Inscrivez-vous pour recevoir gratuitement notre newsletter Libélympique tous les matins pendant les Jeux.
Difficile de dire qu’ils sont totalement neutres, l’est-on jamais ? Mais depuis mi-juillet, des dizaines de milliers de journalistes étrangers – des Etats-Unis jusqu’au Bangladesh en passant par le Pérou et la Mongolie – quadrillent Paris et sa banlieue et leur verdict dit beaucoup du succès, urbi et orbi, de cette édition olympique 2024. Derrière leurs «ooooh» et leurs «aaaaah» en découvrant des sites incrustés dans des cartes postales, ils ont aussi eu le temps de prendre la température d’une France passé de la crise politique aiguë à la liesse populaire. «Je m’attendais à voir un pays englué dans les problèmes. J’ai été agréablement surpris, pose d’emblée Philippe Vande Weyer, qui bosse pour le quotidien belge le Soir. Ces Jeux ont montré que la France savait retomber sur ses pattes.» Ils «ont illustré un certain orgueil de la France», confirme en écho sa collègue italienne, Giulia Zona, dépêchée sur zone par la Stampa.
Déjantée et grandiose, la cérémonie d’ouverture a donné le la de la quinzaine même si 1) la pluie a fait disjoncter certains reporters et 2) tout le monde a eu du mal à tout suivre et tout comprendre. Quand Philippe Katerine est apparu sous sa cloche tel un poulet rôti bleu, un accrédité bangladais a pris ses cliques et ses claques, quittant le site du Trocadéro détrempé sans que l’on sache si le spectacle était culturellement trop choquant pour lui ou s’il en avait ras la casquette de prendre des litres d’eau sur la tête depuis le début de la soirée. Ces quatre heures de spectacle en mondovision ont «montré Paris mais nous, on a très mal vu, voire pas du tout, les visages des athlètes sur les bateaux», se souvient Giulia Zona, pour qui «la ville a pris le dessus sur les sportifs».
«On fait du tourisme en allant au travail»
Avoir des épreuves sous la tour Eiffel ou dans le Grand Palais a évidemment fait beaucoup pour la renommée de Paris 2024 à l’étranger. Sze Man Yip travaille au quotidien hongkongais Wen Wei Po, qui l’a envoyée couvrir ses premiers JO dans un pays où elle n’avait jamais mis les pieds. «La ville et son urbanisme entre tous ces vieux monuments et cette modernité, c’est magnifique, raconte la jeune journaliste en marge d’une épreuve de taekwondo, sous la verrière du Grand Palais, justement. Avec les sites de compétition dans la ville, on fait du tourisme en allant au travail.»
Croisé dans la navette vers le Centre aquatique olympique de Saint-Denis, Carlos Pérez Gallardo manie l’ironie. «J’étais resté sur de mauvaises images, des gens pas vraiment accueillants avec les touristes mais ça n’a pas été le cas, raconte le photographe qui bosse pour l’agence Reuters. Mais c’est peut-être parce que la plupart des Parisiens étaient partis pendant les Jeux.» Le Mexicain, d’ordinaire basé à Los Angeles, qui accueillera les JO d’été en 2028, décerne deux médailles d’or ex aequo : les sites de compétition – «les meilleurs de l’histoire» – et ses bouffes au resto. Côté gastronomie, la révolte a un peu grondé dans les centres de presse – «des bananes, quelques biscuits, et surtout, des citernes de café tiède et imbuvable», déplore Sze Man Yip – et au village olympique après les critiques de certains athlètes. Rabibochés avec la France (et Sodexo) par la grâce d’un muffin chocolat devenu la star des réseaux sociaux.
«L’ambiance était folle»
L’ambiance dans les stades, dont s’est délecté un Armand Duplantis biberonné aux applaudissements depuis son plus jeune âge, «était très cocorico, mais en même temps bon enfant, avec du respect pour les athlètes et équipes étrangères», salue le Belge Philippe Vande Weyer, qui a assisté comme ses collègues à la naissance d’une légende tricolore prénommée Léon pendant la première semaine de compétition. Carlos Pérez Gallardo shootait du handball lors d’une des quatre médailles d’or du Français : «Le match a été interrompu à cause de sa course. L’ambiance était folle. Il y a quelques jours, Marchand pouvait se promener dans les rues, personne ne le reconnaissait. Maintenant c’est une superstar. C’est agréable de voir éclore un héros local.»
Mais il en fallait bien qui dépareillent dans ce concert louangeur. Et ce fut le journal Ethnos, pour qui 2024 marquera «les pires JO de l’histoire». Une sombre histoire d’arbitrage défavorable à certains athlètes nationaux et un décor désapprouvé – tour Eiffel partout, bon goût nulle part, selon eux : «A Athènes en 2004, on avait l’Acropole et des monuments issus d’une civilisation lumineuse, on n’a pas gavé les téléspectateurs avec ça.» Un seum olympique.