
Ire de Moscou
Faut-il voir dans cet épisode les prémices d’un boycott généralisé ? Malgré ces contraintes strictes d’AIN que seules quelques dizaines de sportifs semblent être en mesure de respecter, le ministre russe des Sports Oleg Matytsine a semblé éloigner la perspective d’un boycott mi-mars. Mais entre-temps, le CIO a exclu Russes et Bélarusses de la cérémonie d’ouverture, suscitant l’ire de Moscou pour qui l’instance internationale a «basculé dans le racisme et le néonazisme».
Reste qu’en lutte, des athlètes de ces deux pays ont décroché leur place aux Jeux début avril. Dans le détail, 13 des 36 places accordées lors du tournoi de qualification olympique de Bakou ont été obtenues par des athlètes individuels neutres. Sauf contre-ordre express et formel du Kremlin, et pour peu que le CIO valide définitivement leur statut d’AIN, eux devraient être bel et bien présents à Paris.