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Les Bleues viennent à peine de mettre à genoux les Belges et leur colosse Emma Meesseman en demi-finale qu’une autre montagne se dresse devant elles. Les Américaines et leur Everest à elles, A’ja Wilson. Le haut du haut du panier, cheffe de file technique et vocale d’une sélection qui ne sait toujours pas perdre. Une pivot longiligne (1,93m) dans la force de l’âge (28 ans), dont les prestations à l’année illuminent chaque soir de match un peu plus Las Vegas, sa franchise avec qui elle reste sur deux titres de championne WNBA consécutifs.
A Paris, l’intérieure de la Team USA ne scintille pas moins. Elle est conforme à ses standards outre-Atlantique, guidant sa sélection des deux côtés, totalisant une vingtaine de points et une dizaine de rebonds en moyenne. En demie vendredi, elle a trottiné une moitié de match, pas plus. Le temps d’écœurer les Australiennes, toutes venues s’empaler les unes après les autres dans ses bras. Ses contres à l’entame contraignant les mobylettes d’en face à aller tenter leur chance ailleurs. Ballon en main, elle rate peu, en étant surtout efficiente à 2-3 mètres. Le staff l’a préservée en la laissant sur le banc en seconde mi-temps, les copines s’occupant du reste. Puis elle est repartie aux vestiaires, a pris sa douche, empaqueté ses affaires, dans lesquelles se trouve toujours son petit porte-monnaie en cuir. Il ne la quitte jamais. Un legs de feu sa grand-mère, jadis très engagée sur les questions d’égalité raciale, dont le militantisme rejaillit sur la petite-fille. A’ja Wilson est en réalité un concentré des sujets sociétaux-sportifs de l’époque, la championne américaine n’hésitant pas à prendre la parole pour causer politique, santé mentale ou dyslexie. Cette dernière cause l’a poussé à lancer en 2019 la Fondation A’ja Wilson, une organisation qui vient en aide aux enfants souffrant de troubles de l’apprentissage.
Rencontre avec Kamala Harris
Son combat en faveur de la justice sociale, lui, est une lutte permanente. Lorsque le mouvement Black Lives Matter prenait de l’ampleur, en 2020, que son pays se déchirait après les morts de George Floyd ou Breonna Taylor, rouvrant en grand la plaie béante des violences policières, Wilson s’était adressée à son public via une longue diatribe intitulée «Dear Black Girls» («chères filles noires»). Un texte publié dans The Players’Tribune, une plateforme qui laisse le champ libre aux athlètes pour s’exprimer sur des sujets qui leur importent. A’ja Wilson s’épanchait ouvertement sur sa jeunesse en tant qu’enfant noire grandie en Caroline du Sud. Parlait du racisme ordinaire. De sa frustration face aux préjugés auxquels sont confrontées les femmes noires. «J’avais l’impression que la mort de Breonna Taylor [l’ambulancière afro-américaine a été tuée par des tirs de policiers à Louisville, en 2020, ndlr] était passée sous silence, alors que c’est l’histoire de la vie d’une femme noire de bout en bout, et je voulais que les autres femmes noires sachent que je les vois et que je les comprends», écrivait-elle.
Après ce texte initial, elle a pondu un ensemble de 192 pages, Dear Black Girls: How to Be True to You («chères filles noires, comment vous regarder en face»), mêlant récits de vie et recueil d’essais. Le livre est sorti en février 2024, en pleine année de présidentielle américaine, aux enjeux sociétaux forcément cruciaux. Au même moment, elle a rencontré la vice-présidente Kamala Harris, désormais candidate à la Maison Blanche, pour réfléchir aux moyens de mieux sensibiliser les citoyens au vote.
Transpi et bougie
Wilson est une femme de son époque, avec des goûts à l’ancienne, axés plutôt 1990-2000. Elle apprécie visionner des épisodes de la sitcom le Prince de Bel-Air, écouter du r’n’b. Et voue une passion pour les bougies. Au point de monter son entreprise, Burnt Wax Candles, spécialisée dans les bougies de luxe (40 dollars l’unité) flanquées de noms comme «MVP» (meilleure joueuse de la saison) ou «Rookie of the Year» (meilleure débutante), référence aux deux distinctions individuelles qu’elle a reçues par le passé.
Elle en adore les odeurs, autant que celle de la sueur la dégoûte. Elle n’aime pas transpirer tout court, si bien que cette fille d’un ancien basketteur pro n’envisageait aucunement une carrière dans le basket. C’est poussée par sa famille qu’elle a pris goût au jeu. Elle a été à bonne école, sous les préceptes de Dawn Staley. Quand elle n’était qu’espoir en Caroline du Sud, l’illustre entraîneure au palmarès inégalable lui a dit qu’un jour elle signerait chez Nike et aurait ses propres chaussures. Cette année, l’équipementier a confirmé qu’une paire à son nom, la «Nike A’One 1», sera commercialisée en 2025. Aux Etats-Unis, une telle déclinaison n’est réservée qu’à une poignée d’athlètes de renom. A’ja Wilson est de ceux-là.