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Libération
Dans la Seine

JO de Paris 2024 : «la patronne» Sharon Van Rouwendaal remporte le 10 km en eau libre

JO Paris 2024dossier
Soumises au courant impétueux de la Seine, les nageuses ont lutté pour venir à bout du parcours. Coups dans les berges, griffures par les ronces, rien ne leur a été épargné. Avec au bout, le deuxième or olympique de la Néerlandaise.
Sharon Van Rouwendaal et sa médaille d'or, ce jeudi 8 août à Paris. (Vadim Ghirda/AP)
publié le 8 août 2024 à 13h12

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Tous les nageurs en eau libre l’ont répété durant leurs interviews successives : «Le maître-mot de notre sport, c’est l’adaptation.» S’adapter aux conditions météo – 20 °C dans l’eau de la Seine, 18 °C dans l’air de Paris, grand soleil sur la capitale française ce matin. S’adapter à l’environnement – une course olympique sous les acclamations d’un millier de spectateurs, dans un décor de carte postale, au départ du pont Alexandre-III et jusqu’au pont de l’Alma, avec la tour Eiffel et le Grand Palais en ligne de mire. S’adapter à la trajectoire – 10 kilomètres à parcourir en six boucles de 1,666 kilomètre très précisément, avec les piliers du pont des Invalides à esquiver. Et, enfin, s’adapter au courant. A ce jeu-là, c’est Sharon Van Rouwendaal qui a tiré son épingle ce jeudi 8 août, lors de la course féminine de natation marathon lancée à 7 h 30. Déjà dorée à Rio, puis en argent à Tokyo, la Néerlandaise de 30 ans s’empare de son deuxième titre olympique, après plus de deux heures de course. L’Australienne Moesha Johnson et l’Italienne Ginevra Taddeucci complétaient le peloton en tête de course, et sont logiquement montées sur le podium. La championne olympique en titre, la Brésilienne Ana Marcela Cunha, termine juste derrière. Les Françaises Océane Cassignol et Caroline Jouisse font septième et huitième.

Dompter le courant, c’était le principal défi. Dans des eaux dont le débit se montre deux à trois fois plus élevé que les normales estivales, c’était à celle qui aurait la meilleure stratégie pour profiter du courant poussant les corps dans un sens, puis affronter la résistance du fleuve parisien dans l’autre sens. «Le fort débit de la rivière rendra la course intéressante demain, il faudra garder un œil sur les différentes stratégies», écrivait Moesha Johnson sur Instagram mercredi. Il s’agissait de «gérer les passages de bouées» et les «phénomènes d’aspiration», dans un parcours où «les variations de vitesse» étaient «très importantes», avait averti Stéphane Lecat, directeur de l’équipe de France de natation marathon, au Club France dimanche. L’autre crainte concernant le courant, c’était qu’il emporte au large les bouteilles utilisées lors des ravitaillements. Pour s’épargner toute nouvelle polémique, l’organisation avait opté pour des contenants biodégradables, et trois paddles stationnaient en contrebas afin de les réceptionner.

Le meilleur témoignage des efforts requis, c’est le rythme de nage mesuré. Se contentant d’abattre 70 tours de bras par minute en nageant vers le pont de l’Alma, les athlètes étaient contraintes d’en fournir plus de 80 sur le retour, pour espérer vaincre le courant impétueux. En outre, «il fallait lécher le mur», ironise Caroline Jouisse. La plupart des nageuses se sont attelées, comme elle, à longer les berges, jusqu’à y laisser leurs coudes, pour se glisser dans les couloirs d’eau les moins brutaux.

«Crash test avant la course des hommes»

Avec ses grands coups de bras puissants, Van Rouwendaal a su faire la différence. «Sharon, c’est la patronne, elle le montre encore une fois», salue Caroline Jouisse. «C’est la régularité avec le talent», résume Stéphane Lecat. La plus tricolore des Néerlandaises, ancienne protégée de Philippe Lucas qui s’entraîne depuis plus de dix ans en France, «a un terreau de très bonne qualité». «Depuis qu’elle est jeune, elle est très forte que ce soit en eau libre ou en bassin, insiste le chef de l’équipe de France. Je rappelle quand même qu’elle a fait médaille d’argent en 400 m nage libre à Kazan [aux Mondiaux de 2015], derrière Katie Ledecky», la légende américaine du demi-fond.

Sur cette épreuve, les Françaises n’étaient pas avantagées par rapport à leurs concurrentes : elles sont restées jusqu’au dernier moment en montagne pour leurs stages, et n’ont pas pu, plus que les autres, s’entraîner en conditions réelles, faute de qualité d’eau suffisante. Toutes deux terminent leur toute première course olympique dans le top 10, qu’elles ont l’habitude de truster lors des grands rendez-vous internationaux. «On s’est pris les bords et les ronces, on était un peu le crash test avant la course des hommes», plaisante Caroline Jouisse, épaules griffées et mains encore tremblantes. La Française de 30 ans aurait «bien voulu un podium». «Le courant, c’était pire que ce qu’on pensait», complète Océane Cassignol, qui parle de cette course comme «la plus dure de [sa] vie». La nageuse de 24 ans se satisfait de cette septième place, conquise malgré des problèmes aux épaules qui l’ont handicapée toute la saison passée. «Il y a encore deux mois, j’avais une lésion au tendon, j’ai fait une infiltration pour pouvoir nager aujourd’hui.» Dans ce contexte, il y a de quoi avoir le sourire.